Position de la CES sur l'évaluation du plan d'action mettant en oeuvre la feuille de route EPSR + au Sommet social européen de Porto

Position de la CES sur l'évaluation du plan d'action mettant en oeuvre la feuille de route EPSR + au Sommet social européen de Porto

Adoptée lors de la réunion virtuelle du Comité exécutif des 22 et 23 mars 2021

RÉSUMÉ

La CES salue le plan d’action pour la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux (SEDS) et s’associe à l’appel à le soutenir et à l’adopter lancé aux États membres, aux institutions de l’UE et aux partenaires sociaux afin de maintenir l’agenda social au centre de toutes les actions politiques de l’UE.

Le plan présente une vision prospective de l’Europe sociale s’accompagnant d’actions concrètes qui garantiront l’amélioration des normes minimales de protection des citoyens et des travailleurs et entraîneront une convergence à la hausse des conditions de travail en Europe. La CES se réjouit également de la démarche visant à mieux exploiter les synergies entre le SEDS et le programme de développement durable et mettant l’agenda du travail décent au cœur du modèle de développement de l’UE. Une série plus étoffée d’indicateurs et d’objectifs devrait renforcer la dimension sociale de la gouvernance économique et mieux évaluer l’impact du plan d’action sur les travailleurs.

Cependant, ce plan n’est pas exempt de failles en ce qu’il manque un exposé complet et une série d’actions destinées à combattre toutes les formes de travail précaire. De plus, la nécessité de prolonger les mesures d’urgence n’apparaît pas clairement négligeant de ce fait l’importance de protéger l’emploi dans les entreprises les plus susceptibles de survivre. Les conséquences réelles des bouleversements économiques actuels ne peuvent être anticipées de manière fiable. L’absence d’une initiative législative forte relative au revenu minimum et d’une proposition sur un régime de réassurance permanent ou tout autre stabilisateur pour soutenir l’emploi est décevante et nous demandons donc à la Commission de laisser ouverte la discussion sur ces points afin de trouver des solutions effectives.

Le plan d’action complète le Socle en identifiant des pistes de financement des mesures envisagées, compensant ainsi une lacune dans la proposition originale de SEDS (en particulier le préambule). Toutefois, le plan aurait dû mieux préciser la requalification des dépenses publiques afin de l’aligner sur les objectifs et les actions du SEDS en vue notamment d’une révision du Pacte de stabilité et de croissance (PSC).

Contexte

En novembre 2017, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont adopté le Socle européen des droits sociaux. Le SEDS définit une série de principes et de droits politiquement contraignants qui concernent les citoyens et les travailleurs. Il requiert dans le chef des institutions de l’UE et des gouvernements nationaux l’adoption au niveau approprié de mesures ou d’une législation dédiées pour faire en sorte que ces principes et ces droits se concrétisent afin d’améliorer les conditions de vie et de travail au sein de l’Union européenne.

Juste après sa proclamation, la CES a appelé la Commission européenne à présenter d’urgence une proposition de plan d’action pour confirmer les objectifs et les droits définis dans le SEDS.

Le plan d’action est aujourd’hui encore plus nécessaire alors que nous devons faire face aux conséquences négatives de la pandémie du Covid-19 sur la santé, l’emploi et la situation sociale et économique.

Durant l’année 2020, la Commission a lancé une consultation publique « Donnez vos idées pour renforcer l’Europe sociale » afin de rassembler des avis et contributions pour rédiger son plan d’action. La CES a produit une proposition détaillée pour chacun des 20 principes s’accompagnant d’actions destinées à fixer un socle minimum de droits au niveau européen et d’actions visant à établir une convergence à la hausse des conditions de vie et de travail. A la lumière des conséquences économiques de la crise du Covid, la CES a plaidé pour une action immédiate pour protéger l’emploi et les revenus des travailleurs et renforcer les objectifs du plan d’action relatifs à la transition juste et à la résilience sociale en proposant également 12 initiatives phares.

Le 4 mars 2021, la Commission européenne a finalement publié une communication intitulée « Le Plan d’action pour le Socle européen des droits sociaux » incluant les étapes de la mise en œuvre du SEDS.

Evaluation préliminaire

Globalement, l’évaluation du plan d’action pour le Socle européen des droits sociaux est plus positive que négative. L’accent général est mis sur le bien-être des personnes, le progrès social, une convergence à la hausse, une reprise riche en emplois, des conditions de travail adéquates, des emplois de qualité, une vie décente et la protection. Les actions ne sont toutefois pas toujours aussi ambitieuses que ce que le récit pourrait suggérer. La plupart des initiatives législatives étaient soit déjà engagées, soit en cours de discussion et la plupart des actions ne sont que des recommandations et des encouragements aux États membres, aux autorités publiques et aux partenaires sociaux. La CES espérait plus de courage de la part de la Commission afin d’établir des conditions équitables à l’échelle de l’UE à travers ces initiatives législatives. La CES reconnaît l’existence de difficultés que la Commission peut rencontrer en raison des objections de certains États membres à propos de la législation sociale, même aujourd’hui au plus profond des crises provoquées par la pandémie. Un autre élément à garder à l’esprit est la répartition des compétences entre l’UE et les États membres qui limite les possibilités d’action de la Commission européenne. Le plan d’action est toutefois suffisamment clair quant à l’amélioration des conditions de travail en Europe sans exclure la possibilité de lancer d’autres initiatives pour poursuivre les objectifs du SEDS.

Le plan d’action se concentre à juste titre, en particulier, sur certains groupes de la société qui sont les plus affectés par la pandémie parmi lesquels on trouve les jeunes, les travailleurs peu qualifiés et à bas salaire, les travailleurs temporaires, les indépendants et les femmes.

C’est pourquoi, la Commission a défini trois grands objectifs à atteindre d’ici à 2030 dans les domaines de l’emploi, des compétences et de la protection sociale afin d’éviter une importante aggravation du chômage et des inégalités. Cet exercice devrait se fonder sur l'évaluation de la stratégie Europe 2020 et garantir une adaptation plus ambitieuse de l'Agenda 2030 des Nations unies au modèle social européen, avec des objectifs plus nombreux et plus solides.

La CES se félicite de cette approche car ces objectifs peuvent constituer un précieux cadre d’action commun pour l’UE et orienter les décisions d’investissement dans les États membres, en particulier dans le contexte des plans nationaux de reprise et de résilience.

Ces nouveaux objectifs seront soutenus par une révision du tableau de bord social qui évolue dans la bonne direction en poursuivant un alignement sur l’agenda 2030 des Nations unies et ses 17 ODD, singulièrement lorsqu’il insiste sur une croissance durable et sur l’agenda pour un travail décent reflétant ainsi l’approche de la CES et son Index Travail décent et Croissance économique (#EUSDG8i). Définir des objectifs pour un nombre limité d’indicateurs peut renforcer la mise en œuvre de réformes dans des domaines cruciaux pour l’Europe sociale tels que la lutte contre la pauvreté, l’accès à une éducation et à une formation de qualité et la participation au marché du travail mettant l’accent sur les femmes et les jeunes.

Toutefois, la CES demande :

  • d’ajouter à l’objectif emploi (78%) des objectifs concernant la qualité des emplois ;
  • de faire preuve de davantage d’ambition concernant les objectifs de réduction de la pauvreté et de les aligner pleinement avec l’ODD 1 de l’agenda 2030 des Nations unies ;
  • de ne pas seulement définir des objectifs plus ambitieux mais aussi de fixer des objectifs à moyen terme pour 2025.

Le rapport conjoint sur l'emploi (RCE) revêtira encore davantage d’importance dans le cadre du Semestre européen puisqu’il mettra l’accent sur les principes pertinents du SEDS reposant sur le tableau de bord social révisé afin d’encourager les États membres à mettre en place des politiques pour combler les lacunes de leurs plans nationaux de réforme. Les recommandations dans le domaine social donnant aujourd’hui un élan accru aux lignes directrices pour l’emploi, la CES invite la Commission européenne à mettre en œuvre la recommandation sur l’accès à la protection sociale et à adopter la recommandation sur un soutien actif et efficace à l’emploi (EASE) suite à la crise du Covid-19 avec comme principal objectif de préserver autant d’emplois que possible durant et après la pandémie, de protéger les travailleurs, de réduire la pression sur les marchés du travail et d’éviter un gaspillage des compétences.

La Commission présente les actions à mener (directives, recommandations et initiatives autres) selon un calendrier trimestriel pour les deux prochaines années. Elle encourage également les États membres, les autorités publiques nationales et régionales et les partenaires sociaux à poursuivre une série d’autres actions pour contribuer à la mise en œuvre du SEDS. Cette approche est fort semblable à celle proposée par la CES dans sa réponse à la consultation publique.

Le plan d’action inclut une analyse correcte de la réponse immédiate de l’UE à la crise et de la nécessité de continuer à soutenir l’emploi et la création d’emplois de qualité dans la transition vers les secteurs verts et numériques. Cependant, et malheureusement, il ne contient aucune référence à la nécessité de prolonger les mesures d’urgence, l’approche concernant la poursuite du programme SURE manque de vigueur et il ne mentionne pas les régimes européens de réassurance chômage ou tout autre mécanisme stabilisateur de l’emploi comme solutions de long terme.

Alors que le discours sur la numérisation est bien étayé, l’analyse et les propositions sur les conséquences pour l’emploi de la transition verte sont insuffisantes. Il n’y a aucune mesure spécifique pour une transition juste qui aurait pu être mieux structurée dans un chapitre dédié.

En outre, bien que l’importance de l’information, de la consultation et de la participation des travailleurs soit clairement mentionnée, il n’est fait état d’aucune initiative spécifique à ce sujet pas plus que concernant la révision de la directive sur les conseils d’entreprise européens ou un nouveau cadre pour l’information, la consultation et la représentation dans les conseils d’administration des formes de société européenne et des entreprises ayant recours aux instruments du droit européen des sociétés autorisant la mobilité des entreprises. De plus, les lacunes en matière d’information et de consultation des travailleurs dans les administrations publiques doivent être comblées. Les États membres sont seulement encouragés à assurer l’application des règles existantes alors que la CES demande des normes minimales juridiquement contraignantes pour l’implication des travailleurs dans les processus transnationaux de restructuration. Enfin, il est positif que le plan d’action confirme la future initiative (prévue au deuxième trimestre 2021, la consultation publique ayant été clôturée début février) sur une gouvernance d’entreprise durable qui doit inclure des mesures en matière de diligence appropriée.

L’analyse concernant les jeunes et les travailleurs peu qualifiés en tant que catégories plus vulnérables exposées aux fluctuations du marché du travail est la bienvenue. La nécessité déclarée de disposer de stages de bonne qualité et d’offrir des conditions de travail équitables pour faciliter l’accès des jeunes au marché du travail et l’annonce de la révision de la recommandation du Conseil relative à un cadre de qualité pour les stages sont également bienvenues. La recommandation EASE est de nature à renforcer les politiques et règles sur les stages et les apprentissages.

Pour assurer des conditions de travail équitables et des emplois de qualité, la Commission propose d’aborder la question des travailleurs pauvres et des inégalités qui sont des phénomènes croissants dus à l’augmentation de la part des emplois mal rémunérés et peu qualifiés. Le processus d’érosion et d’affaiblissement des pratiques de négociation collective dans plusieurs États membres doit être arrêté et inversé. La proposition de directive relative à un salaire minimum adéquat dans l’UE est donc un pas dans la bonne direction. Elle doit cependant être améliorée pour pallier les conséquences involontaires et néfastes et assurer qu’elle soit à la hauteur des objectifs fixés, garantissant au moins un niveau de vie décent, le respect du droit à négocier collectivement et un élargissement réel de la couverture des conventions collectives. La CES appelle toutefois la Commission, le Parlement et les États membres à améliorer la proposition actuelle en approuvant les amendements qu’elle a présentés.

La CES applaudit la proposition législative sur les travailleurs des entreprises de plateforme mais déplore que son champ d’application ne s’étendra pas à d’autres catégories de travailleurs non standards. Cette lacune pourrait déboucher sur la création de facto d’une troisième catégorie de travailleurs. La CES est actuellement engagée dans la consultation des partenaires sociaux européens au titre de l’article 154 TFUE sur une possible action portant sur les défis relatifs aux conditions de travail de plateforme mettant l’accent sur les priorités suivantes : une présomption réfutable de relation de travail, la responsabilité des employeurs d’entreprises de plateforme et le renversement de la charge de la preuve par les plateformes. Compte tenu du manque de motivation des organisations patronales européennes à négocier un accord contraignant, la CES encourage le législateur européen à prendre une initiative pour protéger cette catégorie de travailleurs.

Rien n’est dit sur le travail précaire ni sur une action spécifique contre les emplois précaires (bien que certaines des mesures envisagées peuvent avoir un effet positif à ce sujet). En outre, il aurait été souhaitable de définir un cadre européen pour assurer une approche commune lorsqu’il s’agit de réglementer de nouvelles formes d’emploi. Le plan d'action devrait au moins rappeler l'obligation légale pour les EM de transposer la directive sur des conditions de travail transparentes et prévisibles d'ici août 2022 et la Commission européenne devrait prendre les mesures appropriées en cas de non-respect.

Le télétravail est devenu la norme pour des millions de travailleurs au cours de l’année écoulée. Cela restera une pratique courante jusqu’à la fin de la pandémie et au-delà dans la perspective d’une nouvelle organisation du travail. La Commission laisse aux partenaires sociaux européens le soin de traiter cet important sujet en les encourageant vigoureusement à s’accorder sur une solution pour répondre aux défis soulevés par le télétravail et la numérisation et qui garantit le droit à la déconnexion afin de pouvoir retirer le maximum du potentiel qu’ils représentent pour l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et l’environnement tout en en diminuant les risques inhérents. La CES réclame néanmoins une directive européenne sur le droit à la déconnexion et son application tout en rappelant que les partenaires sociaux ont la possibilité de négocier un accord contraignant.

S’agissant de la santé et la sécurité au travail (SST), l’annonce d’un nouveau cadre stratégique à ce sujet est positive et l’inclusion d’un nouvel indicateur (accidents mortels au travail) dans le tableau de bord social révisé montre la bonne direction pour répondre à la demande de la CES d’inscrire dans la prochaine stratégie une vision zéro accidents mortels liés au travail. La stratégie SST devrait également inclure une initiative pour que la Covid-19 soit reconnue comme maladie professionnelle. Malheureusement, aucune référence n’est faite à l’amélioration de la directive sur les agents biologiques qui devrait la rendre plus apte à faire face à une pandémie, ni à l’introduction de nouvelles directives européennes sur les risques de santé psychosociaux et les troubles musculo-squelettiques que la CES a réclamées à plusieurs reprises au cours de l’année écoulée.

Investir dans les compétences est une absolue priorité pour l’UE et il est clair que la Commission a fait du perfectionnement et de la reconversion professionnels l’un des éléments clés de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). En outre, il s’agit d’un des grands objectifs pour lequel trois indicateurs ont été proposés et ajoutés au tableau de bord social révisé. Le besoin d’investir dans l’éducation et la formation est amplifié par les transitions verte et numérique. La formation professionnelle initiale et continue pour tous et la formation des collaborateurs peuvent garantir à ce que la main-d’œuvre actuelle et future dispose des compétences appropriées, non seulement dans la perspective d’une transition juste et équitable mais aussi en tant que facteur de résilience sociétale. La CES salue l’annonce de l’initiative introduisant le droit à la formation et aux indemnités de formation ainsi que le droit à un traitement juste et équitable et à l’accès à la formation. Cela a toutefois un impact sur les conditions de travail et la négociation collective dans de nombreux États membres. La Commission européenne devrait dès lors rapidement impliquer les partenaires sociaux dans le processus et promouvoir le droit à la négociation collective tout en protégeant les modèles et pratiques de négociation collective existants qui sont bénéfiques aux travailleurs et en changeant ceux qui ne le sont pas. La CES apprécie l'accent mis par l'UE sur l'investissement dans la recherche comme condition préalable pour rendre l'Europe compétitive et durable. Enfin, nous déplorons le manque d'attention aux travailleurs dans le domaine de l'éducation et le manque d’initiatives visant à reconnaître le droit à une formation tout au long de la vie.

Un autre thème très important concerne l’égalité entre les femmes et les hommes. La Commission propose enfin des mesures contraignantes en matière de transparence salariale afin de renforcer le principe d’un même salaire pour un même travail. Ces mesures doivent toutefois encore être évaluées. Le fait que les États membres ont l’obligation de mettre en œuvre la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée d’ici août 2022 sous peine de poursuites judiciaires de la part de la Commission européenne. Les syndicats pourraient concrètement contribuer à ce processus. Enfin, la CES se réjouit de ce que la Commission encourage les États membres à accélérer et conclure les négociations au Conseil sur la proposition de la Commission garantissant la représentation des femmes de tous horizons dans les conseils exécutifs et non exécutifs des entreprises. La CES se félicite également de l'ambition du plan d'action de diminuer de moitié l'écart hommes-femmes en matière d’emploi, notamment en améliorant les dispositions en matières d’éducation formelle et d'accueil de la petite enfance, et en favorisant ainsi une plus forte participation des femmes au marché du travail.

L’approche adoptée dans le plan d’action concernant les migrants fixe la base pour de nouvelles actions concrètes, en particulier pour garantir le principe d’égalité de traitement qui n’est pas totalement développé dans le document. Aucune référence n’est faite à la nécessité de combattre l’économie informelle, le trafic et l’exploitation de travailleurs ni à celle d’aborder ces questions à travers le prisme des droits humains, de l’égalité et de la lutte contre les discriminations et les violences. La révision des directives sur la migration est en outre abordée dans le mauvais chapitre. La CES regrette que la migration de main-d’œuvre soit placée dans le contexte du besoin de l’UE d’« attirer talents et compétences ». La CES plaide pour des opportunités pour la main d’œuvre migrante, pour toutes les compétences et dans tous les secteurs, ainsi que pour la régularisation de celles et ceux sous statut précaire ou irrégulier. Elle estime que les travailleurs issus de l’immigration contribuent au succès de nos économies et à rendre nos sociétés plus dynamiques alors même qu’ils continuent à souffrir de formes de discrimination directe et indirecte. Face au nombre croissant de personnes cherchant asile en Europe, les partenaires sociaux et économiques européens se sont engagés aux côtés de la Commission en signant un partenariat européen pour l’intégration des réfugiés qui fait maintenant partie du plan d’action 2021-2027 de l’UE pour l’intégration et l’inclusion. Les États membres, les partenaires sociaux, les autorités locales et toutes les parties concernées devraient garantir l’égalité de traitement et de chances aux ressortissants de pays tiers qui résident et travaillent au sein de l’UE.

De manière générale, le chapitre sur la protection sociale est positif puisqu’il introduit un objectif social mesurable pour réduire le nombre de personnes à risque de pauvreté ou d’exclusion sociale d’ici à 2030. Il inclut également la garantie européenne pour l’enfance et la plateforme pour lutter contre le sans-abrisme. La CES relève toutefois certaines lacunes. Il n’est pas fait mention de l’adéquation des pensions ou du bien-être des personnes âgées. La modernisation des systèmes de protection sociale est à peine évoquée. La Commission va mettre sur pied un groupe d’experts de haut niveau pour se pencher sur l’avenir de l’État-providence mais le rôle des partenaires sociaux dans la conception de nouveaux systèmes de sécurité sociale adaptés aux générations actuelles et futures n’est pas abordé. De plus, le fait que les partenaires sociaux cogèrent souvent les systèmes de sécurité sociale en tant que principaux contributeurs implique qu’ils doivent aussi, le cas échéant, être les principaux acteurs pour développer des systèmes meilleurs et plus inclusifs. Enfin, la CES se félicite de l’approche de la Commission en matière de mobilité des travailleurs et du lancement d’une solution numérique (un Passeport européen de sécurité sociale) destinée à faciliter les interactions entre les citoyens mobiles et les autorités nationales et à améliorer les droits à la sécurité sociale et leur portabilité par-delà les frontières en s’inspirant de l’initiative pour une carte d’identité électronique européenne sûre et fiable.

Le plan d’action ne prévoit pas d’initiative législative sur des normes européennes communes pour les régimes de revenu minimum. Seule est mentionnée une recommandation du Conseil sur le salaire minimum pour soutenir et compléter les politiques des États membres. La CES estime que ce ne sera pas suffisant et qu’une initiative législative sera nécessaire, en particulier aujourd’hui et à la suite de la situation d’urgence sanitaire, là où il y aura des taux élevés de chômeurs et de personnes inactives qui auront besoin de revenus garantis pour prendre soin d’elles-mêmes et de leurs familles et leur assurer des conditions de vie décentes.

Une mise en œuvre complète et correcte de la recommandation du Conseil sur l’accès à la protection sociale est requise. Le rappel adressé aux États membres pour qu’ils étendent davantage et améliorent l’accès à la sécurité sociale aux catégories de personnes qui ne sont actuellement pas couvertes, telles que les chômeurs, les travailleurs non standards et les indépendants, est donc le bienvenu.

En outre, le paragraphe sur les services publics aurait pu être mieux rédigé pour l’aligner sur les ambitions du SEDS en mentionnant l’accès universel, la qualité des services et des biens publics, le caractère abordable et la pertinence qu’elles présentent en matière d’égalité des chances et de participation au marché du travail.

La pandémie de Covid-19 souligne la nécessité de renforcer les systèmes de santé publique universels et fondés sur la solidarité comme faisant partie du modèle social européen et de l’engagement en faveur de services publics de qualité. Cela peut se faire en investissant dans des systèmes publics sans but lucratif afin d’assurer des niveaux suffisants de personnel qualifié, bien formé et bien rémunéré, travaillant dans de bonnes conditions et capable de répondre aux besoins de la population. Il est essentiel de veiller à la résilience, à l’accessibilité, au caractère abordable et à l’efficacité de systèmes de santé de qualité pour tous les citoyens de l’UE. La CES salue à cet égard la recommandation faite aux États membres et la proposition d’initiative sur les soins de longue durée.

La CES se réjouit également du chapitre sur le financement des réformes et les investissements nécessaires pour mettre en œuvre le SEDS. La FRR et les plans nationaux pour la reprise et la résilience offrent une occasion de financer des investissements pour soutenir le redressement social et les emplois de qualité. Il est important de développer un haut niveau de synergie entre les différents instruments financiers (FRR, FTJ etc.) afin d'avoir une mise à niveau des projets utilisant différentes sources de financement. De plus, dans le cadre de la coordination du Semestre européen, nous pouvons évaluer le degré de convergence ascendante que chaque pays a pu atteindre tant sur le plan économique que social. Le FSE+ sera le principal instrument de soutien pour la mise en œuvre du « socle » et une série de fonds européens devraient contribuer à rendre réels les principes du SEDS. La Commission encourage les États membres à faire le meilleur usage des possibilités de financement de l’UE. La CES demande en outre des conditionnalités claires et strictes pour l’utilisation des fonds européens destinés au financement des actions proposées dans le plan d’action afin d’en réaliser les principaux objectifs sur base de mesures définies au niveau national avec l’implication des partenaires sociaux. La CES plaide pour qu’un dialogue entre gouvernements et partenaires sociaux soit rapidement ouvert afin d’aligner les plans nationaux sur les objectifs du plan d’action.

La CES se félicite des références faites dans le plan d’action à la nécessité d’une fiscalité transparente et plus équitable et se réjouit d’être impliquée dans les initiatives de suivi.

Le rôle clé du dialogue social est souligné. Les partenaires sociaux jouent en effet un rôle de premier plan pour atténuer l’impact de la pandémie et modeler la reprise en contribuant à l’adaptation du marché du travail aux futurs changements. Accroître les efforts pour soutenir la couverture de la négociation collective et prévenir la diminution du nombre et de la densité des adhérents des partenaires sociaux constitue une approche positive. En 2022, la Commission présentera une initiative pour promouvoir le dialogue social européen et national ainsi qu'un nouveau cadre de soutien pour les accords des partenaires sociaux. La CES salue cette initiative et demande à la Commission, après avoir consulté les partenaires sociaux, de présenter des initiatives concrètes traitant des problèmes centrés dans l'UE, ainsi que les États membres et les systèmes de dialogue social qui ont besoin de soutien.

Ce cadre devrait également soutenir l’application d’accords autonomes disposant de lignes de financement dédiées et encourager et permettre aux partenaires sociaux de présenter leurs accords négociés au Conseil pour leur adoption sous forme de directive. A cet égard, un groupe de travail doit être créé pour aborder les obstacles dressés par la Commission et le tribunal européen. La CES insiste sur l’importance de ne pas confondre dialogue social et dialogue civil. Nous souhaitons rappeler que le dialogue social et la négociation collective sont des prérogatives exclusives des syndicats et des employeurs. Nous avons donc des doutes concernant le prix européen pour un dialogue social innovant et sur la manière dont il sera décerné en pratique. Les questions clés sont : Comment les entreprises et les accords seront-ils sélectionnés ? Quelle sera la composition du jury ? Quelle sera la valeur ajoutée d’un tel exercice, en particulier au niveau européen, et selon quels critères ? La CES suivra attentivement cette initiative et demandera à être impliquée dans le processus dès que possible. La CES se réjouit enfin de l’engagement de la Commission à encourager la participation des États membres à travers la désignation de parties prenantes pertinentes et la création de mécanismes de coordination au niveau national pour la mise en œuvre du SEDS.

PROJET DE FEUILLE DE ROUTE VERS LE SOMMET SOCIAL EUROPÉEN DE PORTO (7 MAI 2021)

La CES a usé de son influence et plaidé pour qu’un plan d’action ambitieux veille à la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux pour les travailleurs à travers une convergence à la hausse des droits du travail, des conditions de travail, des salaires et des systèmes de protection sociale ; en promouvant une transition juste, le dialogue social, la négociation collective et la démocratie au travail ; en rendant la gouvernance économique européenne socialement équitable et inclusive.

Il faut que le Sommet social européen approuve le plan d’action ainsi qu’une déclaration commune (des institutions de l’UE et des partenaires sociaux) par laquelle tous les acteurs s’engagent à contribuer à la mise en œuvre du SEDS.

Dans ce but, la CES plaidera avec force en faveur de l’adoption d’une déclaration ambitieuse à Porto et a demandé que les syndicats soient impliqués dans la négociation pour sa rédaction.

De plus, la CES agira auprès des États membres qui participeront au Sommet social et au sommet informel des chefs d’État et de gouvernement (le 8 mai) pour qu’ils approuvent la déclaration commune. Nous devons nous assurer que le résultat de la réunion des chefs d’État n’aille pas dans une direction différente de celle du Sommet social. Un lien solide devrait également être établi entre les résultats du Sommet social et ceux de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, en particulier si la Conférence débute le 9 mai.

La CES organisera un Sommet syndical le 6 mai au cours duquel les affiliés seront invités à discuter de ses priorités pour la mise en œuvre du SEDS avec les institutions et les acteurs politiques concernés.

La CES noue également des alliances avec des institutions, certaines organisation patronales et des organisations gouvernementales et de la société civile qui partagent les mêmes objectifs que la CES pour un plan d’action ambitieux qui mettra enfin le bien-être des citoyens au cœur des politiques européennes et qui sont engagées en faveur d’une mise en œuvre saine et effective.

Enfin, la CES encourage ses affiliés à organiser des événements de sensibilisation et de diffusion destinés à leurs membres expliquant pourquoi le plan d’action est pertinent pour les travailleurs européens.