Plan d'action pour le Socle Européen des Droits Sociaux, l'avenir de la protection sociale Résolution de la CES adoptée lors de la réunion du Comité exécutif des 22 et 23 juin 2022
Résumé de la Résolution
a. La résolution résume les principaux messages de la CES délivrés lors des auditions spécifiques des partenaires sociaux sur la politique d’assistance et de protection sociale, organisées par la Commission européenne. - Les sujets allaient de l'avenir de l'État-providence dans l'UE aux initiatives à entreprendre dans la fourniture de services essentiels.
b. La CES estime qu'une approche globale des réformes solides de l’État-providence nécessite davantage d’efforts afin d'atteindre les objectifs du SEDS, en particulier de la Recommandation du Conseil sur l'accès à la protection sociale, et les grands objectifs de son plan d'action – notamment celui qui concerne la réduction de la pauvreté, via une coordination politique et financière substantielle, y compris des objectifs intermédiaires et nationaux.
c. Tous les droits contenus dans les principes du Socle doivent être poursuivis de manière intégrée et cohérente, car ils se renforcent mutuellement.
d. Une évaluation fondée sur les droits et les besoins doit être développée davantage grâce à de meilleurs indicateurs, capables de refléter les réalités composites des demandes de protection sociale; les indicateurs doivent également être en mesure de démontrer l'efficacité de toute mesure entreprise et la réponse des moteurs politiques au SEDS.
e. Les autorités publiques doivent jouer un plus grand rôle dans la prestation des services publics et l'accomplissement de leur devoir de répondre aux besoins des personnes en situation de vulnérabilité et dans la fourniture de services de haute qualité aux communautés. Ils doivent adopter une approche holistique, fondée sur le cycle de vie, de la protection sociale, du bien-être et des services publics. La CES s'oppose à la poursuite de la commercialisation des services publics tels que la santé et les services sociaux.
f. Les partenaires sociaux doivent être impliqués à toutes les étapes, cela faciliterait des solutions multiformes et mieux ciblées.
g. La dimension sociale et la dimension économique doivent recevoir la même attention. Par conséquent, la réalisation des objectifs de du SEDS et du plan d'action nécessite un engagement financier cohérent à tous les niveaux, à commencer par l'UE.
Contexte
La CES a constamment œuvré pour une politique ayant une approche cohérente, efficace et globale de la protection sociale, mise en œuvre de manière cohérente à tous les niveaux possibles, et capable de réduire le fléau de la pauvreté et de l'exclusion sociale dans l'UE[1].
En temps de guerre, et au lendemain des travaux de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, il est crucial de reconnaître le regard que portent les travailleurs, les citoyens et les résidents sur l'Union européenne pour être rassurés et protégés dans leurs droits les plus élémentaires, en particulier dans les situations de vulnérabilité extrême - telles que le chômage, la maladie, la vieillesse, le handicap, le manque de revenus, l'exclusion sociale et les situations individuelles qui empêchent de vivre dans la dignité.
Les syndicats doivent exiger de l'UE qu'elle confirme et prolonge ses efforts sans précédent pour surmonter l'impact de la pandémie et de la guerre en Ukraine, afin de relever - enfin de manière efficace - les défis de longue date qui se sont amplifiés dans la dernière décennie, mais qui ne sont pas nouveaux. L'austérité, le néo-libéralisme, la privatisation doivent être stoppés et les tendances inversées.
L'augmentation constante de la pauvreté et des inégalités, au cours de la dernière décennie, confirme que ces courbes de tendance ont échoué à développer une Europe sociale qui incarne les principes du SEDS et qui doit être retravaillée afin d’inclure un suivi strict des progrès du plan d'action.
Les changements démographiques et autres « mégatendances » entraînent une « diminution de la main-d'œuvre » et une population vieillissante. Par ailleurs, les mutations du marché du travail, les transitions numérique et écologique, ainsi que l'émergence de nouveaux risques, s'accélèrent. Ces tendances ne sont pas nouvelles, cependant, malgré les menaces et l'impact social négatif qu'elles présentent, et les avertissements des syndicats, elles n'ont pas été suffisamment prises en compte.
Objet et portée de la résolution
Au printemps 2022, la Commission européenne a lancé une série d'auditions spécifiques, à l'intention des partenaires sociaux, pour discuter des initiatives liées à l’assistance et à la protection sociale annoncées dans le plan d'action pour le SEDS. Les auditions ont couvert de vastes débats politiques sur l'avenir de la protection sociale dans une UE en évolution rapide, ainsi que des initiatives plus spécifiques, ciblant des besoins définis de la population européenne.
Les auditions ont porté sur : un échange de vues sur le groupe de haut niveau sur l'avenir de la protection sociale et de l'État-providence dans l'UE ; la prochaine recommandation du Conseil sur le revenu minimum; une stratégie européenne des soins; la mise en œuvre de la recommandation du Conseil de 2019 sur l'accès à la protection sociale pour les travailleurs et les indépendants ; et l'accès aux services essentiels.
La délégation de la CES aux auditions comprenait des membres du Comité permanent de la protection sociale de la CES, des FSE et d'autres partenaires du dialogue social au niveau européen, afin d'englober à la fois l'expérience européenne et nationale. Les auditions sur une stratégie de soins de l'UE et sur les services essentiels ont nécessité une implication plus forte des FSE qui sont particulièrement impliquées sur le sujet. Cela a été fait par le biais de groupes de travail mis en place afin d’assister lors des réunions préparatoires avec les membres des délégations syndicales.
Alors que la CES a répondu à chaque sujet spécifique, nous avons souligné dès le début l’importance d’une approche intégrée et véritablement durable de la politique d’assistance de la protection sociale et des services publics. La CES réitère la nécessité d'intégrer le droit fondamental aux soins dans les systèmes nationaux de protection sociale. Cela implique à la fois un engagement social et financier de l'UE et des États membres, conformément aux principes d'une transition juste dans la poursuite de la reprise et de la résilience, ainsi qu’aux objectifs du plan d'action pour le SEDS.
Cette résolution vise à décrire à la fois les messages généraux et spécifiques mis en avant par la CES lors des auditions, afin de fournir une base pour l'activité de lobbying à venir et les actions prévues dans le projet de la CES EPSR-SociAll2. Elle sera utilisée dans le débat au niveau de l'UE et fournira la preuve qu'une approche différente d'une protection sociale basée sur la solidarité dans l'UE est possible et nécessaire de toute urgence.
La résolution contient les principales revendications politiques que la CES a formulées à plusieurs reprises concernant la politique d’assistance et de protection sociale dans son ensemble. Une série d'annexes couvre les demandes de la CES sur chaque initiative sur laquelle nous serons appelés à donner notre avis.
Principes généraux de la CES pour la politique d’assistance et de protection sociale
La CES appelle à une nouvelle approche efficace, collective et solidaire de la protection sociale, développée en cohérence avec les engagements pris par l’ensemble des institutions européennes et des partenaires sociaux, à Porto en mai 2021. Cela implique :
Une vision du bien-être/de la protection sociale axée sur les droits, ancrée dans le chapitre III du SEDS, intégrée à la mise en œuvre de l'égalité des chances et des conditions de travail de qualité des chapitres I et II :
Une telle approche est cruciale pour développer la solidarité intergénérationnelle, des systèmes de protection sociale adéquats et durables et des réponses efficaces aux besoins des personnes à tous les âges.
Les initiatives à venir doivent être cohérentes avec les grands objectifs politiques déjà fixés par la Recommandation du Conseil sur l'accès à la protection sociale pour les travailleurs et les travailleurs indépendants, ainsi que les Conclusions du Conseil d'octobre 2020 sur la nécessité de renforcer la protection du revenu minimum pendant la pandémie de COVID-19 et au-delà. De plus, si les droits de protection sociale doivent être garantis par les États membres partout où les gens sont en difficulté, la nécessité de reconnecter les États-providence avec l'égalité des chances pour tous et des conditions de travail de qualité devrait assurer une durabilité et une efficacité accrues aux dispositions, aux plans de financement et aux objectifs d'inclusion sociale[2].
Le vieillissement actif doit être adopté comme une approche tout au long de la vie pour allonger sur base volontaire la vie active en bonne santé, liée à l'évolution du travail et de la démographie autant qu'à l'engagement des entreprises et des travailleurs à l'utiliser comme un moteur de solidarité.
La prochaine action CES SociAll permettra 1. de procéder à une évaluation syndicale des développements dans ce sens, ce qui générera de nouvelles preuves plus ciblées de la nécessité de moteurs politiques spécifiques; 2. de valoriser le potentiel social et économique de l'amélioration des structures de soins; 3. de se concentrer sur le potentiel d'amélioration de l'accès à des structures d’accueil abordables et de qualité afin d’accroître la participation des femmes au marché du travail et de réduire l'écart de pension entre les sexes [3]; 4. de réfléchir à l'impact potentiel de politiques migratoires plus inclusives sur la durabilité de systèmes de protection sociale adéquats; 5. d’évaluer le potentiel d'emplois de meilleure qualité; et 6. d’évaluer les expériences de vieillissement actif dans une perspective plus large.
Une évaluation complète et basée sur les besoins à tous les âges et parmi toutes les institutions, caractéristiques et dispositions de protection et d’assistance sociale, répondant aux demandes composites et incluant des filets de sécurité minimaux[4]:
La pandémie[5] et la guerre en Ukraine auront un impact large et durable qui menace la protection déjà faible des personnes dans le besoin à tous les âges. Les conséquences sur toutes les générations de travailleurs peuvent être très graves si elles ne sont pas traitées rapidement. Un éventail complet de domaines politiques doit être abordé et révisé en cohérence avec les objectifs du SEDS, afin de garantir une sécurité totale à toutes les étapes de la vie, aujourd'hui et à l'avenir.
Le développement d'indicateurs et d'objectifs capables d'évaluer réellement les besoins de protection sociale, ainsi que l'efficacité des mesures prises :
La nécessité de réviser et d'intégrer les indicateurs sociaux est rappelée à la fois par les universitaires[6] et les décideurs politiques à tous les niveaux[7]: la dimension de la protection sociale est aussi complexe et diverse que les besoins des personnes tout au long de leur vie. L’appréhension d'une telle complexité doit conduire à la sélection d'indicateurs qui analysent l'expérience des personnes, ainsi que les politiques à mettre en œuvre. Une approche plus détaillée et concrète des indicateurs sur, par exemple, la pauvreté, permettrait de se concentrer sur les urgences auxquelles il faut faire face et les politiques spécifiques à entreprendre. Cela doit également permettre un suivi plus efficace des progrès réalisés au niveau national, ainsi que par rapport à chaque besoin spécifique - ce qui est crucial pour comprendre la progression à travers des étapes concrètes vers l'objectif global de 2030.
Un alignement plus coordonné et cohérent entre les différents cadres politiques, législatifs et financiers de l'UE - Fonds de cohésion, Facilité pour la reprise et la résilience, Semestre européen - avec les objectifs sociaux du SEDS et les interventions pour les atteindre.
Le renforcement des efforts visant à accroître la résilience d'une croissance durable nécessite une meilleure coordination du potentiel financier de l'UE. Les États membres doivent également être autorisés à utiliser leur propre budget pour répondre aux besoins sociaux chaque fois que cela est nécessaire, et pas seulement lorsque ceux-ci entraînent un préjudice majeur pour la croissance économique. Cela serait conforme au principe de la démocratie et renforcerait la confiance entre les citoyens et leurs gouvernements. Le SEDS et la Recommandation sur l'accès à la protection sociale devraient fournir des lignes directrices pour évaluer si des investissements ou des actions sont entrepris pour développer davantage un progrès social cohérent et intégré.
La relance du rôle des pouvoirs publics et des institutions, à tous les niveaux. Un rôle qui impliquerait la fourniture de services sociaux pour tous et remplirait le devoir public de protéger et de renforcer le droit des personnes à la dignité.
L’assistance sociale (welfare) doit être reconnue comme une responsabilité première des pouvoirs publics. Ils devraient fonctionner de la manière la plus efficace et la plus respectueuse des droits lorsqu'ils fournissent des services de protection sociale et, le cas échéant, en coopération avec les partenaires sociaux. Les tendances à la privatisation doivent être inversées et les nouvelles politiques doivent s'appuyer sur des partenariats qui garantissent et privilégient véritablement la meilleure qualité et une assistance digne pour les personnes, au service de l'intérêt public et non à des fins privées.
La consultation et la participation substantielles des partenaires sociaux à tous les niveaux, garantissant que la conception des politiques et la destination des ressources sont cohérentes avec les besoins et les demandes fondées sur les droits de la population;
Les consultations avec les partenaires sociaux à tous les niveaux dans le cadre politique et financier de l'UE doivent être renforcées et menées en temps utile, de manière substantielle et régulière. La CES fournira, avec l'aide de ses organisations membres, une évaluation des plans de mise en œuvre de la Recommandation sur l'accès à la protection sociale, qui viendra compléter les récapitulatifs de la CES sur l'implication des syndicats dans les différents domaines où cela est prévu.
ANNEXES: Les principes et revendications de la CES liés aux prochaines initiatives de l'UE
I. Revendications de la CES auprès du Groupe de haut niveau sur l'avenir de la protection sociale et de l'État-providence dans l'UE
Le message de la délégation de la CES lors de l'audition, détaillé ci-dessous, guidera l'action future en ce qui concerne le débat sur l'avenir de la protection sociale tant au niveau de l'UE qu'au niveau mondial.
Les mégatendances visant à contraster et à « apprivoiser » le changement incontrôlé doivent être alignées sur la vision du welfare envisagée par le SEDS et l'Agenda 2030 :
- Les « mégatendances » proposées à la réflexion appellent depuis longtemps une anticipation sociale;
- Le succès de l'avenir de l'aide sociale dans l'UE devra être évalué en fonction de la capacité à s'appuyer sur des bases globales et fondées sur les droits ; sur une amélioration concrète de la vie des gens; sur son efficacité à toutes les étapes de la vie - avant, pendant et après leur âge de travailler et leur participation au marché du travail, conformément à une approche du cycle de vie exigée de longue date que les partenaires sociaux européens ont clairement adoptée en négociant sur le vieillissement actif et la solidarité intergénérationnelle (avant cela).
Cette réalisation implique :
- Assurer l'accès universel à une protection sociale efficace et adéquate pour tous, à tous les âges, contre tous les risques de la vie;
- Repenser l'approche des droits de la vieillesse : les retraites, les soins de longue durée et les soins de santé doivent être principalement considérés comme des instruments de développement économique et civil, puis les fondements d'une société démocratique et, enfin, comme des coûts.
- Mettre en œuvre de manière ambitieuse la Recommandation du Conseil sur l'accès à la protection sociale pour les travailleurs et les travailleurs indépendants, visant des prestations efficaces et adéquates pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut ou leur contrat, et ce bien au-delà de la prévention de la pauvreté;
- Intégrer des normes minimales et des filets de sécurité qui garantissent des dispositifs non contributifs adéquats (c'est-à-dire des socles de protection sociale, ODD 1.3);
- Permettre aux États membres d'investir dans la protection sociale et favoriser leur engagement à atteindre un niveau élevé de protection sociale en toutes circonstances.
La CES appelle à
- Un renforcement du rôle des institutions publiques aux niveaux national, régional et local, puisque les services sociaux sont des services publics. Les réformes de la protection sociale doivent également faire le point sur la fragmentation des institutions privées et publiques qui fournissent la protection sociale et y remédier. Il a été prouvé que les structures publiques exploitent mieux l'économie d'échelle, sont plus efficaces en termes de mutualisation des risques et améliorent la rentabilité.
- Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité à tous les âges et au développement des compétences tout au long de la vie active – évalués en particulier par rapport à l'amélioration du taux de dépendance économique
- Moins de flexibilité dans le sens de la précarisation et de la libéralisation des modalités de travail, mais plutôt plus de soutien à une transition juste, une éducation dès les premières étapes de la vie; l'apprentissage tout au long de la vie ; une coordination cohérente entre l'éducation formelle et informelle ; et une éducation numérique qui s'intègre dans un parcours éducatif plus large;
- Des politiques migratoires plus justes et des investissements dans les personnes en réponse à une diminution de la main-d'œuvre;
- Un examen attentif des opportunités que les nouvelles technologies peuvent apporter, par exemple en termes d'amélioration des conditions de travail et des services publics;
- Reconnaître que l’assistance sociale est un moteur des droits sociaux pour tous, ainsi qu'un élément puissant du développement économique et de la création d'emplois de qualité; il y a un potentiel dans la silver économie, dans la requalification des aides-soignants, dans la formation des nouveaux, dans la reconnaissance de leurs compétences ou par leur émersion de l'économie non déclarée (voir ci-dessus point 17 de la résolution);
- Des systèmes de sécurité sociale contributifs plus inclusifs et plus équitables : une énorme marge d'amélioration existe dans l'équité et l'efficacité des obligations contributives entre les employés et les employeurs et entre les travailleurs ayant des statuts contractuels différents[8];
- Une fiscalité plus juste, des revenus de productivité partagés, la lutte contre l'illégalité [9]; la formalisation de l'économie non déclarée;
- Une mise à niveau des ressources publiques de protection sociale contre tous les principes d'austérité;
- La révision des règles de Gouvernance Économique Européenne, en cohérence avec l'approche fondée sur les droits et les besoins.
II. Revendications de la CES concernant la prochaine Recommandation du Conseil sur les régimes de revenu minimum dans l'UE
Depuis de nombreuses années, la CES, avec un large réseau d'organisations et de partis politiques, plaide en faveur d'une directive-cadre sur le revenu minimum[10].
La CES revendique que la proposition de Recommandation du Conseil inclue toutes les caractéristiques et demandes avancées dans la « contribution de la CES sur le droit à des régimes de revenu minimum adéquats, accessibles et efficaces »[11].
La CES demande que l'adéquation du revenu minimum pour protéger les personnes contre la pauvreté et l'inclusion sociale couvre les personnes de tous âges, y compris après leur retraite. Les preuves scientifiques montrent qu'il est urgent d'analyser les besoins de la population à tous les âges[12]. L'adéquation doit également être contextualisée dans le scénario post-pandémique.
Les dimensions de genre et de jeunesse doivent être abordées en ce qui concerne la fourniture d'une aide au revenu, sur la base des bonnes pratiques dans l'ensemble des États membres.
Lors de l'évaluation de l'adéquation du revenu minimum[13], non seulement les transferts d'argent, mais aussi l'accessibilité et l'abordabilité des services (en particulier les soins) doivent être pris en compte.
Si l'objectif est l'inclusion sociale, il y a lieu de souligner l'importance de l'accompagnement individualisé pour tirer le meilleur parti des transferts d'argent et des services publics à des fins d'inclusion.
Le taux de non-recours dans l'ensemble des États membres est embarrassant. Cependant, la CES prévient que la simplification rappelée de l'accès au revenue minimum ne peut pas conduire à la fusion des minima sociaux (logement, transfert d'argent pour les personnes handicapées, pensions minimales pour les personnes âgées, etc.) avec le revenu minimum pour un montant inférieur qui fragiliserait son efficacité et son adéquation à prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale. Attendu que ces prestations minimales peuvent répondre à des besoins et à des situations différents, les mélanger peut finalement compliquer à l'excès le recours au revenu minimum ou nuire à la jouissance du droit avec des critères d'éligibilité plus restrictifs.
La CES, tout en partageant l'approche sous condition de ressources, met également en garde contre les tentatives des États membres de réduire les prestations et d'introduire des pratiques de travail obligatoire. Bien que ces aspects ne soient pas présents dans les documents de référence de l'audition des partenaires sociaux, des termes tels que "dégressivité" des prestations et "intégration sociale" sont mentionnés dans l'appel à contributions public en ligne lancé par la CE pour le dialogue civil. Il est donc urgent de clarifier certains points cruciaux :
- Le plafond des prestations doit être soigneusement étudié. Des preuves scientifiques claires prouvent que la réduction des prestations est contre-productive pour l'intégration sur le marché du travail. De plus, dans la plupart des pays, les prestations sont déjà bien inférieures au seuil de pauvreté européen. L'impact de toute décision politique ne doit être entrepris que s'il est compatible avec le principe du SEDS.
- Si des solutions complémentaires sont envisagées pour un soutien temporaire des revenus en cas de pauvreté au travail. Le revenu minimum ne devrait pas être un moyen pour les employeurs d'abaisser les conditions de travail, de compenser les contrats à faible ou zéro heure, de modifier le salaire minimum et de ne pas valoriser la productivité des travailleurs, même peu qualifiés.
- L'activation sociale est une expression qui n'est pas enracinée dans le droit et la politique de l'UE dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et qui pourrait être trompeuse. L'inclusion sociale doit être distinguée de l'intégration au marché du travail. L'inclusion sociale est plus large que l'intégration sur le marché du travail et peut être un tremplin pour cette dernière. Toute confusion doit être dissipée pour éviter d'ouvrir la voie à des programmes de services communautaires ou de travail obligatoires[14]. Nous nous opposons fermement à une telle évolution politique, à la limite du travail forcé, et préjudiciable à toute véritable intégration tant dans la société que dans des emplois décents. Une telle approche risquerait de fausser les règles du jeu équitables pour les employeurs, en particulier les PME, qui offrent des emplois à des conditions décentes.
La CES estime qu'il existe toujours un fort besoin d'une initiative significative et contraignante pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, car les mesures et instruments déjà existants n'ont pas apporté de progrès significatifs[15]. Face à l'initiative de la CE, la CES demande instamment de mettre en place des garanties solides qu'une nouvelle Recommandation puisse apporter des progrès significatifs et que l'initiative exerce suffisamment de pression ou crée une incitation sur les États membres pour qu'ils prennent les mesures nécessaires au niveau national. Sur la base de l'expérience des recommandations précédentes, la CES appelle à :
- des objectifs et jalons spécifiques dans les mesures ciblant la pauvreté du plan d'action SEDS;
- la contextualisation post-covid des besoins en termes de revenue minimum et la révision relative des évaluations comparatives (benchmarking) sur l'adéquation;
- un rôle important pour les partenaires sociaux à tous les niveaux afin de renforcer la fixation et la mise à jour du niveau d'adéquation des prestations;
- des indicateurs plus fins dévoilant mieux la réalité, car les actuels ne sont pas suffisamment efficaces pour montrer la réalité;[16]
- des outils de suivi stricts pour mesurer les progrès vers une mise en œuvre effective;
- un processus de rapport de suivi régulier similaire à celui intégré dans la Recommandation sur l'accès à la protection sociale, qui comprend un plan d'action pour chaque pays, dans un délai strict;
- un processus d'évaluation qui inclurait les partenaires sociaux, la Commission Européenne (via le Semestre européen) et le Comité de la protection sociale du Conseil;
- Un mécanisme incitatif qui pourrait aider les États membres à améliorer leurs performances en matière de réduction de la pauvreté.
III. Revendications de la CES sur la Stratégie Européenne en matière de soins
La CES estime que la prochaine communication de la CE doit clarifier la manière dont l'UE entend concevoir les systèmes de soins post-covid – dans le contexte des investissements; du semestre européen; et de la qualité et du nombre d'emplois. Toute intervention politique doit poursuivre de manière cohérente les objectifs du SEDS, y compris le droit de vieillir dans la dignité.
La CES plaide fermement en faveur d'une approche européenne intégrée des soins publics, avec une action de l'UE en soutien aux gouvernements nationaux, afin de travailler plus étroitement ensemble et de relever les défis pour des solutions efficaces.
Le plafonnement des dépenses de retraite et de soins par les gouvernements, malgré les besoins croissants de la population, ne ferait qu'ouvrir les portes à un immense marché privé qui ne garantira aucune norme ni en termes d'accès, d'accessibilité et de qualité des soins ni en termes de conditions de travail dans les secteurs concernés.
Du point de vue du genre, il est fondamental de supprimer l'approche des services de soins comme une marchandise, en empêchant et limitant la recherche de profits, la privatisation et la commercialisation des soins. La recherche du profit dans la prestation de soins a jusqu'à présent conduit à une faible approche des soins basée sur les droits. De plus, la maximisation du profit est également responsable de la détérioration des conditions de travail des femmes, majoritairement occupées dans ce secteur.
La CES exige donc
- une offensive européenne en faveur des investissements publics, afin d'assurer l'approche multidimensionnelle fondée sur l’objectif 3 des ODD et des principes 16 et 18 du SEDS.
- des services publics de soins bien financés et fonctionnant correctement intégrés dans les systèmes nationaux de protection sociale pour garantir le droit aux soins, tel qu'inscrit dans le Socle Européen des Droits Sociaux
- une gouvernance économique et sociale qui investit et renforce la protection et les soins de santé publics et individuels dans tous les États membres :
- via des politiques de prévention multidimensionnelles, associant éducation, santé et sécurité au travail, dans une approche axée sur le cycle de vie ;
- dans les secteurs cruciaux de la santé et des soins de longue durée, cela peut représenter une opportunité de créer des emplois plus nombreux et de qualité, et donc des moteurs de rendement sociétal global;
- via un personnel plus nombreux, plus qualifié et compétent (puisque ces travailleurs étaient déjà dans l’incapacité de répondre aux demandes d'avant la crise) ; via l'amélioration de l'attractivité du secteur des soins, par exemple en mettant fin à la précarité, en respectant les négociations collectives et les niveaux de salaire;
- via une stratégie planifiée de qualification du personnel, d’investissements efficace et dans une perspective prospective basée sur les besoins de soins actuels et futurs;
- via la résolution et la lutte contre les inégalités socio-économiques qui affectent l'accès aux soins;
- via le renforcement de la coordination entre services sociaux et de soins; et le développement de structures socio-sanitaires capables de prévenir et servir les situations de dépendance;
- via la recherche et le développement financés par des fonds publics, pour accroître la préparation, en cohérence avec les besoins des structures de soins de longue durée;
Ces demandes sont encore plus urgentes à la lumière de la pandémie de COVID-19 et de la guerre en Ukraine, qui ont mis à rude épreuve les services de soins.
De plus, une telle stratégie est cruciale pour répondre aux préoccupations qui ont émergé du groupe de travail de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe (CoFoE) concernant la directive sur les soins de santé transfrontaliers. Alors que le rapport sur une telle directive semble être excessivement positive, au vu de la faible participation des personnes, la réalité est qu'elle est mal mise en œuvre, que des obstacles à l'accès aux soins de santé transfrontaliers persistent et, surtout, que les gens ne sont pas enthousiastes à l’idée de voyager à travers l'Europe pour accéder aux soins de santé et préfèrent être soignés (plus) près de chez eux, si cela s’avère possible. Si la coopération transfrontalière est très utile et doit être soutenue pour les personnes vivant près d'une frontière ou ayant besoin de soins spécifiques, l'abordabilité et l'accessibilité à des soins de santé de qualité doivent représenter un élément de proximité et un devoir pour chaque gouvernement.
Un tel contexte représente un élément supplémentaire à considérer comme un argument contre la poursuite de la marchandisation et de la commercialisation des services de soins, qui se sont avérés inefficaces pour fournir des services de qualité à tous alors qu'ils étaient cruellement nécessaires. La privatisation de ces services cruciaux doit être remise en question et soumise aux conditionnalités des marchés publics (y compris, par exemple, le respect de la négociation collective, des droits des travailleurs, etc.).
Dans une matière aussi délicate que les soins, les personnes doivent passer en premier. Ainsi, la stratégie européenne en matière de soins doit comporter
- L’inclusion complète des travailleurs dans les secteurs SPM (Services aux Personnes et aux Ménages) – et les travailleurs à domicile;
- L’accès aux soins à domicile et la garantie de l'abordabilité des services de soins à domicile pour les personnes et les familles, en tenant compte de leurs besoins et de leur choix de recevoir des services à domicile plutôt qu'en établissement ou dans d'autres contextes.
Les travailleurs du secteur SPM et des soins à domicile doivent être reconnus, valorisés, professionnalisés et bénéficier des mêmes droits et protections que tous les travailleurs du secteur des soins, en :
- Mettant en place une négociation collective sectorielle dans le secteur des soins sociaux ;
- Appelant les États membres à ratifier et à mettre en œuvre la C189 de l'OIT sur les travailleurs domestiques;
- Demandant une révision ciblée de la directive-cadre OSHA 89/391/CEE pour garantir l'inclusion des travailleurs domestiques dans son champ d'application;
- Facilitant l'emploi déclaré, assurant ainsi une couverture d'assurance et de protection sociale.
Une attention particulière devrait être accordée aux travailleurs domestiques fournissant des activités de soins à domicile :
- Éviter tout compromis entre l'accès aux soins à domicile, le coût pour les familles et les individus et la professionnalisation des soins à domicile;
- Reconnaître que les travailleurs domestiques (cf. définition de l'OIT) fournissent des soins et des services non liés aux soins de manière interdépendante, surtout dans les pays où les soins et les services sociaux formels sont sous-développés ;
- Reconnaitre que ces travailleurs de soins à domicile sont peu reconnus, valorisés et professionnalisés et ne bénéficient pas des mêmes droits et protections nécessaires que les autres travailleurs du secteur des soins.
Dans cette optique, il est donc crucial de reconnaître le rôle et la contribution essentiels des travailleurs mobiles intra-UE et des travailleurs non-UE, y compris les travailleurs sans papiers, dans la prestation de soins dans l'Union européenne et par conséquent de :
- S'engager et mettre en place des actions concrètes pour promouvoir des services de soins formels et un travail décent pour tous les travailleurs de la santé, quel que soit leur statut migratoire ou de résidence, y compris par des mesures ciblées;
- S’opposer à l'emploi non-déclaré et assurer une couverture d'assurance et de protection sociale.
La CES appelle les institutions et les partenaires sociaux à tous les niveaux à prêter une attention particulière à:
- La mauvaise utilisation de fonds publics, qui devraient placer les personnes et l'intérêt public au-dessus du profit et être conditionnée au respect des droits des travailleurs et de la négociation collective. Les clauses sociales et environnementales dans les marches publics doivent être renforcées car cela serait favoriserait une convergence vers le haut;
- La faible couverture de la négociation collective : l'accès aux syndicats pourrait être facilité par des points de contact annoncés également dans les structures et institutions de soins;
- La nécessité d'introduire une norme minimale de services et des normes minimales de dotation en personnel, en ce compris des mécanismes de contrôle et de surveillance de la qualité;
- La Commission européenne et les États membres devraient reconnaître le Covid-19 et les autres maladies endémiques/pandémiques comme des maladies professionnelles, y compris toute maladie ou invalidité future due à l'exposition au Covid-19.
IV. Revendications de la CES sur la mise en œuvre de la Recommandation sur l'accès à la protection sociale
La CES réitère les revendications avancées dans toutes les Résolutions et Positions passées couvrant ce sujet[17].
Dans cette phase de mise en œuvre de la Recommandation, et en particulier au lendemain de la pandémie de Covid, une attention particulière doit être portée au processus de mise en œuvre et à son suivi.
La Recommandation indique qu'un rapport de mise en œuvre doit être soumis au Conseil d'ici novembre 2022.
La CES demande à la Commission de lever les questions soulevées à cet égard et en particulier:
- De nombreux syndicats ont dénoncé l'absence de véritable processus de consultation ; il est anachronique que de nombreux États membres aient décidé de ne pas opter pour l'implication des partenaires sociaux dans la conception des réformes de la protection sociale;
- Lorsque des échanges ont lieu, ils ciblent plus souvent des domaines particuliers de réformes;
- Des réformes au niveau national sont en cours, mais la pandémie de Covid a contribué à les contourner et a mené à des réformes non structurées et incohérentes par rapport aux précédentes;
- Ces deux derniers problèmes déterminent, dans certains pays, une absence totale de vision globale de l'impact des changements ; ce manque de vision globale fait parfois que les gens reçoivent moins d'argent que sous les régimes précédents;
- En outre, de telles circonstances révèlent le problème non résolu du financement public de la protection sociale : la tendance dans de nombreuses situations est que la couverture formelle est étirée afin d'augmenter le taux de couverture. Cependant, le problème est que les ressources sont restées les mêmes, alors que l'efficacité et l'adéquation des prestations restent sans réponse lorsqu'elles ne sont pas réduites;
- Le chômage de longue durée reste le plus grand problème pour l'octroi de la protection sociale ; alors que l'impact de tout plan de résilience et de transition juste reste encore à mesurer, l'urgence d'avoir plus d'emplois et de meilleure qualité prend de plus en plus d'importance par rapport aux réformes formelles, qui ne semblent pas être des solutions efficaces;
La CES développera également une évaluation syndicale des plans nationaux et du degré d'implication dans leur processus de conception.
L'évaluation syndicale portera également sur les aspects qualitatifs des réformes en cours, en cohérence avec le suivi de l'état d'avancement global du chapitre sur la protection sociale du SEDS.
Le rapport du syndicat sera soumis à la CE à temps, afin qu'il soit pris en compte pour l'examen de novembre 2022.
La CES procédera également à une évaluation appropriée du paquet du Semestre européen 2022 et réitèrera la demande que les Recommandations Spécifiques aux Pays tiennent dûment compte des objectifs sociaux de la Recommandation, en adressant de manière cohérente les contributions aux réformes aux États membres qui manquent d'adéquation, de couverture et d’efficacité de la protection sociale.
V. Exigences de la CES sur les services essentiels
Pour la première fois depuis 2011, une vaste initiative sur les services essentiels a été lancée, dans le prolongement du SEDS. L'audition a été l'occasion d'échanger des points de vue sur la portée et le contenu d'un prochain rapport de la Commission prévu pour l'automne qui "cartographiera" l'accès aux services essentiels dans toute l'UE.
La liste des services «essentiels» reste ouverte en vertu du principe 20, le SEDS mentionne par ailleurs d'autres services qui peuvent également être considérés comme essentiels, notamment les soins de santé, l'aide sociale, l'éducation, les services postaux ou les transports publics. Bien que le prochain rapport puisse se concentrer sur un certain nombre de services, il est important d'être cohérent et de tenir compte des liens entre tous ces services essentiels.
La CES souligne que l'approche globale de la Commission Européenne doit être non seulement méthodologique, mais substantiellement liée aux efforts requis pour le progrès social car celui-ci est étroitement liée au développement économique et sociétal durable :
- L'engagement politique pris via le SEDS accorde une série de droits, indépendamment d'une liste restreinte qui est la plupart du temps arbitraire;
- Aucun lien n'a été établi par la CE entre les questions en jeu et l'ensemble du débat concernant l'innovation, la transition juste et l'ensemble des droits aux services garantis par le SEDS;
- il n'y a aucun lien avec une quelconque approche des cadres politiques globaux, y compris en ce qui concerne le marché du travail et les questions sociales, et il n'y a aucun signe de coordination avec d'autres services de la Commission impliqués dans la réglementation et la fourniture de ces services.
Le rapport de la CE couvrira certains des services qui ont été soumis aux directives de libéralisation de l'UE (industries dites “de réseau” telles que l'électricité, le gaz, les télécommunications, les services postaux, les transports).
Alors que la CE adoptait une vision minimaliste, visant à contrôler l'accès aux services essentiels pour les pauvres, la CES rappelle que le SEDS implique des standards qualitatifs élevés : il faut éviter le risque que « en ne s'intéressant qu'aux services publics pour les pauvres, ceux-ci ne deviennent que des services publics pauvres ».
La plupart des États membres, sinon tous, ont procédé à des coupes dans les services essentiels au cours des dernières décennies, ce qui a eu un impact, en particulier, sur les ménages à faible revenu et les groupes vulnérables (voir, par exemple, les enquêtes Eurofound sur la qualité de vie).
La CES trouve anachronique de discuter de services essentiels tels que les transports, les infrastructures numériques, le logement et bien d'autres sans faire aucune référence à une transition juste, numérique et écologique et aux cadres économiques censés les alimenter et les coordonner - ainsi afin de les lier aux objectifs politiques de l'Agenda 2030 et du Plan d’action pour le SEDS.
Il est d'autant plus important qu'il y ait un lien avec les ressources financières de l'UE expressément consacrées à rendre la transition possible, verte et juste. La gouvernance des initiatives et des cadres financiers et économiques fournit déjà plusieurs éléments que nous pouvons évaluer, mesurer et aborder, alors que la liste du principe 20 est étroite et inutile, car les investissements pour l'avenir ne peuvent pas se faire selon la logique des "silos".
Le prochain rapport ne devrait pas se contenter d’examiner les mesures visant à améliorer l'accès des groupes vulnérables aux services essentiels (comme proposé dans la note d'information de l'audience) mais prendre également en compte la conception globale, le financement et l'organisation du service.
Conformément au Protocole 26, une étude réalisée en 2020 par le Réseau européen de politique sociale (ESPN) conclut que, quelle que soit sa définition, faciliter l'accès à ce qui est considéré comme des services essentiels "est une responsabilité publique qui implique des obligations publiques".
Le rapport devrait donc inclure la question de la responsabilité dans la fourniture des services essentiels, qui incombe aux gouvernements des États Membres et ne peut être rejetée à la lumière de la libéralisation et de la privatisation. Les gouvernements devraient être responsables de la fourniture de ces services : ils devraient rendre compte, de manière transparente, de la réalisation du droit aux services essentiels ; évaluer l'efficacité du droit des personnes et répondre à l'utilisation des ressources (nationales et plus encore des fonds au niveau de l'UE) si cela n'est pas réalisé pour quelque raison que ce soit (qu'il s'agisse d'un investissement insuffisant, d'un PPP qui fonctionne mal, de la privatisation de services que les prestataires ayant un but lucratif ne peuvent avoir intérêt à développer autant que l'autorité publique).
La CES demande que le prochain rapport clarifie les aspects susmentionnés, ainsi que les exigences de conditionnalité à lier au financement de l'UE, ainsi que les systèmes prévus pour relier et surveiller les besoins, les investissements, les réalisations et la responsabilité.
Comme tout droit dans le Socle et le Plan d'action, un processus de suivi des progrès du droit aux services essentiels devrait impliquer les syndicats.
La CES attend également que des perspectives territoriales et sociales claires et coordonnées soient correctement développées pour la rédaction du rapport et tout suivi.
L'une de ces dimensions sociales devrait inclure les niveaux de salaire, les conditions de travail, les niveaux assurés de dotation en personnel, les compétences et les aptitudes des travailleurs des services essentiels/publics, car ceux-ci font partie intégrante de la conception globale et de la qualité du service.
La CES demande également que ces caractéristiques soient incluses dans une stratégie/des plans d'action sectoriels solides pour accompagner une approche plus large, plus approfondie et plus globale. Alors que la pauvreté énergétique exacerbe les inégalités existantes, non seulement parmi les travailleurs à bas salaires mais aussi parmi ceux qui ont de bons emplois, le Green Deal considère "l'accès aux services essentiels" comme un élément clé pour effectuer une transition juste. Les stratégies sectorielles doivent également inclure d'autres aspects tels que le financement, les questions de gouvernance d'entreprise ainsi que l'inclusivité des services.
Les ménages à faible revenu ne sont pas les seuls à avoir du mal à accéder aux services essentiels. La flambée des prix de l'énergie et la médiocrité de l'accès à Internet dans de nombreuses zones prouvent que le cadre réglementaire global n'est pas « paré pour l'avenir ». Les services essentiels sont une question de démocratie. La France est l'un des rares pays où les prix de l'énergie ont été contrôlés (ce qui n'est fondamentalement pas autorisé par les directives de l'UE). Des prix abordables et stables ne sont pas seulement importants pour les consommateurs, l'ensemble de l'économie française bénéficie en conséquence d'une inflation plus faible.
La CES rappelle l'importance que les droits de l'homme sous-tendent l'approche politique de l'UE et des États membres en matière de services essentiels.
[1] Voir les vastes travaux en cours sur le portail web de la CES SociAll https://spa1.etuc.org/
[2] Site web de la CES SociAll : https://spa1.etuc.org/labour-market-and-old-age-rights-%e2%80%8b/
Position de la CES en réponse à la consultation publique sur le Livre vert sur le vieillissement : https://www.etuc.org/en/document/etuc-position-reply-public-consultation-green-paper-ageing
[3] https://www.etuc.org/en/document/european-social-partners-joint-statement-childcare-provisions-eu
[4] https://spa1.etuc.org/guaranteed-adequate-minimum-standards-for-all/
[5] https://spa1.etuc.org/2021/08/24/access-to-social-protection-for-all-at-the-time-of-covid-19-the-role-of-the-epsr-and-the-ngeu/
[6] À titre d'exemple, voir la recherche ETUI/CES 2022 sur le revenu minimum à tous les âges, disponible sur le lien : https://www.etui.org/events/minimum-income-across-all-ages-focus-elderly-people et plus particulièrement la proposition de nouveaux indicateurs pour évaluer le besoin de soutien du revenu par T. Goedeme, https://www.etui.org/sites/default/files/2022-05/ETUC_2022-05-19_TG_print.pdf
[7] https://spa1.etuc.org/needs-and-rights-based-monitoring-tools-%e2%80%8b/
[8] https://spa1.etuc.org/2021/08/23/contribution-rates-fairness-and-social-sustainability-of-european-pensions/
[9] https://est.etuc.org/?tribe_events=exploring-the-nexus-between-legality-decent-work-and-recovery
[10] Voir le document de travail 2020 : https://www.etuc.org/en/document/european-tools-minimum-income-schemes-cornerstone-european-anti-poverty-and-social
[11] Résolution adoptée en septembre 2020 : https://www.etuc.org/en/document/etuc-input-right-adequate-accessible-and-effective-minimum-income-schemes-resolution
[12] https://www.etui.org/events/minimum-income-across-all-ages-focus-elderly-people
[13]Les régimes de revenu minimum dans le cadre de systèmes complets de protection sociale et d'États-providence ont une logique et une importance autonomes. Cependant, les inégalités de revenus se sont creusées, ainsi que les inégalités de services. Il est donc crucial que d'autres actions ayant une logique autonome se déroulent en parallèle, telles que l'amélioration de l'efficacité de l'accès aux biens et services et les incitations à l'intégration sur le marché du travail.
Le principe 14 clarifie la nécessité de combiner - et non de conditionner - le revenu minimum avec des services et biens publics (meilleure expression que « habilitants »), sur la base de l'accès universel, de l'abordabilité, de l'égalité et de la non-discrimination. Le récent rapport de la CE sur l'accès aux services de santé pour les enfants et les familles sans abri en est un bon exemple, soulignant la nécessité de disposer de davantage de ressources dans les services de santé et de soins pour garantir qu'une approche individuelle et centrée sur la personne est possible pour tous. Il montre également que d'autres problèmes qui enfoncent les gens dans la pauvreté doivent être abordés parallèlement (manque de logements abordables, pauvreté énergétique, etc.), ou des réductions des allocations familiales universelles et généreuses.
[14] basé sur le principe que les pauvres doivent travailler pour leur allocation, conduisant à un service communautaire obligatoire pour les chômeurs
[15] Malgré toute la «boîte à outils» d'instruments non contraignants existants (2 recommandations, CSR dans le cadre du semestre européen, objectifs UE2020 / UE2030, conclusions du Conseil, MINET,…), les objectifs UE2020 ont été manqués par l'UE, il y a encore plus de 90 millions de personnes menacées de pauvreté
[16] Voir Goedeme https://www.etui.org/sites/default/files/2022-05/ETUC_2022-05-19_TG_print.pdf
[17] 2019