ETUC POSITION ON THE EUROPEAN COMMISSION PROPOSAL FOR THE EU BUDGET 2021-2027

POSITION DE LA CES SUR LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPEENNE POUR LE BUDGET DE L’UNION EUROPEENNE

2021-2027

Adoptée à la Réunion du Comité exécutif en date du 25-26 juin 2018

 

INTRODUCTION

Le 2 mai 2018, la Commission européenne a publié une communication sur ses propositions concernant le cadre financier pluriannuel (CPF) 2021-2027, suivie de la publication du projet de règlement les 29-31 mai et 1er juin 2018[1].

La décision sur le futur budget à long terme de l’UE incombe au Conseil, statuant à l’unanimité, avec l’accord du Parlement européen. Nous estimons que ces négociations sont prioritaires et qu’un accord devrait être conclu avant les élections du Parlement européen en mai 2019.

La CES a réclamé une augmentation du CFP, alors que la proposition de la Commission couvre à peine les 15 milliards d’euros qui devraient être perdus à cause du Brexit. Le niveau global proposé du prochain CFP est fixé à 1,1 billion d’euros, ce qui représente 1,08 % du RNB[2] de l’UE-27 après déduction du Fonds européen de développement, et est inférieur en termes réels au niveau du CFP actuel.

La CES considère que cela n’est pas suffisant pour relever les défis actuels et nouveaux et que — comme l’exige le Parlement européen — le budget de l’UE devrait être porté à 1,3 % du RNB. En outre, la proposition n’est pas ambitieuse en termes de propositions de nouvelles sources de financement sur la base de ressources propres, qui devraient devenir les recettes primaires du budget de l’UE.

La CES déplore également que cette proposition entraîne une réduction de 10 % en termes réels de la politique de cohésion, tout en doublant le budget de la sécurité et de la défense.

En outre, nous nous opposons à une double réduction potentielle des dépenses du Fonds social européen Plus (FSE+) dans le budget de l’UE 2021-2027 en raison de la suppression de la part minimale actuelle de 23,1 % du financement de la politique de cohésion qui doit être dépensée par les États membres dans les projets du FSE+.

Investir dans notre avenir, lutter contre le dumping social en relançant la convergence salariale entre l’Est et l’Ouest, mieux anticiper les changements technologiques et la transition énergétique et soutenir les travailleurs touchés par ces changements. Il s’agit — pour le mouvement syndical européen — de défis importants que l’UE devra relever à l’avenir.

Ce sont des thèmes pour lesquels nous avons besoin de plus d’Europe, où l’Europe peut prouver son importance pour ce qui compte vraiment pour les citoyens de l’UE. Seule une augmentation du budget, même après le Brexit, peut permettre à l’UE de respecter son engagement à mettre en œuvre les objectifs de développement durable des Nations unies et le nouveau socle européen des droits sociaux. Seule une coordination étroite entre la capacité financière de l’UE et un semestre économique, social et environnemental de l’UE peut garantir la réalisation de ces objectifs politiques critiques. L’Europe doit se donner les moyens de consolider et de développer un modèle économique, social et environnemental durable.

POLITIQUE DE COHÉSION

La CES réaffirme que la cohésion économique, sociale et territoriale doit continuer à être au cœur de la stratégie de l’Union européenne, garantissant ainsi que toutes les énergies et capacités sont mobilisées et concentrées sur la mise en œuvre de la stratégie.

Nous soutenons les efforts de simplification mis en place par la Commission en réduisant de onze à cinq les objectifs politiques pour une Europe sociale et territoriale plus intelligente, plus verte, plus connectée, plus proche des citoyens.

La Commission prévoit d’introduire plus de cohérence entre l’utilisation des fonds de l’UE et les recommandations spécifiques par pays (RSP) publiées à l’issue du processus du Semestre européen. Les Fonds structurels et d’investissement européens ne devraient alors être décaissés que si les États membres mettent en œuvre les réformes recommandées au cours du Semestre. Nous ne sommes pas d’accord avec cette approche. Le calendrier annuel des recommandations par pays n’est pas compatible avec la planification à plus long terme des fonds ESI. En outre, une approche conditionnelle existe déjà au sein du semestre européen, car « un manquement à la mise en œuvre des recommandations pourrait entraîner de nouvelles étapes procédurales en vertu du droit communautaire pertinent et, en fin de compte, des sanctions en vertu du PSC et de la PDM. Ces sanctions peuvent inclure des amendes et/ou la suspension d’un maximum de cinq Fonds européens, à savoir le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE), le Fonds de cohésion (FC), le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP)[3]. »

Les recommandations spécifiques par pays jouent un rôle clé dans la réalisation d’une convergence sociale et économique ascendante. Pour garantir la pertinence des Recommandations, il est essentiel que les partenaires sociaux participent à leur élaboration et que les États membres s’accordent sur leur contenu pour les mettre en œuvre.

Nous ne pouvons soutenir le lien proposé avec le Semestre européen et les Recommandations spécifiques par pays que s’il est basé sur les priorités incluses dans le nouveau « tableau de bord social » établi avec le socle européen des droits sociaux. Ce point doit être clarifié et le rôle des syndicats dans la gouvernance du semestre doit être consolidé.

En outre, le Pacte budgétaire prévoit la possibilité pour la Cour de justice de l’Union européenne d’intervenir en cas de non-respect d’arrêts contraignants et la possibilité d’amendes.

Nous sommes opposés aux conditionnalités macro-économiques où les régions sont responsables des décisions prises par leurs gouvernements nationaux. Ces sanctions pénaliseraient davantage la population que ses gouvernements. Cela affecterait les États membres, les régions et les localités déjà plus faibles. En outre, la solidarité européenne, qui n’est pas encore suffisamment développée, serait menacée par le non-respect des engagements macro-économiques. Il en résulterait un appauvrissement de la population de l’Union européenne et cela serait donc contraire aux principes fondamentaux de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale réaffirmés dans le traité de Lisbonne.

La CES soutient la proposition d’introduire des conditionnalités liées au respect de l’État de droit avec de véritables sanctions en cas de programmes allant à l’encontre de celui-ci, à condition que sa mise en œuvre pratique ne pénalise pas la population et les citoyens.

Il subsiste encore d’importantes différences de niveau de développement entre les régions au sein de l’UE, ainsi qu’au sein des États membres, d’où l’importance des Fonds européens de développement régional (FEDER), du Fonds de cohésion (FC), du Fonds social européen Plus (FSE+), du Fonds européen de développement rural agricole (FEADER) et du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Au lieu de réduire les efforts en matière de politique de cohésion comme proposé, le CFP devrait financer davantage cette politique. Le financement de cette dernière doit également être soutenu par un cofinancement national et l’additionnalité des dépenses et des investissements reste essentielle et doit être vérifiée[4].

Les taux de cofinancement de l’UE prévus dans le projet actuel du règlement sur les dispositions communes sont inacceptables et compromettent la réalisation des projets. Le risque existe que seuls les grands projets puissent être financés. Par conséquent, les taux de cofinancement devraient être maintenus au niveau de la période de financement actuelle.

La CES réaffirme que le règlement général des Fonds structurels et d’investissement européens (fonds ESI) 2021-2027 doit continuer à renforcer ces priorités et à améliorer la gouvernance, ainsi qu’à renforcer la programmation multi-fonds afin d’accroître l’efficacité.

Nous estimons que les fonds ESI doivent être gérés et utilisés de manière plus cohérente et avec la pleine participation des partenaires sociaux. Le code de conduite européen sur le partenariat, tel qu’il est défini dans la proposition de règlement sur les dispositions communes et la loi déléguée n° 240/2014[5], devrait être renforcé après 2020. Outre le futur règlement sur les dispositions communes des fonds ESI, le code de conduite sur le partenariat doit être ajouté aux conditions d’octroi des fonds (anciennes conditionnalités ex ante).

La coopération territoriale européenne (Interreg), c’est-à-dire la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale, devrait être gérée avec la pleine participation des partenaires sociaux régionaux de toutes les régions concernées. Cela doit être clairement indiqué à l’article 6 du règlement COM (2018) 375 final et dans le règlement COM (2018) 374 final. La mauvaise pratique actuelle de certains États membres consistant à impliquer les partenaires sociaux dans des programmes transfrontaliers à partir d’un seul État membre doit être arrêtée à l’avenir.

En ce qui concerne les critères de financement des régions, nous soutenons la proposition selon laquelle, outre les critères du PIB par habitant, d’autres facteurs tels que le chômage (notamment le chômage des jeunes), le faible niveau d’éducation, le changement climatique et l’accueil/intégration des migrants seront également pris en compte pour l’allocation des fonds, ce qui permettra de mieux prendre en compte les coûts sociaux et environnementaux et reflètera les inégalités sociales ou les disparités régionales.

Le renforcement des régions transfrontalières est un objectif important. Cependant, la CES rejette l’évaluation de la Commission européenne selon laquelle la réglementation du travail est un obstacle au développement des zones transfrontalières. La réglementation du travail applicable sur le lieu de travail doit être pleinement respectée dans toutes les mesures. Le règlement final COM (2018) 373 sur le mécanisme transfrontalier de résolution des obstacles juridiques dans les régions frontalières ne doit en aucun cas conduire à un affaiblissement de la réglementation du travail applicable.

Enfin, la CES estime qu’il est essentiel de renforcer et de simplifier la communication sur la politique de cohésion, en utilisant des instruments qui rendent les avantages de la politique de cohésion immédiatement visibles pour les travailleurs et pour l’ensemble de la population.

 

LE SOCLE EUROPÉEN DES DROITS SOCIAUX / LE FONDS SOCIAL EUROPÉEN PLUS

Dans le FSE+ proposé, le lien avec la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux est clair, mais nous sommes déçus par le niveau de l’engagement financier. D’autre part, le lien entre les recommandations spécifiques par pays et le Semestre européen doit être clarifié.

Même si le budget FSE+ proposé représente 27 % de l’enveloppe de cohésion proposée, nous déplorons qu’il y ait une diminution de 6 % en termes réels du budget FSE+ et, en outre, la part minimale de 23,1 % du financement de la politique de cohésion qui doit être dépensée par les États membres dans les projets FSE+ a été supprimée de la proposition de règlement sur les dispositions communes.

Le FSE devrait continuer, dans le CFP 2021-2027, à jouer un rôle clé tant dans le soutien à la création de nouveaux emplois de qualité que dans la promotion de l’inclusion sociale. Pour atteindre ces objectifs, les États membres devraient allouer 30 % des dépenses de cohésion au FSE+.

Dans le règlement FSE+, le principe de partenariat doit être renforcé et plus détaillé. Une référence claire au Code de conduite européen sur le partenariat est nécessaire.

Nous sommes d’avis qu’il est essentiel d’assurer le respect du principe de partenariat et de réaliser la pleine valeur ajoutée de l’implication des partenaires sociaux dans la mise en œuvre du FSE+. Dans l’esprit de la déclaration quadripartite sur le nouveau départ du dialogue social et en tenant compte de l’avis du Comité du FSE sur l’avenir du Fonds, le soutien du FSE+ à l’amélioration des capacités des partenaires sociaux pour renforcer le dialogue social devrait être clairement mentionné et renforcé.

A cette fin, la CES reconfirme sa proposition de créer un fonds séparé et obligatoire au niveau de l’UE, au sein du FSE+, consacré exclusivement au renforcement des capacités, notamment lorsqu’il s’agit du renforcement des capacités des partenaires sociaux pour le dialogue social, les relations industrielles et la négociation collective. En outre, une assistance technique visant à garantir le plein accès des partenaires sociaux à ces financements devrait être mise en place.

En outre, il faudrait engager des personnes issues des partenaires sociaux chargées d’aider les partenaires sociaux dans leur travail de mise en œuvre des Fonds ESI dans le cadre du processus semestriel. La Commission pourrait également nommer un représentant spécial pour superviser ce renforcement des capacités. La nomination à ce poste serait prise en charge par les partenaires sociaux européens.

La CES soutient la proposition de fusionner le FSE+ avec l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), le programme Emploi et innovation sociale (EaSI) et le programme Santé. Néanmoins, nous déplorons que cela n’implique pas une augmentation du budget du FSE+, mais au contraire une réduction du financement du FSE+ estimée entre 3 % et 10 % en termes réels.

Gardant à l’esprit que le FSE reste le principal instrument de l’UE pour soutenir l’emploi, aider les gens à obtenir de meilleurs emplois et garantir des opportunités d’emploi plus équitables, la CES tient à souligner que l’inclusion de nouveaux domaines d’intervention dans le FSE+ doit compléter l’objectif global du FSE, c’est-à-dire soutenir l’emploi. À cet égard, il est essentiel que l’inclusion de nouveaux domaines n’affaiblisse pas les efforts visant à créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité et une société socialement inclusive.

La CES se félicite de la proposition d’inclure les partenariats transfrontaliers EURES du volet EaSI avec gestion directe dans le nouveau FSE+. Les partenariats transfrontaliers EURES apportent une contribution importante à la promotion de la mobilité transfrontalière équitable et choisie. Nous exigeons d’affecter un budget spécifique et obligatoire au sein du FSE+ pour les partenariats transfrontaliers EURES existants et futurs. Les partenariats transfrontaliers doivent être intégrés de manière permanente avec un financement suffisant.

Nous estimons que le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) devrait également être transformé en un Fonds européen de transition et mieux coordonné avec le FSE+ afin d’assurer une meilleure cohérence entre les deux fonds et de mieux anticiper et gérer les processus de restructuration. À cet égard, nous sommes satisfaits de l’inclusion de notre demande d’élargir le champ d’action du FEM pour faire face aux conséquences d’autres tendances structurelles que la mondialisation, telles que la numérisation, la décarbonisation et l’automatisation. Cela devrait conduire à soutenir les initiatives visant à amortir ou à tirer parti de ces transitions (plans de formation, orientation professionnelle, etc.).

La CES soutient pleinement les affectations proposées, respectivement de l’inclusion sociale et de la lutte contre la pauvreté (25 % au lieu de 20 % actuellement), de 2 % pour les plus démunis ; et pour les affectations IEJ de 10 % et pour le groupe d’âge 15-29 ans (États membres avec un taux NEET supérieur à la moyenne de l’UE en 2019).

 

Emploi des jeunes

La CES soutient l’inclusion de l’Initiative européenne pour la jeunesse (IEJ) dans le Fonds social européen Plus, afin d’assurer la stabilité du soutien financier à la garantie jeunesse et la cohérence interne avec les autres actions qu’elle soutient. Ceci dit, la CES exige le maintien du règlement spécial pour l’IEJ et un financement spécifique...

Toutefois, il est regrettable qu’aucune référence n’ait été faite au financement de l’IEJ. Cette mesure n’est pas cohérente avec le nouvel accent mis par la Commission européenne sur l’amélioration des mesures de qualité pour la garantie jeunesse et nuira à l’intégration de la population alarmante de NEET européen dans le marché du travail.

La CES demande de conserver le critère précédent pour l’allocation de fonds IEJ pour le soutien de la garantie jeunesse : les régions NUTS2 dont le taux de chômage est supérieur à 25 % devraient être éligibles auxdites lignes budgétaires au titre de son règlement spécial.

La CES se félicite du renforcement du programme Erasmus. En outre, la fusion du Corps européen de solidarité au sein du programme d’aide aux volontaires de l’UE répond à une demande de la CES et permettra d’empêcher le mélange des programmes de volontariat avec les politiques d’emploi des jeunes.

MIGRATION ET GESTION DES FRONTIÈRES

La CES se félicite de l’augmentation du budget du Fonds asile et migration (AMIF). Toutefois, une priorité claire devrait être accordée aux politiques d’accueil des demandeurs d’asile et des migrants au cours de la période qui suit immédiatement leur arrivée sur le territoire de l’UE plutôt qu’aux politiques de retour.

Le budget met encore trop l’accent sur le contrôle aux frontières puisque le budget proposé est doublé pour la sécurité et la défense des frontières, mais ce n’est pas le cas de l’AMIF. Nous estimons que des décisions supplémentaires devraient être prises et qu’il faudrait en faire davantage en matière de politiques et de canaux d’intégration afin de faciliter les flux migratoires légaux. Un budget spécifique devrait être consacré à des programmes assurant l’intégration des migrants sur le marché du travail.

INVESTISSEMENTS

La CES exige une nouvelle voie pour l’Europe avec l’objectif d’investir 2 % supplémentaires du PIB de l’UE par an sur une période de 10 ans pour créer des emplois de qualité et développer des systèmes énergétiques durables, en relevant les défis sociaux, économiques et environnementaux. Nous exigeons des investissements publics dans les soins de santé et les services sociaux, les infrastructures et la recherche, ainsi que dans l’éducation universelle et de haute qualité et l’apprentissage tout au long de la vie afin d’améliorer l’employabilité et de répondre aux conditions de travail de l’avenir. Les investissements publics spécifiques dans ces domaines ne devraient pas être pris en compte lors de l’évaluation des niveaux de déficit national, en particulier en période de ralentissement économique. La stabilisation financière doit se faire par la croissance économique et la mise en place d’un Trésor européen[6].

La CES soutient la proposition de la CE de créer un nouveau fonds d’investissement entièrement intégré, InvestEU, afin de catalyser les investissements privés dans toute l’Europe, comme l’actuel Plan Juncker (Fonds européen pour les investissements stratégiques). Dans le même temps, la CES attire l’attention sur les risques associés aux partenariats public-privé (PPP) et souligne la nécessité urgente de donner la priorité aux investissements publics dans des services publics de qualité, abordables et accessibles dans le prochain CFP de l’UE.

La CES considère que les organes politiques légitimés par la responsabilité parlementaire doivent conserver la décision finale sur les investissements financés par les fonds ESI. Nous nous opposons fermement à tout transfert direct ou indirect des moyens des fonds ESI vers l’EFSI ou InvestEU, en transmettant les pouvoirs de décision à la Banque européenne d’investissement. L’octroi de prêts au lieu de subventions portera atteinte aux objectifs de la politique de cohésion tels que définis à l’article 174 du TFUE. Au lieu de pousser à la financiarisation des fonds ESI, le principe de partenariat doit être renforcé afin de rendre l’UE perceptible au niveau régional.

Concernant la fonction européenne de stabilisation des investissements : tout d’abord, nous considérons qu’il s’agit d’un outil limité puisque le montant total éventuellement disponible dans le cadre de ce régime est limité à 30 milliards d’euros, ce qui ne représente, par exemple, qu’un tiers des prêts accordés à l’Irlande entre 2010 et 2013.

Ensuite, la fonction européenne de stabilisation des investissements permettrait à l’Union européenne d’emprunter sur les marchés financiers au nom de l’UE pour prêter aux États membres en situation difficile, mais le montant total de la dette à laquelle l’Union européenne peut accéder est strictement limité. Par conséquent, l’Union ne pourrait utiliser ce régime spécifique qu’aux dépens d’autres, c’est-à-dire le mécanisme européen de stabilité financière (en outre, les deux rôles de ces organismes ne sont pas clairement séparés).

Enfin, la fonction européenne de stabilisation des investissements devrait d’abord être abordée dans le cadre du programme de réformes de l’UEM, en tant que capacité budgétaire supplémentaire éventuelle, ou capacité de prêt pour l’Union européenne, et non en tant qu’engagement financier. Cette question sera traitée dans une position de la CES sur le paquet de réformes de l’UEM.

CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Intégration du climat

La CES se félicite de la proposition de la Commission d’augmenter le montant des dépenses climatiques qui devraient contribuer aux objectifs climatiques, mais l’objectif proposé de 25 % (contre 20 % dans le CFP actuel) n’est pas suffisant pour remplir le mandat de l’Accord de Paris et devrait être porté à au moins 30 %, comme l’a demandé le Parlement européen.

L’objectif de l’intégration du climat doit être de déclencher des changements structurels dans l’économie de l’UE, en gardant à l’esprit que l’UE doit atteindre un équilibre entre les sources et les puits d’émissions le plus tôt possible au cours de ce siècle. Pour être pleinement efficace, cet objectif général de 25 % devrait être soutenu par des objectifs quantitatifs d’action climatique pour les fonds et programmes qui financent des activités ayant un impact direct sur les émissions. En outre, des critères d’éligibilité stricts doivent garantir que les investissements dans les secteurs générateurs d’émissions (agriculture, déchets, énergie, transports, industrie et bâtiments) sont conformes à l’accord de Paris et aux objectifs connexes de l’UE pour 2030 et 2050. En tant que syndicats, nous soutenons en particulier la « transition juste » telle qu’elle est décrite dans l’Accord de Paris. Ces exigences quantitatives et qualitatives doivent également s’appliquer à InvestEU et à la BEI.

Enfin, la méthodologie de surveillance utilisée pour suivre les dépenses climatiques qui contribuent aux objectifs climatiques doit être révisée afin d’éviter les surestimations et de clarifier l’impact réel des dépenses sur le climat, comme le suggère la Cour des comptes européenne en 2016.

Intégration de la durabilité

La CES considère que pour être crédible, le leadership de l’UE sur les objectifs de développement durable devrait être mieux reflété dans le budget de l’UE. L’absence d’affectation quantitative pour la durabilité environnementale dans les différentes rubriques, ainsi que le manque de clarté des critères d’éligibilité reflétant ces objectifs, sapent considérablement le leadership de l’UE dans la mise en œuvre des « lignes directrices pour le développement durable » (SDG). Cela dit, la proposition de poursuivre et de renforcer le programme Life, ainsi que les synergies annoncées avec la politique de cohésion et la politique agricole commune, constituent des développements positifs. L’accès à Life devrait être facilité pour les syndicats, notamment pour des projets visant à rendre les lieux de travail plus écologiques.

Enfin, il faut noter que les « changements climatiques » deviendront un critère pour la répartition des fonds entre les régions dans le cadre de la politique de cohésion. Cela doit rendre plus concret l’engagement politique de l’UE à soutenir les régions qui dépendent d’activités intensives en matière de CO2, dans leurs efforts pour passer à une économie à faibles émissions de carbone. De même, les instruments existants (FSE+, FEDER et FEM) doivent fonctionner de manière à permettre aux travailleurs des régions et des secteurs touchés par la décarbonisation d’obtenir le soutien dont ils ont besoin et qu’ils méritent.

POLITIQUE DE VOISINAGE ET INTERNATIONALE

Le nouvel instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale présenté dans le CFP 2021-2027 regroupe des instruments existants en un nouvel instrument unique qui combine différents objectifs politiques, avec le risque de subordonner les fonds de coopération au développement à des objectifs plus larges en matière de relations extérieures, loin de l’éradication de la pauvreté et de la contribution au développement durable. Même si la communication montre l’intégration de la gestion des migrations dans le chapitre consacré aux actions extérieures, il convient de s’attaquer aux causes profondes des migrations sur la base des besoins des populations des pays partenaires, de s’attaquer aux inégalités mondiales et aux disparités économiques, au lieu de se fonder sur des objectifs à court terme visant à prévenir les migrations vers l’Europe.

La nouvelle architecture devrait également inclure des formes d’assistance concessionnaires, telles que des bourses, pour tous les pays en développement, y compris les pays à revenu intermédiaire présentant des niveaux élevés d’inégalité.

Bien que nous observions une combinaison de piliers géographiques et thématiques, il est important que les deux soient dotés de ressources adéquates et que le pilier thématique suive une approche fondée sur les acteurs. Cette approche devrait également être reflétée dans le pilier géographique afin d’assurer une plus grande cohérence et efficacité des actions. Les deux piliers devraient servir principalement à soutenir la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et devraient reconnaître l’importance de l’Agenda pour le travail décent en tant que moteur essentiel pour parvenir à un développement inclusif et durable. En outre, le « pilier de la réponse rapide » et le « coussin des nouveaux défis et priorités » doivent être guidés par des mécanismes clairs de transparence et de responsabilité.

Les instruments de financement extérieur de l’UE doivent favoriser la création de possibilités de travail décent, ainsi que les conditions préalables et l’environnement permettant aux travailleurs et aux syndicats de représenter leurs intérêts et d’opérer librement. Les fonds visant à créer des possibilités d’emploi devraient garantir que les emplois créés sont conformes à l’Agenda pour le travail décent et propices à un développement durable et inclusif. Cela inclut la garantie de la liberté d’association et de réunion, l’espace permettant aux travailleurs de s’organiser et de s’engager dans la négociation collective, la promotion des planchers de protection sociale et des salaires de subsistance, la ratification et le respect des normes fondamentales du travail et des conventions de l’OIT, le respect des droits humains et syndicaux et l’établissement d’un dialogue social entre les travailleurs et les employeurs[7]. L’intégration de la dimension de genre, de l’environnement et des droits de l’homme est également essentielle.

Le dialogue social devrait jouer un rôle important dans ce processus et devrait être soutenu de manière adéquate par le renforcement des capacités des partenaires sociaux (organisations de travailleurs et d’employeurs). Avec le nouveau cadre financier pluriannuel, l’UE devrait promouvoir la bonne gouvernance démocratique en renforçant la promotion du dialogue social et la participation syndicale dans les trois piliers de l’« instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale ». Les syndicats devraient être considérés comme des partenaires stratégiques, à chaque étape de l’élaboration des politiques et des programmes, y compris l’étape de la mise en œuvre et du suivi des politiques, des programmes et des accords.

La « nouvelle architecture d’investissement externe » qui est présentée en plus des nombreuses autres ressources supplémentaires du secteur privé présente des risques élevés. Elle propose de nouvelles formes de financement, telles que les garanties financières, dont l’impact n’a pas encore été évalué de manière adéquate, et d’autres formes de financement mixte, dont l’impact sur le développement et la valeur ajoutée est fortement remis en question.

Cette « nouvelle architecture de l’investissement extérieur » devrait envisager d’accroître la transparence et la responsabilité du secteur privé, étant donné son importance croissante dans le développement. Le respect par les entreprises de normes sociales et environnementales contraignantes doit être garanti afin de parvenir à un développement durable. Le respect des droits du travail, fondé sur les normes du travail de l’OIT, les engagements environnementaux, le dialogue social, la transparence et la responsabilité doivent être les principaux critères obligatoires pour toute participation des acteurs du secteur privé aux efforts d’éradication de la pauvreté et de transition vers une production durable. La responsabilité du secteur privé ne peut être un concept volontaire ; en ce sens, l’application de lignes directrices et de principes internationalement reconnus sur les entreprises et les droits de l’homme devrait être une condition essentielle pour accorder un soutien au secteur privé dans la coopération au développement.

 

FINANCEMENT DU BUDGET DE L’UE

La CES est fermement convaincue que si nous voulons être à la hauteur des ambitions fixées par les défis actuels et futurs ainsi que par l’Agenda 2030 pour le développement durable, l’Europe doit avoir la volonté politique d’augmenter le budget général de l’UE et de réformer le système des ressources propres et d’augmenter la part des ressources propres à au moins 50 % du budget de l’UE, au lieu des 32 % proposés.

Nous soutenons les propositions de la CE visant à simplifier l’actuelle ressource propre basée sur la taxe sur la valeur ajoutée (pour la baser sur des fournitures standard uniquement) ainsi qu’à introduire un panier de nouvelles ressources propres composé d’une part des revenus provenant des éléments suivants :

  • Système d’échange de quotas d’émission (20 % des revenus) ;
  • Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés ;
  • Contribution nationale calculée sur la quantité de déchets d’emballages plastiques non recyclés.

En outre, nous participerons activement aux négociations avec le Parlement européen et les États membres pour proposer l’introduction progressive de nouvelles ressources spécifiques liées aux politiques :

  • la taxe sur les transactions financières (TTF) ;
  • l’impôt sur la fortune excessive (revenus les plus élevés et grandes fortunes) ;
  • l’impôt sur les bénéfices des entreprises (non utilisé pour le réinvestissement) ;
  • l’émission d’euro-obligations ;
  • la taxe numérique.

Augmenter les ressources propres de l’UE, tout en créant des incitations pour rendre l’économie de l’UE plus durable, est la bonne chose à faire. Les propositions de la CE sont des pas en avant évidents dans cette direction. Toutefois, pour éviter de réduire les ressources financières disponibles pour l’action climatique, les 20 % des recettes du SCEQE qui seront prélevés sur les États membres pour contribuer au budget de l’UE devraient être clairement destinés à catalyser l’innovation à faibles émissions de carbone dans les secteurs couverts par le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE). En outre, nous pensons toujours qu’une taxe carbone (pour les secteurs non couverts par le SCEQE) devrait être mise en place, notamment pour lutter contre les émissions du secteur des transports qui augmentent depuis de nombreuses années.

 

[1]   https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/communication-modern-budget-may2018_fr.pdf

https://ec.europa.eu/commission/publications/regional-development-and-cohesion_fr

[2] Revenu national brut

[3]   Voir « The legal nature of Country Specific Recommendations », Parlement européen, juin 2017

[4] (Voir également le 7e rapport sur la politique de cohésion) http://ec.europa.eu/regional_policy/en/information/cohesion-report/

[5] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2014.074.01.0001.01.ENG

[6] https://www.etuc.org/fr/document/un-tresor-europeen-pour-les-investissements-publics-position-de-la-ces

[7] Comme noté dans les conclusions du Conseil sur un Nouveau Partenariat mondial pour l’élimination de la pauvreté et le développement durable après 2015 (26 mai 2015).