ETUC position on Mid-Term review/revision of the MFF 2014-2020

Bruxelles, 17 Novembre 2016

POSITION DE LA CES SUR LE RÉEXAMEN/LA RÉVISION À MI-PARCOURS DU CFP 2014‑2020

Adoptée lors du Comité exécutif du 26-27 octobre 2016

Sommaire

Le présent document présente une première analyse et un début de contribution aux débats actuels et à venir sur le cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 dans le cadre du réexamen/la révision à mi-parcours du CFP.

En effet, le contexte économique et politique était tout à fait différent lorsque le CFP actuel a été négocié et un certain nombre de questions devront être prises en compte dans la révision du CFP.

Les revendications et priorités de la CES, développées dans le présent document, sont les suivantes :

  • Le financement adéquat du Fonds européen d'investissement stratégique (EFSI)
  • Le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale en améliorant l'utilisation des Fonds structurels et d'investissement européens (Fonds ESI) et en assurant la mise en œuvre adéquate du Code de conduite européen sur le partenariat (CCP)
  • L'augmentation du budget du Fonds social européen (FSE) jusqu'à 30% de l'enveloppe de l’ESIF
  • La poursuite de l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ)
  • La disponibilité d'un soutien suffisant aux États membres pour faire face à la situation des migrants et des réfugiés
  • Le suivi de l'accord de Paris sur le changement climatique
  • Le renforcement des politiques de développement
  • La nécessité de créer les conditions en vue d’un budget de l’UE autonome pour la prochaine période de programmation et, par conséquent, pour augmenter de manière significative le budget de l’UE.

La CES estime que si nous voulons répondre aux ambitions fixées par la stratégie «Europe 2020» et le Programme de Développement Durable pour 2030, ainsi que relever les nombreux défis supplémentaires, l'Europe doit avoir la volonté politique d'augmenter le budget général de l'UE et de réformer le système des ressources propres.

INTRODUCTION

Le réexamen/la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) faisait partie de l’accord politique concernant le CFP 2014-2020 et est prévu par l’art. 2 du règlement Nº 1311/2013 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020[1]

Le 14 septembre 2016, la Commission a présenté un réexamen du fonctionnement du cadre financier, en tenant compte de la situation économique ainsi que des projections macroéconomiques les plus récentes. Ce réexamen est accompagné d'une proposition législative de révision du règlement concernant le CFP[2].

La présente position de la CES constitue une première analyse et contribution aux prochains débats sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020.

DÉFIS ACTUELS/NOUVEAUX EN VUE DU RÉEXAMEN/LA RÉVISION À MI-PARCOURS

Le CFP actuel a déjà atteint ses limites au cours des deux premières années. Une révision ambitieuse du CFP est essentielle pour faire face à la crise migratoire et des réfugiés, en stimulant des économies en stagnation, en revitalisant le tissu industriel et en luttant contre le chômage des jeunes.

En fait, le contexte économique et politique était assez différent lorsque le CFP actuel a été négocié. Étant donné ces changements, la CES considère qu’un certain nombre de questions devront être prises en considération dans la révision du CFP, à savoir :

  • Le financement de l’EFSI (Fonds européen pour les investissements stratégiques) - un plan d’investissement pour l’Europe et ses effets sur le budget de l’UE doivent être examinés ;
  • La situation migratoire et des réfugiés a pesé lourdement sur les budgets nationaux et de l’UE. Des moyens doivent être trouvés afin de garantir une flexibilité suffisante et des ressources budgétaires supplémentaires au cours de la période restante du CFP ;
  • La poursuite de l’initiative pour l’emploi des jeunes doit être assurée après 2016 ;
  • Le suivi de l’accord de Paris sur le changement climatique, ainsi que du programme de développement durable pour 2030 de l’ONU, doit être mis en œuvre ;
  • Régler les arriérés de paiement de la période précédente du CFP et éviter d’accumuler de tels arriérés à l’avenir doivent constituer une priorité.

REVENDICATIONS DE LA CES

  1. UNE NOUVELLE VOIE POUR L'EUROPE

La CES demande « Une nouvelle voie pour l’Europe », y compris un programme d’investissement de 2 % du PIB par an au cours des 10 prochaines années, afin de créer des emplois de qualité et de développer des systèmes énergétiques durables répondant aux défis sociaux, économiques et environnementaux. Nous demandons des investissements publics dans les services de santé et les services sociaux, dans les infrastructures et la recherche, ainsi que dans une éducation et une formation tout au long de la vie universelles et de qualité afin d’améliorer l’employabilité et de préparer les conditions de travail du futur. Les investissements publics spécifiques consentis dans ces domaines doivent être exclus lors de l’évaluation des niveaux des déficits nationaux pendant les périodes de ralentissement économique. La stabilisation financière doit se faire au travers de la croissance économique et de la vente d’euro‑obligations s’accompagnant d’un processus ordonné de restructuration de la dette lorsque cela est nécessaire. Ces propositions peuvent constituer une bonne base pour améliorer le prétendu Plan d’Investissement Juncker, qui s’est avéré ne pas être suffisamment efficace pour stimuler les investissements publics et remédier au manque d’investissements dans les pays et les secteurs qui en ont le plus besoin.

Les investissements publics diminuent continuellement depuis 2009. La CES estime que les investissements publics sont nécessaires afin de relancer l'économie européenne. Dans ce sens, nous demandons que le Pacte de stabilité et de croissance et le Pacte budgétaire établis dans le cadre du

Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, soient assouplis et révisés afin d'accroître les investissements publics, pour financer les infrastructures et la recherche, ainsi qu’une éducation de qualité, des soins de santé et des services sociaux universels. De manière complémentaire, dans le cadre de la deuxième phase du Plan d’Investissement Juncker, et afin d’en augmenter l’efficacité comparativement à la première phase, la Banque européenne d'investissement (BEI), en collaboration avec le Fonds européen d'investissement (FEI), pourrait émettre des obligations pour financer des investissements européens. La Banque centrale européenne pourrait même émettre une avance ou une déclaration de précaution annonçant son soutien partiel des obligations de la BEI-FEI par le biais d’un refinancement standard de la banque centrale ou des opérations sur le marché secondaire. Enfin, il faut noter qu'un tel processus ne résulterait pas en un accroissement de la dette publique nationale et que la BEI a émis avec succès des obligations depuis 1958 sans le concours de garanties nationales.

Le budget de l’UE, en particulier les fonds structurels et d’investissement européens, doit soutenir des plans extraordinaires d’investissement à l’échelle européenne (comme décrit plus haut) visant à favoriser une croissance durable et l’emploi. De tels plans exigent de nouveaux moyens mais les fonds européens existants doivent aussi être mis à contribution. Tout cela doit être lié à la nécessité d’un budget européen autonome et sérieux.

Parallèlement l’UE doit continuer à stimuler la recherche et l’innovation en renforçant davantage encore le financement du Programme-Cadre européen pour la Recherche et l’Innovation Horizon 2020.

Le cofinancement par les États membres doit être exclus des calculs du déficit et de la dette afin d’encourager l’utilisation effective du financement européen. La Banque européenne d’investissement ou un nouveau Fonds européen d’investissement doit également soutenir la mise en œuvre de plans d’investissement donnant la priorité aux projets ayant l’impact le plus important sur l’emploi, et aux États membres où le chômage est le plus élevé. La BEI et le FEI doivent également autoriser les États membres et les bénéficiaires à utiliser les fonds structurels et d’investissement de l’UE pour cofinancer leurs interventions financières.

L’Europe a besoin d’emplois de meilleure qualité. Les projets d’investissement doivent dès lors être liés aux emplois décents et aux principes fondamentaux de l’acquis social européen tels que la priorité aux contrats de travail à durée indéterminée, le principe d’un salaire égal pour un travail égal au même endroit et le droit à la négociation collective. 

  1. Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI)

La CES rappelle que la cohésion économique, sociale et territoriale doit rester au centre de la Stratégie « Europe 2020 », garantissant ainsi que toutes les énergies et les capacités sont exploitées et axées sur la mise en œuvre de la stratégie. Il y a encore des différences importantes de développement entre les régions au sein de l'UE, ainsi que dans les États membres, d'où l'importance du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds de cohésion (FC).

La politique de cohésion de l’UE est essentielle pour soutenir le développement régional, une croissance durable et l’emploi de qualité. La réglementation générale des fonds structurels et d’investissement européens pour la période 2014-2020 renforce ces priorités, y compris (en particulier dans le cas du Fonds social européen) l’emploi, la mobilité équitable, la lutte contre la pauvreté, l’inclusion sociale et l’éducation et la formation[3].

La CES considère que les Fonds ESI doivent être utilisés afin de promouvoir l’investissement pour créer plus d’emplois et de meilleure qualité, un socle industriel solide, une croissance durable et une prospérité partagée dans l’ensemble de l’Europe, avec une attention particulière pour le soutien aux groupes les plus vulnérables dans la société.

La CES souligne que la réalisation des objectifs des accords de partenariat et des programmes opérationnels est grandement facilitée par la participation pleine et active des partenaires sociaux. Le principe de partenariat a été clairement intégré, renforcé et étendu grâce à l'adoption du code de conduite européen sur le partenariat (CCEP), qui régit la participation des autorités locales, des partenaires sociaux et d’autres parties prenantes à toutes les étapes de programmation, de mise en œuvre et de suivi des fonds structurels et d’investissement européens.

La CES demande la mise en œuvre adéquate du code de conduite européen sur le partenariat. Nous soulignons que le CCEP constitue un instrument clé, mais qu’il doit être systématiquement amélioré au cours de la prochaine période de programmation après 2020.

  1. LE FONDS SOCIAL EUROPÉEN (FSE)

Le Fonds social européen est le seul fonds structurel qui concerne directement chaque citoyen, qu’il soit travailleur, chômeur, exclu de la société, jeune, âgé ou particulièrement vulnérable.

Le FSE vise spécifiquement à promouvoir l'emploi, la mobilité du travail, des mesures d'éducation et de formation, ainsi que la lutte contre la pauvreté, l'exclusion sociale et la discrimination.

Le FSE s’est attelé à relever de nouveaux défis, comme l’initiative pour l’emploi des jeunes, l’Alliance européenne pour l’apprentissage, le nouveau Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) afin de lutter contre la pauvreté, l’initiative pour les chômeurs de longue durée et le réseau réformé EURES pour l’emploi dans l’UE.

Rappelant la « déclaration commune sur un nouveau départ pour un dialogue social fort »[4], approuvée par les partenaires sociaux les 26-27 janvier 2016, la CES souligne qu’un dialogue social fort et efficace constitue un élément fondamental pour contribuer à la création d’emplois, au progrès social et surmonter les crises économiques. En ce qui concerne le soutien financier, le budget européen, notamment via les fonds structurels et d’investissement européens, devrait permettre le cofinancement de projets visant le renforcement des capacités des partenaires sociaux.

Le FSE, en particulier, devrait étendre son soutien au développement du dialogue social, en améliorant le renforcement des capacités des partenaires sociaux. Cet engagement devrait devenir obligatoire pour les États membres dans l’ensemble des régions de l’UE, et 2 % des ressources du FSE devraient être alloués aux activités bilatérales et/ou unilatérales de renforcement des capacités entreprises par les partenaires sociaux afin de renforcer le dialogue social. Pour ce faire, la CES considère l’option de créer un fonds séparé et obligatoire au niveau européen, au sein du FSE, consacré exclusivement au renforcement des capacités, notamment pour ce qui concerne le renforcement des capacités des partenaires sociaux pour le dialogue social, les relations industrielles et les négociations collectives. En outre, il faut mettre en place l’assistance technique pour assurer le plein accès des partenaires sociaux à ce financement.

Par ailleurs, de nouveaux programmes ont été mis en route, d’autres ont été réformés et renforcés, notamment Erasmus+, le nouveau Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM), le programme pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI) et le programme EURES, y compris « Ton premier emploi EURES ».

Afin de garantir une cohérence politique ainsi qu’une gestion et une supervision uniques de l’utilisation des différents fonds et programmes mentionnés ci-dessus, la CES propose de les regrouper dans le FSE, de modifier le règlement du FSE après 2020 et d’augmenter le budget du FSE à hauteur d’au moins  30 % de l’enveloppe des Fonds ESI (part minimale de l’enveloppe allouée à la cohésion).

Au cours des dernières années, les défis sociaux auxquels nous sommes confrontés se sont multipliés (le chômage des jeunes, le chômage de longue durée, la situation des migrants et des réfugiés, la pauvreté des enfants), d'où le besoin urgent de porter la part minimum du FSE de l'enveloppe des fonds ESI jusqu'à au moins 30% (au lieu des 24,6% actuels).

  1. INITIATIVE POUR L’EMPLOI DES JEUNES

Le chômage et la précarité des jeunes en Europe se maintiennent à des niveaux inacceptables. Les taux de chômage des jeunes en Europe étaient déjà sensiblement plus élevés (voire le double) que ceux de l’ensemble de la population active avant la crise, mais la situation s'est emballée lorsque l'économie mondiale s'est effondrée et que les gouvernements et les institutions européennes ont choisi de faire face en adoptant des politiques d'austérité.

Les statistiques récentes montrent un recul modeste du chômage des jeunes, qui reste cependant au-dessus des 20% à l’échelle européenne, avec d'importants écarts entre les pays européens. L'analyse intracatégorielle montre que les jeunes femmes et les travailleurs migrants ont été encore davantage touchés par le chômage et la détérioration du marché du travail.

La population inactive et le nombre de jeunes sans emploi ou ne suivant pas d’études ou de formation (NEET) ont augmenté, dans certaines régions de différents pays européens, de même que le nombre de jeunes migrants de l’UE se rendant dans d’autres pays de l'UE ou dans des pays tiers[5].

Le 2 avril 2013, les États membres de l'UE se sont engagés à mettre en place des systèmes de garantie pour la jeunesse visant à offrir aux jeunes un emploi de qualité, une formation continue, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie du système éducatif ou la perte de leur emploi. 6,4 milliards d’euros ont été affectés en 2014 et en 2015, dans le cadre de l’initiative pour l’emploi des jeunes, au soutien de la mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse.

6 millions de jeunes chômeurs doivent bénéficier de l'initiative pour l'emploi des jeunes, qui les aidera à trouver un emploi ou à acquérir davantage de compétences et de qualifications, à la suite de l'intégration de cette initiative dans les 34 programmes du FSE dans les 20 États membres éligibles. Toutefois, l'initiative pour l'emploi des jeunes n’a pas répondu au problème persistant des niveaux élevés du chômage des jeunes.

La CES demande le maintien de l’initiative pour l’emploi des jeunes au-delà de 2016 et son inclusion comme l’une des priorités du futur règlement du FSE après 2020. Nous demandons des investissements dans un financement plus ambitieux et à long terme afin de garantir que la mise en œuvre de la mesure produit des résultats concrets. L'estimation de 21 milliards d'euros par an établie par l'OIT constitue notre point de référence en ce qui concerne le niveau de financement approprié de la garantie pour la jeunesse[6].

En outre, il est essentiel d’améliorer la coordination entre les Fonds ESI, en particulier le FSE, et d’autres fonds et programmes de l’UE (Erasmus+, Your First EURES Job, Youth on the move, Drop’in) afin de garantir un meilleur impact et l’efficacité des mesures en faveur des jeunes.

  1. LA SITUATION DES MIGRANTS ET DES RÉFUGIÉS

La situation actuelle des migrants et des réfugiés pose de nombreux problèmes. L’UE est la destination de près de 2 millions de migrants de longue durée par an. Ces afflux sont plus hétérogènes que dans le passé, et les politiques d’asile et de migration doivent être davantage intégrées afin de s’adapter à une nouvelle réalité. L’UE nécessite des politiques sociales fondées sur la solidarité, l’intégration et l’inclusion afin de s’adapter à cette nouvelle réalité.

En principe, nous pouvons être d'accord avec la proposition de la Commission de créer une Réserve de Crise de l’UE pour financer la réponse aux crises, mais elle doit être utilisée pour les situations d'urgence pour fournir une aide immédiate résultant de l'assistance administrative accrue nécessaire, par exemple pour faire face à l'augmentation dans les demandes d’asile.

L'Union européenne et ses États membres ont des obligations internationales d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile et des personnes dans le besoin de protection humanitaire. Actuellement, il nous faut reconnaître que l’UE, malgré les efforts déployés par la Commission européenne et quelques gouvernements, ne respecte pas ces obligations. Pourtant, une politique plus responsable et partagée à l’égard des réfugiés permettrait à l’Europe de tirer le meilleur parti d’une contribution potentiellement positive que les réfugiés peuvent apporter à l’économie, à la société et au marché du travail européens.

L’inclusion des réfugiés dans le marché du travail représente un défi que les sociétés d’accueil peuvent transformer en opportunité. On estime qu’une intégration rapide des réfugiés peut avoir des effets positifs immédiats sur le PIB afin que la croissance des dépenses publiques finance de nouvelles infrastructures et de nouveaux emplois. Des effets encore plus notables sont susceptibles de se produire à long terme en raison du dynamisme que les réfugiés peuvent apporter aux communautés d’accueil.

La CES souhaite souligner que les pays ayant accueilli des réfugiés en 2015 ont déjà enregistré des bénéfices en termes de croissance du PIB (entre + 0,3 % et 0,5 %), essentiellement en raison des dépenses publiques supplémentaires dans des infrastructures et de nouveaux emplois pour des médecins, des fonctionnaires, des psychologues, des enseignants, des formateurs, etc. Les effets sur l’emploi et la croissance resteront positifs au cours des années à venir si nous prenons les décisions appropriées aujourd’hui[7].

La CES demande que les États membres mettent en œuvre la relocalisation de 60.000 réfugiés décidée il y a un an et fassent un meilleur usage des 3 milliards d’euros que comprend le fonds de l’UE pour l’asile, la migration et l’intégration (AMIF)[8].

Considérant les initiatives législatives relatives à la création de nouvelles agences qui constituent le régime commun d’asile, des ressources adéquates doivent être fournies. Des ressources doivent en particulier être allouées aux États membres les plus touchés par cet afflux extraordinaire.

La CES demande également aux États membres de fournir via les Fonds ESI, en particulier le FSE, ainsi que d’autres fonds et programmes de l’UE, notamment le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) et le Fonds « Asile, migration et intégration », les fonds nécessaires pour assurer l’intégration des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile dans le marché du travail ainsi que dans les systèmes d’éducation et de formation. Conformément au code de conduite européen sur le partenariat, la participation des partenaires sociaux à la gestion de ces fonds doit être pleine et entière.

Nous considérons qu’une initiative européenne pour l’emploi, pour l’intégration des réfugiés dans le marché du travail, est nécessaire. Une telle initiative aurait une valeur ajoutée européenne, ce que l’UE a toujours considéré comme étant un élément central pour l’allocation des fonds. Pour ce faire, une augmentation suffisante du budget du FSE est nécessaire et au moins 10 milliards d’euros doivent être attribués d’urgence à cette initiative.

Nous demandons aussi une meilleure coordination entre la DG Emploi et la DG Migration et affaires intérieures afin de garantir une utilisation cohérente et coordonnée de ces fonds. La Commission devrait analyser la possibilité de mettre les fonds d’urgence existants à la disposition des États membres les plus touchés par la situation d’urgence des réfugiés.

  1. LE SUIVI DE L’ACCORD DE PARIS SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

En décembre 2015, lors de la COP 21, l’UE s’est engagée à contenir le réchauffement climatique nettement en dessous des 2°C et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C. L’accord de Paris comporte également l’engagement des parties à « rendre les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques[9] ». 

La CES considère que ces nouveaux engagements internationaux pris à la COP 21 doivent entraîner une révision des priorités dans les fonds alloués via le CFP.

La règle en vigueur qui consiste à allouer 20 % des fonds aux « activités liées au climat » est manifestement insuffisante pour rendre le budget de l’UE compatible avec les engagements de Paris. Une évaluation systématique de l'impact sur le changement climatique des projets financés doit être établie afin de garantir que les fonds européens contribuent effectivement à accélérer la transition vers une économie sobre en carbone. De même, le CFP devrait contribuer à augmenter les fonds alloués à la lutte contre le changement climatique et ses conséquences dans les pays les plus pauvres et les plus vulnérables.

L'accord de Paris a également invité les pays à prendre en compte les impératifs d'une transition juste pour les travailleurs. La CES invite l'UE à traduire ce principe en actions concrètes et regrette l’insuffisance des mécanismes présentés dans la proposition de la Commission de réformer le système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) visant à soutenir les travailleurs dans les régions qui seront fortement touchées par la transition vers une économie sobre en carbone.

L’insertion de la « formation et la reconversion des travailleurs affectés par la transition » à l’article 10 B de la proposition d’amendement de la directive laisse entièrement à la discrétion des États membres la décision de soutenir ou non les travailleurs concernés. Non seulement ladite disposition – qui concerne l’utilisation des recettes tirées des mises aux enchères des quotas d’émission par les États membres – n’est pas juridiquement contraignante, mais elle comprend par ailleurs une liste de douze possibilités d’allocation, ce qui qui rend fortement improbable le soutien effectif à ces travailleurs. 

La CES appelle par conséquent les législateurs européens à envisager de nouvelles solutions fournissant à ces travailleurs le soutien dont ils ont besoin. Un « Fonds pour une transition juste », destiné à financer les mesures de soutien aux travailleurs dans les régions et les localités affectées par la transition, pourrait être alimenté principalement par les mises aux enchères d’un certain volume de quotas d’émissions. Un tel fonds ne devrait cependant en aucun cas mobiliser les ressources du Fonds social européen, et les partenaires sociaux doivent participer à sa gestion, conformément aux dispositions du code de conduite européen sur le partenariat.

  1. POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT

Le principal objectif de la politique européenne de développement devrait être de réduire la pauvreté et de promouvoir une large cohésion sociale. Il est manifestement nécessaire de garantir la cohérence de la politique de développement avec les politiques commerciales, climatiques et environnementales et de renforcer son efficacité au moyen d’une meilleure coordination de l’UE, des États membres et d’autres acteurs du développement au sein des forums internationaux pour le développement.

La CES a soutenu l’ambition affichée par l’UE de jouer un rôle plus important sur la scène internationale et son engagement à atteindre un objectif collectif de dépense de 0,7 % de son RNB dans l’aide publique au développement (APD) d’ici 2015. Cet objectif n’a pas été atteint ; par conséquent, les syndicats continueront de demander à l’UE d’accroître considérablement son APD afin d’atteindre cet objectif de 0,7 % dans le CFP actuel.

La CES rappelle que, conformément à l’article 208 du TFUE, la coopération au développement doit avoir comme objectif premier l’éradication de la pauvreté. Les fonds de l’APD doivent par conséquent être destinés à cette fin et ne pas être détournés à d’autres fins dans les pays en développement, ex. : sécurité et défense.

Nous reconnaissons qu’il est nécessaire de développer une approche différenciée vis-à-vis des différents groupes de pays en développement, en particulier pour les pays émergents.

Ce constat ne doit néanmoins pas sous-tendre de décisions unilatérales sur la définition des « pays en développement », qui doit rester, par consensus international, la prérogative du Comité d'aide au développement (CAD) de l’OCDE. En tout état de cause, les initiatives de coopération avec des donateurs émergents (qui ne répondent pas aux critères du CAD de l’OCDE pour l’APD) ne doivent pas être financées par un transfert de fonds de l’instrument de coopération au développement (ICD), mais au moyen d’un instrument distinct.

La Stratégie globale de l’UE sur la politique étrangère et de sécurité, présentée officiellement en juin 2016 par la HRVP Federica Mogherini, reconnait le rôle de la société civile et des partenaires sociaux à l’heure de contribuer à assurer la résilience sociétale, en particulier dans un contexte global où l’espace pour ces acteurs se réduit, notamment sous l’effet des violations des libertés d’expression et d’association. Les syndicats saluent l’engagement et le soutien à long terme proposés par la Stratégie globale de l’UE en faveur de la société civile mondiale et locale, y compris à travers leur participation aux alertes précoces et à la prévention de conflits. Le document propose le rehaussement du budget global dédié à la coopération en matière de développement de l’UE et réitère l’engagement de l’UE à atteindre la cible de 0,7% APB/RNB, conformément aux principes du CAD. En ce sens, il préconise une flexibilité accrue de la politique de l’UE en matière de développement, avec des financements stables mais des cycles de programmation plus courts et une flexibilité accrue en termes de mise à disposition de fonds limités en soutien à la société civile.  Aussi plausible soit-il de revoir à la hausse l’enveloppe de l’UE affectée au développement, nous restons vigilants quant à l’usage fait de ces fonds en réponse à la crise des réfugiés et aux défis sécuritaires. Il conviendrait de prévoir une séparation claire entre les enveloppes, jamais au détriment de la politique de développement de l’UE.

En ce qui concerne la migration et le développement, le plan d’investissement extérieur (PIE) de l’UE, qui s’inscrit dans le « nouveau cadre de partenariat avec les pays tiers au titre de l’agenda européen en matière de migration », dont le but est de contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable tout en s’attaquant à certaines des causes profondes de la migration et du déplacement forcé, devrait être axé sur la création d’emplois décents. Cela comprend la liberté d’association, le dialogue social et la protection sociale des travailleurs et de leurs familles, offrant par conséquent des alternatives à la migration forcée, particulièrement des femmes et des enfants et à la traite des êtres humains. La proposition de PIE de la Commission européenne du 14 Septembre 2016[10] va dans le sens contraire, évoquant une prise en otage par les grandes entreprises et multinationales du programme de développement de l'UE, et laissant de côté le développement du secteur privé local, à travers les micro-, petites et moyennes entreprises.

De plus, l'analyse de la proposition actuelle prend pour acquis la relation entre le développement accru et une diminution de la migration. L'Agenda 2030 ne doit pas être utilisé comme une carte blanche pour promouvoir un rôle irresponsable de l'entreprise dans le développement tout en négligeant d'autres buts et objectifs tels que le travail décent et la protection sociale. La mise en œuvre de l’utilisation des Fonds ESI et de toutes les autres ressources de l’UE doit être systématiquement liée aux objectifs de l’Agenda 2030.

ARRIÉRÉS DE PAIEMENT

Ces dernières années, un écart croissant s'est creusé entre les engagements (c'est-à-dire le montant des ressources approuvé pour chaque ligne budgétaire) et les paiements (c'est‑à‑dire les ressources ayant effectivement été versées aux États membres par la Commission européenne pour chacune de ces lignes). Cet écart a suscité un énorme déficit dans le budget de l'UE.

Au fil du précédent CFP (2007-2013) s’est accumulé un arriéré de factures impayées, qui est passé d'un niveau « normal » de 5 milliards d’euros à la fin 2010 à 11 milliards à fin 2011, à 16 milliards à la fin 2012, et à 23,4 milliards à la fin 2013. Cet arriéré a débordé sur le CFP actuel (2014-2020) et a atteint un niveau sans précédent, soit 24,7 milliards d’euros à la fin 2014.

La CES souligne les lourdes conséquences de cette crise des paiements, qui ont touché les bénéficiaires du budget de l'UE tels que les étudiants, les universités, les PME et les chercheurs, ainsi que les autorités locales et régionales. Il est fondamental d'agir pour prévenir une nouvelle crise des paiements à la fin de l'actuel CFP et de tout mettre en œuvre pour éviter l'accumulation d’un arriéré de factures impayées semblable à celui de la période précédente.

FINANCEMENT DU BUDGET DE L’UE

La CES considère que, si nous voulons être à la hauteur des ambitions fixées par la stratégie Europe 2020 et le Programme de Développement Durable pour 2030, ainsi que relever les nombreux autres défis récents posés par la crise économique persistante et la situation des réfugiés, l’Europe doit avoir la volonté politique d’augmenter le budget général et de réformer le système des ressources propres de l’UE.

La CES considère qu’il est nécessaire, par le biais du réexamen/la révision du CFP, de créer les conditions en vue d’un budget autonome de l’UE pour la prochaine période de programmation et, par conséquent, pour augmenter de manière significative le budget de l’UE et arriver à ce qu’il soit moins basé sur des contributions des Etats Membres mais davantage sur des ressources propres.

À la suite de la proposition formulée par le Parlement européen au cours des négociations, le Groupe de haut niveau sur les ressources propres a été constitué en février 2014 pour mener une réflexion afin de trouver des moyens de financement de l'UE plus transparents, simples, équitables et démocratiquement responsables. Le Groupe présentera ses recommandations finales en 2016, et la Commission examinera si de nouvelles initiatives législatives visant à modifier le système des ressources propres sont alors appropriées.

La CES soutient l’introduction progressive de nouvelles ressources spécifiques liées aux politiques, à discuter davantage en profondeur au sein du groupe de travail de la CES sur la fiscalité au cours du premier semestre 2017, à savoir :

  • la taxe sur les transactions financières (TTF) ;
  • l’impôt sur la fortune (revenus les plus élevés et grandes fortunes) ;
  • l’impôt sur le bénéfice des sociétés (non réinvesti) ;
  • la taxe européenne sur le CO2 et l’énergie (selon le principe du pollueur-payeur) pour les secteurs n’étant pas couverts par le système d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE);
  • l’émission d’euro-obligations.

 


[1] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2013:347:FULL&from=FR

[2] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-2999_fr.htm

[3] https://ec.europa.eu/info/funding-tenders/european-structural-and-investment-funds_fr

[4] https://www.etuc.org/sites/www.etuc.org/files/press-release/files/08.02.16_declaration_social_dialogue_to_commission_council.pdf

[5] https://www.eurofound.europa.eu/news/spotlight-on/overview-youth-issues-a-top-priority

[6] (http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_emp/documents/publication/wcms_223871.pdf

[7] https://www.imf.org/external/pubs/ft/sdn/2016/sdn1602.pdf

[8] https://ec.europa.eu/home-affairs/financing/fundings/migration-asylum-borders/asylum-migration-integration-fund/index_en.htm

[9] http://ec.europa.eu/clima/policies/international/negotiations/paris/index_fr.htm

[10] http://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/10030/lue-dvoile-un-plan-dinvestissement-extrieur-pour-stimuler-les-investissements-en-afrique-et-dans-les-pays-voisins-de-lue-_fr