Position de la CES sur la refonte de la directive sur le permis unique
Position adoptée lors du Comité exécutif de la CES des 6 et 7 décembre 2022
Le 27 avril 2022, la Commission européenne a présenté sa communication intitulée « Attirer des compétences et des talents dans l’UE », qui comprend des initiatives juridiques, opérationnelles et stratégiques dans le domaine de la migration de main-d’œuvre. S’agissant du vol et législatif, la Commission propose de réviser la directive « permis unique ».
Cette proposition a pour objectif de modifier la directive 2011/98/UE. Elle porte sur la procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre ainsi que sur le socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident « légalement » dans un État membre.
Dans sa résolution sur la mobilité et la migration équitable du travail, la CES voit dans la proposition de refonte de la directive « permis unique » de la Commission une occasion d’accroître la cohérence et la mobilité sur le marché du travail, et de s’attaquer à l’exploitation de la main-d’œuvre. Les syndicats sont confrontés quotidiennement à une dure réalité : les travailleurs migrants dans l’UE ne sont pas traités sur un pied d’égalité et ils sont victimes d’abus et d’exploitation de la main-d’œuvre, ce qui peut donner lieu à des situations extrêmes de travail forcé et de traite des êtres humains à des fins d’exploitation de la main-d’œuvre. Voilà pourquoi la refonte de la directive « permis unique » est une priorité absolue pour la CES.
La CES souhaitait, entre autres, que sa portée et son application soient élargies, notamment en étendant l’utilisation des demandes à partir du pays, en incluant d’autres catégories de travailleurs en situation précaire, et en clarifiant le maintien de la validité des permis en cas de perte d’emploi pour trouver un autre poste. Ces outils sont essentiels pour faciliter l’adéquation entre l’offre et la demande d’emplois et la mobilité de la main-d’œuvre, et pour lutter contre les abus potentiels découlant de la dépendance des travailleurs migrants à l’égard d’un employeur particulier.
La directive « permis unique » doit comprendre des dispositions visant à éviter la course au plus offrant et les montages transfrontaliers artificiels. Par ailleurs, les permis uniques doivent être délivrés par les États membres uniquement à des fins d’emploi habituellement accompli sur leur territoire. À cette fin, les États membres doivent adopter des mesures adéquates visant à protéger les travailleurs issus de pays tiers contre tout abus découlant de détachements frauduleux dans d’autres États membres. En ce qui concerne la procédure de demande unique et le contrôle des employeurs, il convient d’accorder une attention particulière aux dispositions du règlement (CE) nº 593/2008 du Parlement européen et du Conseil (« Rome I ») ou de la convention de Rome, pour que l’autorité compétente puisse vérifier que l’État membre concerné est effectivement le lieu de travail habituel. Afin de garantir la bonne application de cette directive, il convient que les États membres adoptent des mesures visant à faire échec aux infractions pouvant être commises par des employeurs quant au lieu de travail habituel de leurs travailleurs issus de pays tiers, mettant ainsi en application la directive prévoyant des sanctions à l’encontre des employeurs.
La CES salue le fait que la proposition impose aux États membres d’accepter les demandes de permis unique introduites dans l’État membre d’accueil ou à partir d’un État tiers. Cependant, à l’article 4, il est encore fait mention du statut « légal » du travailleur migrant, ce qui exclut les travailleurs migrants en situation irrégulière. Les demandeurs devraient toujours avoir le choix entre la fourniture de services à distance ou en face à face. Ils devraient également avoir la possibilité de soumettre les documents nécessaires à la procédure par voie électronique ou physique.
En ce qui concerne le droit d’accès à l’information (article 9), le fait que les États membres sont tenus de mettre à la disposition des travailleurs et des membres de leur famille, de manière « facilement » accessible, les informations relatives aux conditions d’entrée et de séjour, à leurs droits et obligations, et aux garanties procédurales, est positif. Afin de renforcer ce droit, des informations sur les organisations syndicales de travailleurs et les mécanismes de dépôt de plaintes devraient être fournies aux travailleurs migrants avant qu’ils ne quittent leur pays, dans une langue qu’ils comprendront. À leur arrivée dans le pays d’accueil, les travailleurs migrants devraient recevoir des informations sur ledit pays et sur les droits des travailleurs.
S’agissant de l’article 10 relatif aux droits à acquitter, la CES rappelle le principe de l’OIT, selon lequel aucune commission ne devrait être facturée aux travailleurs pour leur recrutement par des services publics ou privés d’emploi et de placement. Le cas échéant et conformément à la directive, les États membres peuvent exiger des demandeurs qu’ils acquittent des droits aux fins du traitement des demandes en vue de délivrer et de renouveler des permis uniques. Le montant de ces droits à acquitter doit être abordable, proportionné, et fondé sur les services effectivement fournis aux fins du traitement des demandes, de la délivrance des permis. et de leur renouvellement. Lorsque ces droits sont acquittés par les employeurs, ils ne doivent pas être facturés aux ressortissants de pays tiers.
La CES salue l’introduction de nouvelles dispositions (article 11), qui donnent le droit au travailleur de changer d’employeur pendant la période de validité du permis. Des garanties appropriées et suffisantes doivent être mises en place pour protéger les travailleurs migrants contre l’exploitation de la main-d’œuvre et les abus.
Des informations doivent être fournies de façon systématique et accessible aux titulaires d’un permis unique sur les points suivants : les droits (notamment, le droit de changer d’employeur), les procédures et les personnes auxquelles s’adresser pour obtenir des informations et des conseils en cas de conflits du travail (les syndicats, en particulier). Il serait important de préciser si les travailleurs auront la possibilité de changer plus d’une fois d’employeur au cours de la période de validité du permis et si les travailleurs qui opteront pour un nouvel employeur établi dans un autre État membre feront l’objet de contrôles.
Il importerait d’introduire l’obligation pour le nouvel employeur de communiquer, avant le début de la période du nouvel emploi, tout changement aux autorités compétentes (dans un État membre, si une autre autorité est concernée) et de transmettre à ces dernières au moins les informations suivantes : le nom et l’adresse de l’employeur, le lieu de travail habituel, le type de travail, l’horaire de travail et la rémunération.
Dans sa proposition, la Commission propose qu’un État membre puisse suspendre le changement d’emploi ou s’y opposer (dans un délai de 30 jours) et que l’État membre concerné contrôle la situation du marché du travail. La CES estime inutile de procéder à un examen du marché de l’emploi pour les travailleurs migrants qui sont déjà titulaires d’un permis unique. Il pourrait s’avérer pertinent d’introduire l’obligation pour les États membres de vérifier que les conditions d’emploi et de travail sont conformes aux normes applicables en matière de travail. Les droits du travailleur devraient être renforcés pendant la période au cours de laquelle l’État membre examine la demande de changement d’employeur.
En réalité, même si les permis permettent aux travailleurs de changer d’employeur, cela n’est pas toujours possible. S’ils ont été exploités et ont perdu leur emploi, ils perdent alors leur statut. En ce sens, la proposition interdit aux États membres de retirer le permis unique pendant une période maximale de trois mois en cas de perte d’emploi. La CES préconise l’adoption d’une période plus longue (neuf mois), pour donner au travailleur le temps de chercher un emploi, ce qui serait plus réaliste et plus conforme aux normes de l’UE en vigueur. Les questions liées à l’accès aux allocations de chômage, aux allocations de subsistance, et à l’accès au logement et au marché du travail durant cette période n’ont pas encore trouvé de réponse.
Il est essentiel que les travailleurs migrants bénéficient de l’égalité de traitement avec les ressortissants nationaux (au titre de l’article 12). La CES plaide en faveur d’une amélioration et préconise une harmonisation avec la directive sur les travailleurs saisonniers et la directive sur les conditions de travail transparentes et prévisibles en ce qui concerne les conditions d’emploi, les conditions de travail transparentes et prévisibles, l’horaire de travail, les congés payés et les jours fériés, ainsi que la santé, la sécurité et la formation sur le lieu de travail. La CES promeut l’ajout du droit de faire grève et de mener une action syndicale, y compris du droit de négocier et de conclure des conventions collectives. Les restrictions discriminatoires à la sécurité sociale, à l’accès aux biens, aux services et au logement devraient être supprimées. Il importe de préciser que le coût du logement ne devrait pas être déduit directement de la rémunération des travailleurs et que le contrat de location ne devrait pas être lié au contrat de travail pour éviter de créer des situations de dépendance par rapport aux employeurs. Des conditions de logement décentes doivent être garanties.
Enfin, les articles 13 et 14 ont tenu compte des revendications de la CES concernant la nécessité de renforcer les dispositions relatives à l’égalité de traitement et aux mécanismes effectifs de dépôt et de suivi des plaintes. L’article 13 porte sur le contrôle, l’évaluation des risques, les inspections et les sanctions, qui sont mises en œuvre conformément à la législation et aux pratiques nationales. Il importe d’introduire l’obligation pour les États membres de coopérer avec les partenaires sociaux concernant l’adoption de mesures visant à prévenir les éventuelles violations par les employeurs. Les sanctions doivent notamment inclure l’inscription dans un registre public des violations commises par les employeurs, des sanctions administratives et financières, telles que des amendes ou le versement d’une indemnité monétaire, et l’interdiction pour les employeurs concernés de participer aux procédures de passation des marchés publics. Les États membres doivent veiller à ce que les services chargés de l’inspection du travail, toute autre autorité compétente et, lorsque le droit national le prévoit pour les ressortissants nationaux, les organisations représentant les travailleurs, en particulier les syndicats, aient accès au lieu de travail et, avec l’accord des travailleurs, au logement de ces derniers.
Des dispositions relatives à la simplification du dépôt des plaintes (article 14), les mêmes que celles prévues dans la directive sur les travailleurs saisonniers, ont été ajoutées. Les travailleurs migrants peuvent porter plainte contre leur employeur directement ou par l’entremise de tiers, avec leur approbation, dans le cadre d’une procédure judiciaire et/ou administrative. Les États membres devraient veiller à ce que les travailleurs migrants puissent, à l’instar des ressortissants nationaux, bénéficier d’une protection contre le licenciement ou tout autre traitement défavorable de la part de l’employeur. Il est important d'appliquer la législation et les règlements des différents systèmes nationaux du travail, tels que les droits de négociation collective et les prérogatives syndicales. Aucune disposition ne précise que les données à caractère personnel sur les travailleurs collectées dans le cadre d’inspections du travail et par l’intermédiaire de mécanismes de plainte ne devraient pas être utilisées à des fins de contrôle de l’immigration. Il convient d’introduire des garanties pour les travailleurs migrants qui sont victimes d’exploitation de la main-d’œuvre et d’abus, afin qu’ils ne perdent pas leur permis de travail et de résidence. La CES plaide pour que, en pareils cas, un permis transitoire valable pour une durée de douze mois soit délivré (obligation pour les États membres d’octroyer ce permis).