Adoptée au Comité exécutif de la CES les 21 et 22 octobre 2014
Le 24 juillet 2014, le groupe de travail de haut niveau sur les charges administratives (GHN) a adopté son rapport final aux institutions et aux États membres de l’UE. Ce rapport portant sur la manière d’éliminer les lourdeurs administratives inclut des recommandations d’une portée considérable. La CES et des ONG ont rédigé un avis divergent (en annexe) exprimant leurs critiques à l’égard de plusieurs propositions, avis qui est joint au rapport final du GHN. La plupart des recommandations concernent une diminution de la règlementation en Europe et doivent être repoussées. Elles nuisent à la légitimité de régulation de l'État.
La CES a toujours soutenu l’importance de tenir compte de la façon dont règles et règlements peuvent être conçus au mieux en fonction de leurs objectifs sans aller à l’encontre de mesures visant à améliorer la qualité ou l’efficacité de la législation. La CES s’oppose toutefois à la description péjorative associant règlementation et charges. Le but de la réglementation est de créer un environnement qui profite à la société dans son ensemble. Quoique cela puisse engendrer une charge ou un inconvénient pour certaines parties prenantes (par exemple en entraînant des implications redistributives), il est faux de cataloguer la règlementation en général comme étant pesante ou coûteuse.
La CES rejette la proposition fixant des objectifs[1] précis en matière de réduction des « coûts et charges réglementaires » qui, dans sa forme extrême, revient à dire « un rentre, un autre sort ». Chaque acte législatif est unique et a un objectif précis et il ne peut être seulement réduit à un coût ou une charge. Quantifier la réglementation de cette manière n’a pas de sens et témoigne d’une approche purement idéologique de la réglementation selon laquelle moins il y en a, mieux cela vaut. Toute tentative de supprimer ce qui est considéré comme charges ou coûts réglementaires doit être soigneusement étudiée en fonction des avantages que présente la réglementation concernée.
La CES n’est pas d’accord avec la recommandation de lancer des consultations publiques sur les projets d’analyse d’impact pour toutes les propositions législatives. Les partenaires sociaux ont un rôle particulier à jouer en matière de politique sociale et ne peuvent être mis sur le même pied que les autres parties prenantes. De plus, une telle procédure retarderait le processus de prise de décision et le rendrait ingérable du fait que les parties prenantes auraient plus que probablement des avis contradictoires.
La CES rejette l’idée d’exclure les microentreprises et les PME de la réglementation européenne. Elles représentent la majorité des entreprises de l’UE. Cela reviendrait donc à ne soumettre qu’une petite minorité d’entreprises à la réglementation. Cette approche discriminatoire supprimerait l’égalité des conditions de concurrence entre entreprises. Plus important encore, elle affecterait les travailleurs qui tous ont droit à la même protection quelle que soit la taille de leur entreprise.
La CES est contre la recommandation de mettre davantage l’accent sur des alternatives à la réglementation. Cette recommandation illustre ce qui se cache vraiment derrière l’agenda Mieux légiférer, à savoir réduire la réglementation sans autre raison que celle de limiter le cadre réglementaire plutôt que de l’améliorer.
La CES ne soutient pas la mise en place d'un organe indépendant d’analyse d’impact pour étudier et « évaluer les données probantes et les coûts et avantages » de toutes les propositions législatives, y compris les amendements présentés par le Parlement européen et le Conseil. Au lieu de simplifier la procédure législative, cela l’alourdirait considérablement et retarderait l’adoption de la législation. En outre, les analyses d'impact réglementaire omettent souvent de tenir pleinement compte des conséquences sociales et environnementales liées aux mesures réglementaires. Elles ont tendance à se concentrer sur les coûts pour les PME en particulier.
La CES est opposée à la proposition de désigner un Médiateur européen indépendant pour les réclamations concernant les charges réglementaires. La Commission dispose de tous les outils nécessaires pour traiter les réclamations en matière de réglementation. Il est donc inutile de créer de nouvelles institutions ou de modifier les missions du Médiateur actuel. La CES estime que trop de ressources sont déjà mobilisées pour essayer d’identifier les charges réglementaires des entreprises, en particulier après les 7 ans d’existence du GHN et les diverses consultations (Top Ten) organisées par la Commission.
La CES rejette la notion de surrèglementation[2] et la proposition de rendre « la charge de la surrèglementation » plus transparente. Avoir au niveau national des normes plus exigeantes que les normes minimales acceptées au niveau européen ne relève pas d’une surrèglementation mais constitue un objectif légitime pour tout État membre qui recherche la prospérité pour son peuple.
La CES insiste pour que la question des avantages et des désavantages d’une législation ne puisse en aucun cas se limiter aux économies à court terme résultants d’une suppression ou d’une modification de cette législation. Les externalités sociales et écologiques d’une législation qui se manifestent pleinement à moyen et long termes, doivent être au centre d’une approche véritable qui vise à mieux légiférer.
[1] De tels objectifs limiteraient la portée de la réglementation européenne de façon arbitraire. Par exemple en sélectionnant le nombre de mesures qui pourraient être adoptées. Avec la règle de "une rentre, une autre sort", une nouvelle mesure législative, peu importe son importance, ne pourrait être introduite que si une autre est supprimée.
[2] Le fait de condamner les États membres pour avoir amélioré des dispositions minimales lors de la mise en œuvre de directives, sous prétexte qu'ils font de la "surrèglementation" nuit à la législation relative aux politiques sociales et à la santé et sécurité des travailleurs. De nombreuses lois européennes comprennent des normes minimales que les gouvernements adoptent comme base et personne ne devraient aller en deçà de ces normes. Les États membres doivent appliquer des normes supérieures lorsque cela est possible afin de réaliser des progrès sociaux en Europe.