Position sur la Communication de la Commission européenne "Repenser l'éducation - Investir dans les compétences pour de meilleurs résultats socioéconomiques"

Bruxelles, 05-06/03/2013

{{Contexte
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La Communication de la Commission européenne "Repenser l'éducation" a été publiée par la Commission européenne le 20 novembre 2012, conjointement avec sept documents de travail des services de la Commission:
http://ec.europa.eu/education/news/rethinking_en.htm.

La Communication sera intégrée dans les conclusions du Conseil, qui seront adoptées par le Conseil Education le 15 février 2013.

La Communication a pour but d'identifier et de recommander les priorités en matière d'éducation, afin de faire face aux défis actuels et futurs concernant le financement de l'éducation, les taux élevés du chômage des jeunes et les besoins en termes d'amélioration des aptitudes et des compétences sur le marché du travail. Les priorités sont conformes aux Recommandations nationales spécifiques de l'Examen annuel de la croissance 2012.

La Commission propose plusieurs initiatives permettant de relever les défis liés à l'éducation et à l'emploi:

- Attention accrue accordée au développement des compétences transversales, en particulier:

- Les compétences entrepreneuriales
- Les compétences liées aux sciences, à la technologie, à l'ingénierie et aux mathématiques (STEM)
- Les compétences linguistiques

- Amélioration des systèmes EFP avec la promotion de l'apprentissage par le travail, y compris les stages et les apprentissages de qualité afin de réduire les déficits de compétences.

- Evaluation plus solide de l'enseignement et des compétences obtenues à l'école et en dehors des écoles.

- Recours accru aux TIC dans l'apprentissage et l'enseignement.

- Attention accrue accordée au recrutement et au recyclage des professeurs et des formateurs dans l'EFP initiale et continue, en élaborant un cadre de compétences ou un profil professionnel pour les enseignants.
- Davantage d'investissements dans l'éducation et la formation à tous les niveaux d'éducation.

- Examen des possibilités de partage des coûts avec les entreprises, via les partenariats public-privé et les frais de scolarité.

Les documents de travail des services de la Commission sont les suivants:

Le Rapport de suivi de l'éducation et de la formation 2012, qui doit être une enquête annuelle de la Commission mettant l'accent sur les lacunes ou les réalisations des Etats membres dans le cadre de la poursuite des objectifs Europe 2020 pour l'éducation et la formation aux plans nationaux.

L'Analyse par pays, qui donne un aperçu des principaux défis en termes de mise à disposition de compétences dans les différents Etats membres de l'UE, en mettant l'accent sur les mesures prises au plan national afin de faire face à des défis particuliers.

Les Compétences linguistiques: un nouvel indice de référence est proposé concernant l'apprentissage des langues étrangères: d'ici 2020, au moins 50% des élèves âgés de 15 ans devraient connaître une première langue étrangère (jusqu'à 42% aujourd'hui) et au moins 75% devraient étudier une deuxième langue étrangère (61% aujourd'hui).

Les Partenariats et parcours flexibles: la Commission invite les Etats membres à sortir des sentiers battus en ce qui concerne le financement de l'éducation et à impliquer tous les types de partenaires dans l'approche politique sur l'éducation.

L'Evaluation des compétences essentielles: elle devrait être basée sur le Cadre de référence européen des compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie pour l'année 2006, en accordant une attention particulière au développement des compétences transversales et de base à tous les niveaux, et en privilégiant les compétences entrepreneuriales et les compétences liées aux TIC.

La Formation professionnelle et les compétences en matière de formation: la croissance économique pourrait être atteinte grâce à l'EFP, en mettant l'accent sur le développement des compétences pour les étudiants EFP et les enseignants et formateurs EFP. Des incitations sont proposées pour étendre le “système dual” aux pays de l'UE, et mettre en place des Conseils sectoriels européens pour les compétences et des Alliances sectorielles pour les compétences.

Soutenir la profession enseignante: 10 mesures clés sont proposées dans le document pour soutenir la profession enseignante concernant les compétences requises des enseignants; une recréation des systèmes de recrutement; davantage de soutien lors de leur phase d'induction; l'amélioration des possibilités de développement professionnel.

Le présent document expose la position de la CES concernant la Communication de la Commission, suite aux consultations avec les organisations membres de la CES, de décembre 2012 à février 2013.

{{Position de la CES
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La CES estime que la Communication de la Commission européenne "Repenser l'éducation" est essentielle pour améliorer l'apprentissage tout au long de la vie et la situation du marché du travail dans l'Union européenne durant la crise économique et financière.

La CES accueille avec satisfaction le fait que, dans la Communication, la Commission européenne tente de contribuer à atteindre des niveaux d'emploi plus élevés durant la crise économique et financière, en améliorant la qualité ainsi que l'accès à l'éducation. Les objectifs présentés par la Commission dans sa Communication, tels que la lutte contre le chômage élevé chez les jeunes, la résorption des pénuries de professeurs et de formateurs et la nécessité d'améliorer les niveaux de compétences dans l'avenir, restent à atteindre.

La CES souscrit en particulier à l'objectif visant à hausser les systèmes EFP à un niveau supérieur en étendant la fourniture de stages et d'apprentissages et en encourageant l'apprentissage par le travail, ce qui rendra le système EFP plus attrayant pour les jeunes – en particulier ceux qui pourraient quitter prématurément l'école et/ou être au chômage.

La CES note également avec satisfaction que la lutte contre les pénuries d'enseignants et de formateurs, la mise en place d'une éducation accessible et de haute qualité dès la petite enfance et l'amélioration des systèmes EFP, ainsi que le soutien des formateurs d'enseignants figurent parmi les objectifs de la Communication.

La CES regrette l'absence de consultation avec les partenaires sociaux sur le projet de texte de la Communication, ce qui démontre qu'il n'y a toujours pas de dialogue social efficace concernant l'éducation européenne et nationale et sur les questions de formation. En outre, à la fin du document, la Commission ne spécifie pas que les Etats membres devraient consulter les partenaires sociaux et les syndicats représentant la profession enseignante, quant aux priorités fixées par la communication[[ “Au plan national, les Etats membres sont à présent invités à poursuivre leurs réflexions sur ce document dans le cadre de débats avec leurs Parlements et les partenaires concernés, afin de poursuivre les réformes.” (Communication "Repenser l'éducation", p. 17)]]. Aux yeux de la CES, l'absence de dialogue social sur l'éducation aux plans européen et national est inacceptable, et nous incitons vivement la Commission à améliorer le rôle des partenaires sociaux dans le cadre de l'élaboration de sa politique.

La création de partenariats dans l'éducation serait une excellente approche pour résoudre les difficultés de l'éducation et de la formation, en particulier si elle impliquait les partenaires sociaux en tant qu'alliés. Les partenaires sociaux manifestent un grand intérêt pour l'éducation et la formation et ils ont un impact positif sur celles-ci ainsi que sur la politique d'éducation, et ils peuvent apporter une contribution essentielle à leur amélioration. Les syndicats exercent un large éventail d'activités en matière d'EFP, de reconnaissance des aptitudes et des compétences, d'inadéquations des compétences, et d'organisation et d'assurance de la qualité dans le cadre de l'apprentissage par le travail et sur le lieu de travail, grâce au dialogue social tripartite et bipartite, aux conseils sectoriels des compétences, ainsi qu'aux négociations collectives, à tous les niveaux.

La CES rappelle à la Commission européenne que le rôle de l'éducation ne se limite pas à la seule réalisation des objectifs économiques des stratégies européennes et nationales et que ce type de “réexamen” ou de redéfinition des objectifs de l'éducation est inacceptable. La CES souligne que l'éducation devrait préparer les gens à la vie et au marché du travail et elle devrait être indépendante d'objectifs économiques et idéologiques en évolution constante. La qualité et la quantité de l'éducation et de la formation doivent être maintenues en période de crise économique et financière et cette dernière ne doit pas avoir d'effet sur l'éducation au travers de coupes budgétaires. Nous aimerions souligner que la Commission européenne ne devrait pas modifier les objectifs de l'éducation et de la formation à long terme. En outre, la formation en situation de travail et sur le lieu de travail devrait fournir aux personnes des compétences particulières requises par le marché du travail à court terme.

La politique de l'UE dans le domaine de l'éducation devrait non seulement être axée sur l'employabilité, mais aussi mettre l'accent sur les possibilités offertes aux groupes vulnérables en termes d'éducation de qualité. Il convient dès lors d'examiner soigneusement les besoins des migrants, des groupes socialement défavorisés et des chômeurs, en répondant aux besoins spécifiques de ces groupes dans la réforme de l'éducation. La formation tout au long de la vie devrait contribuer à maintenir les gens au travail. En outre, il est essentiel d'investir et d'améliorer les compétences linguistiques pour augmenter l'employabilité grâce aussi à des parcours de mobilité volontaires.

La CES remet en cause le lien déterministe établi par la Commission entre l'éducation et la création d'emplois. L'éducation et le développement des aptitudes et des compétences sont des conditions nécessaires mais pas suffisantes pour créer de nouveaux emplois et une nouvelle croissance économique car ils ne serviraient que des objectifs à court terme sur le marché de l'emploi. La CES pense que l'Union européenne ne sera pas en mesure de créer davantage d'emplois ou de surmonter la crise économique et financière si elle se contente de redéfinir l'éducation ou de formuler davantage d'exigences en la matière.

La Commission européenne affirme que les “compétences déterminent la capacité de l'Europe à accroître sa productivité” et que “l'Europe ne retrouvera le chemin de la croissance que grâce à une meilleure productivité et à une main-d'œuvre hautement qualifiée, et la réforme des systèmes d'éducation et de formation est essentielle dans cette optique”. Bien que la CES reconnaisse que l'amélioration des aptitudes et des compétences puisse contribuer à stimuler le marché de l'emploi, elle n'est pas d'accord avec l'opinion selon laquelle il ne sera possible d'obtenir une meilleure productivité économique qu'en améliorant les compétences, comme l'indique la Commission européenne. La CES estime que cette politique n'est pas appropriée, car la seule amélioration des aptitudes et des compétences ne résoudra pas le problème du chômage, en particulier des femmes et des citoyens plus âgés, qui, quel que soit le niveau de leurs qualifications, restent les plus défavorisés sur le marché du travail.

Au lieu de créer de nouvelles priorités et de nouveaux outils dans le domaine de l'éducation, la CES demande à la Commission européenne de s'investir davantage dans la réalisation des stratégies UE 2020. Les objectifs seront difficiles à atteindre, en particulier en période de crise économique et financière: 75% des 20-64 ans doivent avoir un emploi, les taux de décrochage scolaire doivent être inférieurs à 10%, au moins 40% des 30-34 ans doivent avoir achevés un cycle d'enseignement supérieur, et le nombre de personnes menacées par la pauvreté ou l'exclusion sociale doit être réduit d'au moins 20 millions.

La CES réclame également une meilleure coordination entre les organismes éducatifs de l'UE et le développement de synergies entre les nombreux outils de l'UE et la nécessité d'en faire des instruments compréhensibles et pratiques à utiliser par les citoyens (Observatoire des postes vacants au sein de l’UE, Panorama européen des compétences; outils Europass; outils européens d'assurance de la qualité: CEC, CERAQ et ECVET; etc). Le travail du Comité consultatif pour l'EFP (ACVT) et les réunions des directions générales pour l'EFP (DGBT) devraient être rationalisés et l'ACVT devrait conseiller la Commission européenne en matière de planification des politiques. Les discussions et résultats des comités du dialogue social et groupes de travail sur les questions d'éducation et de formation de la Commission européenne devraient être pris en considération lors des événements de niveau européen et des prises de décision.

Selon nous, une politique européenne plus active doit être mise en œuvre afin d'atteindre les objectifs fixés en matière de mobilité transfrontalière des étudiants et des travailleurs et de transférabilité des qualifications, que l'UE a elle-même fixés à un certain nombre d'occasions. C'est la raison pour laquelle il est essentiel que les initiatives de réforme actuelles visant à aboutir à une plus grande mobilité, telles que le programme Erasmus pour tous, déploient tout leur potentiel en lien étroit avec les stratégies européennes plus vastes en matière d'apprentissage tout au long de la vie, et que l'on en fasse une priorité politique et financière pour l'action de l'UE.

Bien que la Commission européenne ait fixé des priorités dans le domaine de l'éducation, conformément aux Recommandations spécifiques par pays de l'Examen annuel de la croissance 2012, nous ne voyons aucune référence au Paquet Emploi - la Communication de la Commission européenne intitulée "Vers une reprise d'emplois" (avril 2012) -, qui souligne le rôle des partenaires sociaux, en particulier dans les secteurs de l'éducation et de la formation.

Le maintien et l'amélioration de la qualité de l'éducation et l'amélioration de l'apprentissage tout au long de la vie requièrent un financement public durable. Par conséquent, les Etats membres devraient s'abstenir de procéder à des réductions des dépenses publiques, qui affectent la fourniture d'une éducation et d'une formation de haute qualité. En conséquence, la CES soutient la vision de la Commission européenne quant à la nécessité de continuer à investir dans l'éducation et la formation afin d'avoir un impact positif durable sur l'emploi et sur le marché du travail grâce à l'éducation. La CES note avec satisfaction que la Communication reconnaît que la plupart des Etats membres ont opéré des restrictions budgétaires dans l'éducation et que la Commission encourage les Etats membres à maintenir les investissements dans l'éducation en dépit de la crise. Les parts du budget européen, notamment les fonds structurels, qui sont allouées à l'éducation et au soutien à la formation, devraient être augmentées et renforcées.

La CES rejette l'argumentation de la Commission concernant le partage des coûts en tant que mode de financement de l'éducation. La Communication suggère que les Etats membres impliquent davantage les entreprises dans le financement de l'éducation, en particulier dans l'EFP et l'enseignement supérieur. Bien que la CES soit favorable à la prestation de stages et d'apprentissages dans les entreprises pour les étudiants, et à l'apprentissage tout au long de la vie pour les travailleurs, ainsi qu'à l'apprentissage par le travail, elle s'oppose à toute forme de privatisation du système EFP initial. Il faut conserver les financements publics en faveur de l'éducation et la Commission européenne devrait proposer aux Etats membres de faire un meilleur usage des Fonds structurels européens et de renforcer la participation des partenaires sociaux à l'éducation et à la formation.

La Communication continue de prôner un recours accru aux frais de scolarité pour les étudiants de l'enseignement supérieur. La CES s'oppose à cette politique, car l'enseignement supérieur n'est pas un produit négociable. La qualité, l'équité et l'amélioration de l'accès à l'enseignement supérieur devraient être au centre de la politique européenne en matière d'enseignement supérieur plutôt que la privatisation et la marchandisation qui contribuent à l'augmentation des inégalités sociales. En outre, nous estimons que la recherche de haute qualité devrait être maintenue aux moyens de financements publics élevés afin de répondre aux objectifs d'éducation et de formation.

La CES estime que les enseignants ont un rôle essentiel à jouer dans la croissance économique par l'amélioration de la réussite scolaire. C'est la raison pour laquelle, la CES note avec satisfaction l'initiative de la Commission visant à rendre la profession d'enseignant plus attractive. Cependant, la Commission européenne devrait expliquer clairement aux Etats membres que les conditions de travail des enseignants et des formateurs devraient être sensiblement améliorées et leur recommander une telle amélioration. Les coupes des gouvernements dans les budgets de l'éducation et les coupes des entreprises dans les budgets de formation devraient s'interrompre afin de maintenir et d'améliorer la qualité de l'apprentissage et de la formation. Un des moyens les plus essentiels pour maintenir la qualité de l'apprentissage est d'assurer des salaires appropriés et la qualité de la formation initiale et de perfectionnement professionnel. La CES estime également que le fait de "Repenser l'éducation" n'encourage pas un financement public accru en vue de l'amélioration du recrutement, de la sélection, de l'induction et du développement professionnel du personnel enseignant. La Commission européenne entend plutôt atteindre ces objectifs grâce à des “systèmes cohérents et suffisamment financés”. Les systèmes doivent être durablement financés par des fonds publics.

La CES ne décèle aucune mesure concrète dans la Communication de la Commission en faveur de l'établissement ou de la prise en compte de partenariats avec les partenaires sociaux. Les partenariats avec les parents, les étudiants et d'autres groupes de la société, dont l'objectif est de protéger et de développer l'éducation, sont également essentiels.

Enfin, la Commission devrait limiter les références aux données de l'OCDE dans la Communication et ne pas développer sa politique de l'éducation sur la seule base de telles données, car l'OCDE ne représente que 23 pays sur les 27 Etats membres de l'UE. Les pays qui ne sont pas repris dans les études de l'OCDE sont aussi ceux qui ont le plus de mal à offrir des conditions appropriées en matière d'enseignement et d'éducation de qualité.