Réponse de la CES à la 1re phase de la consultation des partenaires sociaux concernant une éventuelle révision de la directive sur les comités d’entreprise européens (2009/38/CE)
Adoptée par procédure écrite le 22 mai 2023
La Confédération européenne des syndicats (CES) salue l’intention de la Commission européenne de remédier aux lacunes de la directive sur les comités d’entreprise européens (directive 2009/38/CE) par le biais d’une initiative juridiquement contraignante.
Avant de soumettre des propositions dans le domaine de la politique sociale, la Commission doit consulter les partenaires sociaux sur la nécessité et l'orientation possible de l'action de l'Union (article 154(2) TFUE).
La Commission européenne a invité les partenaires sociaux à répondre aux questions suivantes concernant ses documents de consultation datés du 11 avril 2023 :
- Estimez-vous que les problèmes et les potentiels domaines d'action supplémentaire de l'UE sont correctement identifiés dans ce document ?
- Considérez-vous qu'une action de l'UE est nécessaire pour résoudre les problèmes identifiés ? Si oui, quelles devraient être la direction et la portée de cette action ?
- Envisageriez-vous d’entamer un dialogue en vertu de l’article 155 du TFUE sur l’un des problèmes identifiés dans la présente consultation ?
La CES est donc heureuse d’apporter sa contribution à cette première phase de consultation.
Avant de répondre aux questions, la CES tient à rappeler que la démocratie au travail est un élément essentiel du modèle social européen avec son économie sociale de marché. Le dialogue social est un élément clé du modèle social européen et des partenaires sociaux forts sont essentiels au bon fonctionnement des marchés du travail. L'information et la consultation des travailleurs, de leurs représentants et des syndicats constituent le socle minimum indispensable de la démocratie sur le lieu de travail. La CES tient à rappeler que l'Union et les États membres, compte tenu des droits sociaux fondamentaux tels que ceux énoncés dans la Charte sociale européenne du Conseil de l'Europe et la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989, ont pour objectifs, entre autres, la promotion du dialogue social (article 151 du TFUE), et que pour atteindre ces objectifs, l'Union soutient et complète les activités des États membres, y compris dans le domaine de l'information et de la consultation (article 153(1) du TFUE). En outre, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE), le souligne très clairement dans son article 27 qui stipule que « les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile ». La CES s’étonne donc que la Commission européenne ne fasse pas référence à la CDFUE dans son document de consultation. Elle ne cite que le principe 8 du Socle européen des droits sociaux, qui n’a pas de statut juridiquement contraignant, contrairement à la CDFUE. La CDFUE a le même statut juridique que le Traité de l’UE et est juridiquement contraignante pour les institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité et pour les États membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union.
Dans la première directive sur les comités d’entreprise européens (directive 94/45/CE), le législateur européen avait déjà indiqué dans les considérants que le fonctionnement du marché intérieur implique un processus de concentration d’entreprises, de fusions transfrontalières, d’acquisition, d’entreprises communes et, par conséquent, une transnationalisation d’entreprises. Cependant, cette européanisation politique des entreprises et des groupes d'entreprises peut affecter les droits à l’information et à la consultation purement définis au niveau national. En résumé, les entreprises européennes ont besoin d’organismes d’information et de consultation européens et transnationaux. La CES souligne que les CEE sont des organes d'information et de consultation transnationaux clés et qu'ils représentent un élément clé du droit de l'UE en ce qui concerne l'exercice efficace de la démocratie au travail. Pour renforcer le modèle social européen et la démocratie au travail, les institutions de l’UE doivent donc créer les conditions juridiques afin de faire respecter et de renforcer les droits des comités d’entreprise européens.
Dans ce contexte, la CES se félicite du rapport d’initiative législative du Parlement européen sur la révision de la directive sur les comités d’entreprise européens (2019/2183 (INL)), adopté à la majorité qualifiée par le Parlement européen le 2 février 2023. Comme mentionné ci-dessus, la CES salue également l’intention de la Commission européenne de prendre des mesures juridiques pour améliorer la directive CEE. Toutefois, la CES est surprise par la formulation de la page 10 du document de consultation. La Commission européenne a l'intention d'évaluer les propositions du Parlement européen en vue d'assurer la sécurité juridique des travailleurs et des employeurs et de sauvegarder et de promouvoir l'emploi et l'activité industrielle dans l'Union. La CES souligne qu’un renforcement de la démocratie au travail et que les droits associés à l'information, à la consultation et à la participation ne constituent en aucun cas un obstacle, et qu'ils n'ont pas non plus de répercussions négatives sur la promotion de l'emploi ou de l'activité industrielle. En effet, il existe des preuves scientifiques substantielles prouvant le contraire. L’implication des travailleurs et des syndicats soutient la résilience des entreprises et contribue de manière substantielle à leur réussite à long terme. Néanmoins, une question de droits fondamentaux ne doit jamais être considérée en termes purement économiques, ce qui met en péril les droits fondamentaux et, à terme, la démocratie au travail elle-même.
Concernant la question 1 : Estimez-vous que les problèmes et les potentiels domaines d'action supplémentaire de l'UE sont correctement identifiés dans ce document ?
La CES tient à souligner que les rapports du Parlement européen cités dans le document de consultation de la Commission européenne, en particulier le rapport d’initiative législative sur la révision de la directive sur les comités d’entreprise européens (2019/2183 (INL)), identifient les principales questions et les domaines possibles pour une action supplémentaire de l’UE. La CES estime que le Parlement européen a trouvé le bon équilibre dans sa sélection de questions et que sa proposition se concentre d’une part sur une meilleure définition des droits garantis dans la directive de 2009 et d’autre part sur leur applicabilité effective. Malheureusement, le document de consultation de la Commission européenne ne reprend pas tous ces points importants.
Dans la pratique, l’application des droits à l’information et à la consultation des travailleurs au sein des CEE est souvent inadéquate, trop tardive et dépourvue de sens. La CES demande l’application effective des droits des CEE et considère que les questions relatives à l’application correcte et à l’accès à la justice sont des questions très importantes.
La Commission souligne à juste titre que les sanctions doivent être efficaces et dissuasives. La résolution du Parlement européen a été approuvée et a appelé les CEE à bénéficier du « droit de demander une injonction préliminaire devant les tribunaux nationaux ou d’autres autorités compétentes pour une suspension temporaire de la mise en œuvre des décisions de gestion jusqu’à ce que la procédure d’information et de consultation du CEE ait eu lieu au niveau pertinent de direction et de représentation et de manière à permettre une réponse motivée de la direction conformément à cette directive ». La CES soutient l'appel au droit à une suspension temporaire des décisions de l'entreprise en cas de violation des procédures d'information et de consultation, voire à l'annulation des décisions de l'entreprise en cas de violations récurrentes, avec une prérogative syndicale nationale. L'expérience dans les États membres qui ont mis en place un tel système montre clairement que l'effet dissuasif à lui seul suffit à faire respecter les règles par les entreprises. Un tel système exige la mise en place d'une structure administrative ou judiciaire permettant de prendre des décisions rapides 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en quelques heures. La CES appelle la Commission à intégrer un tel système dans sa prochaine proposition.
En outre, la question des pénalités financières se pose. Le rapport d’évaluation 2018 de la Commission a déjà montré que, dans la plupart des États membres, les entreprises multinationales encourent des amendes maximales de quelques milliers d’euros. En Allemagne, l’État membre qui compte le plus de CEE, l’amende maximale est de 15 000 EUR. Loin d’être efficaces et dissuasives, ces faibles sanctions pourraient même être perçues comme une invitation à mépriser les droits des CEE. La CES soutient la position du Parlement européen visant à garantir des sanctions en rapport avec le chiffre d'affaires d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises. S’inspirant du RGPD, le Parlement européen réclame des sanctions allant jusqu’à 2 % du chiffre d'affaires mondial. La CES considère en effet ces sanctions comme dissuasives.
Toutefois, les meilleures sanctions sont inefficaces si le chemin du demandeur vers les tribunaux n'est pas possible ou est rendu difficile. La Commission a déjà noté dans son rapport d’évaluation de 2018 les faiblesses globales des moyens mis en place pour permettre aux CEE de faire valoir leurs droits. La CES regrette que la Commission ait décidé à ce moment-là de ne pas agir, en dépit des preuves claires apportées à la Commission entre autres par la CES. Dans le document de consultation de la Commission, la CES s’interroge sur le fait que le niveau de litige a été faible (p.8), sans mentionner les nombreux obstacles auxquels les CEE doivent faire face pour accéder à la justice. S’appuyant sur des preuves scientifiques faisant autorité, la CES a déjà démontré que le faible niveau de litiges est dû aux multiples obstacles mis sur le chemin des CEE, qui ont de facto conduit à l’absence d’accès effectif à la justice pour les CEE. La CES et ses affiliés ont à plusieurs reprises porté à la connaissance de la Commission des cas flagrants de violation des droits des CEE depuis l’entrée en vigueur de la refonte de la directive (par exemple chez Caterpillar, ArcelorMittal, Nokia, Legrand, Whirlpool, GKN, Honda, Nissan, etc.). Si ces affaires ne se sont pas traduites en procédures judiciaires, c'est précisément en raison du défi qu'il reste trop souvent à relever pour porter une affaire devant un tribunal. Pour ces raisons, la CES considère qu’il convient de prendre des mesures pour remédier au manque d’accès effectif des CEE à la justice, et elle rappelle que le Parlement européen demande à juste titre à la Commission en tant que gardienne des traités de garantir un accès effectif à la justice pour les CEE. Cela comprend, entre autres, la reconnaissance de la personnalité juridique des CEE, la nécessité pour la direction centrale de fournir le soutien financier nécessaire aux procédures judiciaires.
La Commission identifie correctement la définition de « consultation » comme une autre question à traiter. La CES soutient le point de vue du Parlement européen, qui note : « la consultation en temps utile reste un problème lorsque l’avis des représentants des employés peut être demandé ou rendu à un moment où aucune considération significative ne peut être prise ou lorsque la décision de la direction concernant la mesure proposée a déjà été prise. » Cette observation est étayée par des recherches scientifiques menées par l’ETUI et par des plaintes déposées par les CEE auprès de la CES et des FSE.
La CES souligne que l’information et la consultation doivent faire partie intégrante du processus décisionnel de l’entreprise à tous les niveaux : local, national et transnational. Avant que la direction prenne une décision définitive, la procédure transnationale d’information et de consultation doit avoir été correctement et complètement menée. Ainsi, une consultation significative doit être effectuée en temps opportun, afin que le CEE puisse disposer de suffisamment de temps pour procéder à une évaluation approfondie des informations fournies, y compris, le cas échéant, avec le soutien d’experts, et puisse consulter les représentants nationaux et régionaux des travailleurs afin d’obtenir un avis éclairé. Un temps et des ressources suffisants sont également nécessaires pour préparer l’avis du CEE en fonction des effets potentiels de la mesure envisagée. L’avis sera pris en compte par la direction et le CEE recevra une réponse motivée avant que la décision finale ne soit prise. Les dispositions actuelles de la directive ne garantissent pas une clarté juridique suffisante sur ces étapes essentielles et doivent être renforcées afin de refléter ce principe. La CES souligne que la proposition du Parlement européen de modifier l’article 2 de la directive 2009/38/CE est un moyen viable de renforcer la procédure de consultation.
La notion de « caractère transnational d’une question » doit être clarifiée. La directive actuelle fournit déjà une définition complète dans les considérants 12 et 16 : « Des dispositions appropriées doivent être adoptées pour garantir que les salariés… soient dûment informés et consultés lorsque les décisions qui les concernent sont prises dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont employés. » (Considérant 12 de la directive 2009/38/CE) et « Il convient que le caractère transnational d’une question soit déterminé en prenant en compte tant l’étendue des effets potentiels de celle-ci que le niveau de direction et de représentation qu’elle implique. À cette fin, sont considérées comme transnationales les questions qui concernent l’ensemble de l’entreprise ou du groupe ou au moins deux États membres. Ceci inclut des questions qui, indépendamment du nombre d’États membres concernés, revêtent de l’importance pour les travailleurs européens, s’agissant de l’ampleur de leur impact potentiel, ou qui impliquent des transferts d’activité entre États membres.» (Considérant 16 de la Directive 2009/38/CE).
Cependant, tous les États membres n'ont pas transposé les considérants dans le droit national et contrairement à ce qui est décrit dans le document de consultation de la Commission (p.11), les considérants ne sont pas lus avec l'article 1(3) et (4). La pratique montre qu'il existe souvent des désaccords avec la direction centrale sur la manière de définir le caractère transnational. La CES propose donc, conformément à la proposition du Parlement européen, de consolider et d’intégrer les dispositions des considérants dans le corps principal de la directive. Cela assurerait une clarté juridique dans l'intérêt de la direction et de la main d'œuvre. Les CEE doivent se voir conférer un droit exécutoire plein et entier à être informés et consultés sur les questions transnationales tout au long du processus de décision, et la sécurité juridique doit être garantie.
La CES met un point d’honneur sur l’importance de garantir l'accès à une expertise reconnue en matière d'organisation syndicale, non seulement pour le GSN, mais aussi pour le CEE dans son travail quotidien. S’appuyant sur les connaissances les plus précises de la branche, du secteur et des questions transnationales, ainsi que sur une compréhension approfondie du fonctionnement d’un CEE, l’assistance syndicale européenne et nationale fournit une expertise précieuse et précise, y compris des conseils juridiques, le cas échéant. Même si la directive actuelle prévoit la possibilité pour les CEE de faire appel à des experts, et fait explicitement référence aux représentants syndicaux comme experts possibles pour le GSN, la plupart des États membres limitent cette possibilité à un seul expert, conformément aux exigences subsidiaires. En pratique, cela signifie très souvent que les représentants syndicaux sont simplement exclus de toute participation à une réunion du GSN ou du CEE.
La CES regrette que le document de consultation de la Commission n’analyse pas en détail la position des représentants syndicaux et ne traite de ces derniers que dans le cadre d’autres questions. La question du rôle clé des représentants syndicaux n’est pas traitée avec suffisamment d’attention. Le rôle du représentant à l'article 5.4 doit être repris dans les exigences subsidiaires. Un droit de participation des experts syndicaux à toutes les réunions du GSN, des CEE et des comités restreints ainsi qu'un accès à l'ensemble des sites est une condition préalable afin de mieux soutenir et coordonner les actions menées par les CEE. Toutefois, outre les représentants syndicaux, les CEE peuvent consulter d’autres experts sur des questions spécifiques. En outre, les tentatives de la direction centrale d’exclure les représentants syndicaux des réunions officielles du CEE entre la direction et le CEE devraient être interdites. La CES préconise donc une clarification dans la directive CEE afin de s'assurer que d'autres experts, outre le représentant syndical, puissent être convoqués par le GSN et le CEE et assister aux réunions, si les représentants des travailleurs le souhaitent. La CES soutient à cet égard les modifications proposées par le Parlement européen concernant la directive.
La prévention de la violation des clauses de confidentialité est, à juste titre, identifiée par la Commission comme un enjeu majeur d’action possible. Les preuves montrent que la clause de confidentialité est souvent utilisée de manière abusive pour des questions objectivement non confidentielles et empêche les CEE de travailler efficacement, en particulier dans la communication avec les représentants des travailleurs et/ou des travailleurs européens et nationaux. La CES identifie clairement la nécessité de définir avec des critères objectifs plus précisément à quel titre, dans quelles circonstances et pendant combien de temps une entreprise peut retenir des informations, et pour quels motifs le droit des membres du CEE à partager des informations avec des acteurs (notamment les représentants des employés) peut être limité. Bien que la directive actuelle prévoie à l'article 11(3) l'obligation pour les États membres de prévoir une procédure de recours judiciaire ou administratif pour contester la tentative de la direction centrale de classer une affaire comme confidentielle, cette procédure n'est toutefois pas appropriée. Conformément aux remarques de la CES sur la suspension temporaire des décisions de la direction, la procédure en place doit être accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et doit permettre de statuer sur la question dans les 48 heures. En outre, il est important qu’un CEE renforcé permette le partage nécessaire d’informations entre les représentants des travailleurs du CEE et les représentants syndicaux nationaux ou locaux, et pas seulement les comités d’entreprise.
La Commission ne réfléchit pas à la nécessité de garantir une coordination plus efficace aux niveaux local, national et européen. Comme mentionné ci-dessus, les droits à l'information et à la consultation doivent garantir aux CEE la possibilité d'émettre un avis avant la fin de la consultation aux niveaux concernés. Les CEE doivent être en mesure de communiquer avec les représentants des travailleurs à l'échelle nationale lorsque cela s'avère nécessaire, notamment avant et après les réunions des CEE et de SE. Les ressources et droits nécessaires, tels que l'accès aux différents sites et les congés supplémentaires, doivent être garantis.
Plus de 25 ans ont passé et rien ne justifie désormais l'exemption des accords volontaires (dits aussi accords « pré-directive » ou « article 13 ») déjà en vigueur. La CES appelle à mettre fin à la politique des deux poids, deux mesures, en intégrant ces accords dans le champ d'application de la directive. Pour garantir une situation équitable et veiller à la clarté juridique, les dispositions prévues dans la directive doivent s'appliquer à tous les accords. L’approche du Parlement européen pour suivre cet appel en incluant automatiquement et sans nécessité de renégociation tous les accords dans le champ d’application de la directive révisée est prometteuse et a reçu le soutien de la CES. La « clause de disposition la plus favorable » proposée garantirait que les dispositions plus favorables pour les CEE ne soient pas affectées.
La procédure de mise en place d’un CEE doit être améliorée et clarifiée. Après réception par la direction centrale de la demande de création d’un CEE, il n’est pas rare que la direction centrale retarde la mise en place du GSN et ne commence à négocier que peu de temps avant la fin de l’obligation de trois ans. Pour éviter cette tactique commune de report, la CES demande un nouveau délai de 6 mois pour la constitution et l’organisation d’une première réunion du GSN. Si ce délai n’est pas respecté, les exigences de subsidiarité devraient s’appliquer automatiquement. Contrairement au Parlement européen, la CES ne voit pas la nécessité de raccourcir le délai de trois ans pour les négociations. Il faut tenir compte du fait que, du côté des travailleurs, une entente doit être établie entre les représentants des travailleurs de différents États membres ayant des systèmes de relations industrielles très différents. Par conséquent, une bonne coordination, une formation et un accord sur les demandes communes prennent du temps.
La CES voit la nécessité de renforcer les exigences de subsidiarité, notamment pour prévoir au moins deux réunions annuelles en présentiel du CEE. D'autres réunions pourront être organisées si nécessaire.
Dans son document de consultation, la Commission européenne n’aborde pas la question de la précision de la définition d’« entreprise de contrôle » afin de clarifier l’inclusion dans le champ d’application de la directive des entreprises opérant par le biais de la gestion des contrats, des systèmes de franchise et des coentreprises 50:50. La CES souligne la nécessité d'une définition complète afin de garantir que les entreprises multinationales ayant des structures commerciales complexes soient clairement incluses dans le champ d'application de la directive. Des critères objectifs visant à déterminer l'emplacement du « représentant » et de la « direction centrale » doivent être fixés afin d'éviter un tourisme financier ou l'utilisation de sociétés dites « boîtes aux lettres ».
Le document de consultation de la Commission européenne manque une occasion de faire le lien entre la diligence raisonnable et les CEE. La CES croit fermement qu’il est nécessaire d’impliquer des représentants des travailleurs et des syndicats pour que l'entreprise mettent en place un processus de diligence raisonnable solide et efficace. Les CEE doivent donc être pleinement impliqués dans toutes les étapes des plans et politiques de diligence raisonnable des entreprises. Cela comprend l'implication dans la cartographie des risques potentiels pour les droits humains et l'environnement dans l'ensemble des opérations de l'entreprise ainsi que ses chaînes d'approvisionnement et de sous-traitance.
Question 2 : Considérez-vous qu'une action de l'UE est nécessaire pour résoudre les problèmes identifiés ? Si oui, quelles devraient être la direction et la portée de cette action ?
Après plus d’une décennie de travail sur la refonte de la directive CEE, l’élaboration de lignes directrices, la formation et la sensibilisation, la CES et ses affiliés ont conclu que des mesures supplémentaires étaient nécessaires pour remédier aux lacunes de la directive CEE actuelle et ont envisagé différentes options. Après des discussions approfondies, il est apparu clairement que seule une action législative au niveau de l’UE pouvait être pertinente. La CES reconnaît que la Commission européenne a essayé de fournir certaines formes de soutien par le biais de lignes budgétaires de l’UE consacrées aux projets du CEE ou au dialogue avec les États membres. La CES souligne toutefois que la ligne budgétaire de l’UE pour les projets du CEE a été considérablement réduite en 2023 et qu’une seule réunion du groupe d’experts des États membres de la Commission a été organisée pour aborder les questions relatives à la directive CEE. La CES soutient donc l’appel du Parlement européen à remédier aux lacunes de la directive CEE par le biais d’une initiative juridiquement contraignante.
Dans son document de consultation, la Commission de l’UE souligne que les CEE sont répartis de manière inégale entre les États membres et que 10 États membres n’ont aucun CEE. La CES ne soutient pas ce point de vue très limité. S’il est vrai que l’Allemagne et la France ont de loin le plus grand nombre de CEE, cela ne tient pas compte du fait qu’il y a des membres dans les CEE de tous les États membres et même de pays hors UE, en particulier du Royaume-Uni et de la Suisse. Plus important encore, les travailleurs de tous les États membres sont concernés. Une mauvaise mise en œuvre des dispositions de la directive dans un État membre limite donc les droits à l’information et à la consultation dans d’autres États membres – une situation à laquelle nous sommes actuellement confrontés dans le contexte d’une mauvaise transposition de la directive CEE en Irlande, par exemple. De telles situations incitent les entreprises à pratiquer le forum shopping, ce qui entraîne un manque d’exercice effectif des droits du CEE. Une telle situation nécessite l’intervention du législateur européen afin de garantir que tous les travailleurs de l’UE bénéficient de dispositions claires, quel que soit l’État membre dans lequel l’entreprise a sa direction centrale.
Les CEE se concentrent exclusivement sur les questions transnationales dans les entreprises et n’existent que dans les entreprises multinationales. Le considérant 45 de la directive stipule que « l’amélioration du droit à l’information et à la consultation dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire ne peut être suffisamment réalisée par les États membres et peut donc être mieux réalisée au niveau communautaire ». En d'autres termes : le processus d'information et de consultation au niveau transnational ne peut être réglementé que par un acte juridique de l'UE et ensuite transposé en droit national. Les exigences minimales de l'UE dans ce domaine devraient garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises et le même niveau minimum de protection des travailleurs dans tous les États membres, tout en respectant et en tenant dûment compte des différents systèmes de marché du travail lors de la mise en œuvre de la directive.
La CES et ses affiliés ont souligné la nécessité d'améliorer la directive CEE, sur la base d'un large éventail de preuves scientifiques et pratiques. Cette position a été continuellement présentée à la Commission européenne. En outre, contrairement à ce qui est présenté dans le document de consultation de la Commission, la CES a connaissance d'au moins trois procédures de plaintes officielles liées à une législation nationale inadéquate en matière de CEE et au manque de possibilités d'appliquer correctement les droits des CEE en Finlande (affaire Nokia), en Irlande (affaire Kingspan) et en Espagne (affaire IAG). Jusqu'à présent, la Commission n'a fait que suivre l'affaire irlandaise et a envoyé une lettre motivée au gouvernement irlandais comme première étape de la procédure d'infraction. Des discussions confidentielles entre le gouvernement irlandais et la Commission sont en cours depuis un an, sans résultat à ce jour. La CES et ses affiliés sont très préoccupés par la lenteur du développement et le manque de transparence, en particulier vis-à-vis des parties directement concernées et des membres démocratiquement élus des parlements irlandais et européen. Les résultats insatisfaisants soulignent la nécessité d'une action en justice au niveau européen.
La CES a réitéré à plusieurs reprises la nécessité d’une initiative juridiquement contraignante de l’UE et insiste particulièrement sur le fait qu’une campagne de sensibilisation, un manuel, un code de bonnes pratiques ou tout autre document d’orientation interprétatif non juridiquement contraignant n’aidera pas à résoudre les problèmes identifiés concernant le fonctionnement et l’application de la directive CEE. Bien que la nécessité d'agir soit clairement identifiée, la CES est convaincue que toute initiative de l'UE devrait être un acte juridiquement contraignant pour l'UE, éventuellement une refonte ou une directive d'application, pour autant qu'elle aborde correctement les questions identifiées ci-dessus dans la première question.
Question 3 : Envisageriez-vous d’entamer un dialogue en vertu de l’article 155 du TFUE sur l’un des problèmes identifiés dans la présente consultation ?
Réaffirmant son engagement total en faveur du dialogue social et de l’article 155 du TFUE, la CES est en principe ouverte à l’ouverture de négociations avec les employeurs. La CES estime que le cadre juridique actuel fourni par la refonte de la directive CEE n’est pas adapté et doit être adapté par le biais d’une initiative juridiquement contraignante de l’UE. La CES souligne que, si des négociations ont lieu, elles doivent être liées par la condition que les deux partenaires sociaux acceptent de négocier de manière significative un instrument juridiquement contraignant sur les questions identifiées dans cette réponse à la Commission.