Adoptée lors de la réunion du Comité exécutif des 24-25 juin 2024
Introduction
La prévention et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail sont des priorités essentielles de la CES. La directive récemment adoptée pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ne prévoit pas de dispositions significatives pour rendre le monde du travail plus sûr pour les travailleuses. Elle ne reconnaît pas non plus notre rôle en tant que syndicats pour mettre fin aux violences sexistes et sexuelles.
Conformément au programme d’action de la CES, le Comité des femmes de la CES propose une série d’actions menées par les syndicats pour combler les lacunes laissées par la directive récemment adoptée. L’objectif est de s’attaquer aux violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail, y compris la violence économique.
La CES a fait valoir que le monde du travail est lié à toutes les formes de violences sexistes et sexuelles, notamment le harcèlement sexuel, la violence domestique, la violence exercée par des tiers et la cyberviolence. Les violences sexistes et sexuelles, y compris la violence économique, sont enracinées dans des déséquilibres de pouvoir entre les hommes et les femmes, qui se traduisent souvent par un préjudice économique, dénominateur commun de toutes les formes de violences sexistes et sexuelles. Les victimes et les survivantes sont exposées à une perte de stabilité économique et d’indépendance. La violence économique est elle-même une forme de violence sexiste, qui s’ajoute à la sous-évaluation du travail principalement effectué par les femmes. La dimension de la violence économique doit être davantage explorée et intégrée dans la législation, ainsi que dans les stratégies de négociation collective et les initiatives de dialogue social. La reconnaissance de l’austérité comme une forme de violence économique à l’égard des femmes doit également gagner du terrain, y compris dans le cadre du semestre européen.
Une stratégie avec plusieurs facettes et incluant des mesures législatives, de dialogue social et de négociation collective est propice à la réalisation de l’objectif d’un monde du travail exempt de les violences sexistes et sexuelles.
En fonction de l’évolution du contexte politique européen, la CES s’engage et devrait, le cas échéant, s’engager à :
Appeler à une nouvelle directive européenne éradiquant les violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail.
Une directive visant à éradiquer les violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail devrait être incluse dans le programme de travail de la prochaine Commission européenne et du Parlement européen sur la base du chapitre du TFUE consacré à la politique sociale. La législation sur la santé et la sécurité au travail est un point d’entrée important pour une telle initiative.
Une proposition de nouvelle directive doit inclure des mesures visant à prévenir et à combattre toutes les formes pertinentes de violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail, en ligne et hors ligne, et proposer des solutions pratiques pour des lieux de travail sûrs dans une optique intersectionnelle, dans laquelle les partenaires sociaux doivent être impliqués et les syndicats jouer un rôle clé. L’accent devrait être mis sur la manière de définir et de traiter les différents aspects de la violence économique, ainsi que sur la prévention de la victimisation secondaire et de la discrimination supplémentaire. La CES devrait chercher à obtenir le soutien du Parlement européen pour un tel appel, notamment via le suivi de la mise en œuvre de la directive relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en soulignant la nécessité de mesures de suivi concernant le monde du travail.
S’attaquer aux violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail par le biais du dialogue social de l’UE.
L’accord-cadre autonome des partenaires sociaux intersectoriels sur le harcèlement et la violence au travail de 2007, ainsi que les lignes directrices multisectorielles sur la lutte contre la violence et le harcèlement de tiers au travail de 2010 — actuellement en cours de révision — sont des initiatives importantes prises précédemment par les partenaires sociaux aux niveaux intersectoriel et multisectoriel. Une analyse de la mise en œuvre et de l'impact de l'accord-cadre de 2007 sur le harcèlement et la violence au travail et des lignes directrices devrait être réalisée. Une mise à jour de l'accord devrait être inscrite à l'ordre du jour du dialogue social européen et incluse dans le prochain programme de travail.
Continuer à faire campagne pour la ratification et la pleine mise en œuvre de la convention C190 et de la recommandation 206 de l’OIT, ainsi que de la convention d’Istanbul.
La CES continuera à soutenir les campagnes des affiliés pour la ratification de la C190 de l’OIT. La CES et ses affiliés surveilleront la mise en œuvre de la C190 de l’OIT dans les pays qui l’ont ratifiée et identifieront les lacunes à combler ultérieurement par une nouvelle législation. La CES étudiera la possibilité de demander la mise en œuvre de la C190 de l’OIT par le biais d’une directive de l’UE. La Convention d’Istanbul reste un outil important pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles en particulier si l’on tient compte de la récente adhésion de l’UE à la Convention.
Intégrer des mesures de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les prochaines initiatives législatives relatives au monde du travail.
Les mesures visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail devraient être intégrées dans la législation à venir, en particulier dans une nouvelle proposition de directive sur l’intelligence artificielle dans le monde du travail, ainsi que dans une nouvelle directive sur les risques psychosociaux et le bien-être au travail. Les initiatives législatives en matière de santé et de sécurité au travail devraient être mises en œuvre et exploitées au maximum. Étant donné que les violences sexistes et sexuelles et les risques psychosociaux se recoupent, les mesures de prévention de violences sexistes et sexuelles doivent être expressément intégrées dans la nouvelle législation et dans les évaluations obligatoires des risques sur le lieu de travail. Dans le même ordre d’idées, l’utilisation non réglementée de l’intelligence artificielle dans le monde du travail est susceptible d’avoir de profondes répercussions sur les environnements de travail. La nouvelle législation doit inclure des mesures atténuant les risques de violences sexistes et sexuelles, y compris la législation potentiellement nouvelle sur le télétravail et le droit à la déconnexion.
Dans le plein respect des principes de non-discrimination et d’égalité des sexes, l’indépendance financière et économique des femmes devrait être intégrée dans l’ensemble de la législation européenne, en particulier dans le domaine de la politique sociale et de la politique du marché du travail, mais aussi dans celui de la fiscalité. Les mesures et les outils liés au RGPD, les transpositions de la directive sur la transparence des salaires et la directive sur les salaires minimaux adéquats, par exemple, pourraient être pertinents. Les impacts de la violence économique, dans une approche de cycle de vie, devraient également être abordés et intégrés en particulier dans les questions de soins et de pensions. L’exercice effectif de la démocratie au travail par les syndicats et les représentants des travailleurs devrait être renforcé afin d’éradiquer les violences sexistes et sexuelles au travail.
Poursuivre le soutien à la négociation collective et au partage des bonnes pratiques
Dans le prolongement du projet de la CES « Lutter contre la violence et le harcèlement à l’encontre des femmes au travail », récemment clôturé, la CES continuera à collecter et à présenter les bonnes pratiques, en particulier par le biais de la négociation collective, afin de mieux préparer les affiliés de la CES. Dans le cadre du nouveau projet « Wage-Up », l’accent mis sur la transparence salariale et sa transposition aidera la CES à s’attaquer à un outil clé pour prévenir et éradiquer la violence économique fondée sur le genre.
Annexe I
Contexte
La directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (UE/2024/1385) a été adoptée le 7 mai 2024. L’article 28 prévoit un « soutien spécialisé aux victimes de harcèlement sexuel au travail », ce qui implique des services de conseil pour les victimes et les employeurs. L’article 45, paragraphe 3, prévoit d’évaluer « s’il est nécessaire de prendre d’autres mesures au niveau de l’Union pour lutter efficacement contre le harcèlement et la violence sexuels sur le lieu de travail, compte tenu des conventions internationales applicables, du cadre juridique de l’Union dans le domaine de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail et du cadre juridique en matière de sécurité et de santé au travail » au plus tard le 14 juin 2032.
Comme le souligne le préambule de la convention C190 de l’OIT, « la violence et le harcèlement dans le monde du travail peuvent constituer une violation des droits humains ou une atteinte à ces droits, et que la violence et le harcèlement mettent en péril l’égalité des chances et sont inacceptables et incompatibles avec le travail décent ».
L’article 3 de la convention C190 de l’OIT précise que la convention « s’applique à la violence et au harcèlement dans le monde du travail s’exerçant à l’occasion, en lien avec ou du fait du travail : a) sur le lieu de travail, y compris les espaces publics et les espaces privés lorsqu’ils servent de lieu de travail ; b) sur les lieux où le travailleur est payé, prend ses pauses ou ses repas ou utilise des installations sanitaires, des salles d’eau ou des vestiaires ; c) à l’occasion de déplacements, de voyages, de formations, d’événements ou d’activités sociales liés au travail ; d) dans le cadre de communications liées au travail, y compris celles effectuées au moyen de technologies de l’information et de la communication ; e) dans le logement fourni par l’employeur ; f) pendant les trajets entre le domicile et le lieu de travail.
L’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) définit la violence économique comme « une forme courante de violence à l’égard des femmes, définie statistiquement comme tout acte ou comportement causant un préjudice économique à un individu », qui recoupe la violence entre partenaires intimes. L’une des formes de violence économique, le sabotage économique, peut consister à empêcher la victime de trouver un emploi.
Les conclusions du Conseil récemment adoptées sur l’autonomisation économique et l’indépendance financière des femmes recommandent de « veiller à ce que les plans d’action contre la violence fondée sur le sexe [...] comprennent des mesures ciblées pour lutter contre la violence économique et soutenir les femmes dans leur réinsertion sociale et professionnelle » et invitent les États membres à « promouvoir des mesures d’aide aux victimes de la violence domestique, y compris des mesures visant à les aider à maintenir ou à acquérir une indépendance financière, telles que des mesures visant à les aider à conserver leur emploi ou des mesures prévoyant un congé payé », entre autres.
Le Comité des femmes de la CES finalise le projet « Safe at work, safe at home, safe online ». Le rapport d’étude et le guide syndical font le point sur les actions menées par les syndicats pour prévenir et combattre la violence domestique, la violence de tiers et la cyberviolence, ainsi que la gestion de l’IA et la surveillance numérique. Les résultats du projet seront prochainement communiqués aux organisations membres de la CES.