Bruxelles, 19-20/10/2011
Fin 2010, la CES a adopté des positions concernant la stratégie énergétique pour l'Europe 2011-2020, rassemblées dans une résolution qui contient une analyse et des propositions détaillées. Cette résolution [[http://www.etuc.org/a/7953]] contient également dans son dernier chapitre les 20 priorités de la CES pour la politique énergétique de l’Union européenne à l’horizon 2020, priorités qui sont d’actualité et qui méritent la plus grande attention dans le cadre de ce projet de directive, d’autant qu’elles intègrent les objectifs d’amélioration de l’efficacité énergétique et la promotion de la cogénération de chaleur et d'électricité.
Concernant la proposition de directive:
1. Intégrer et reconnaître l’importance du lieu de travail et du dialogue social dans la directive: compte tenu de l’importance du lieu de travail en tant que site principal d’élaboration et de mise en oeuvre des mesures proposées, la CES regrette l’absence d’initiatives concernant le lieu de travail et la promotion du dialogue social dans la politique et les projets européens en matière d’efficacité énergétique. En juillet 2011, elle a écrit aux Commissaires Hedegaard, Oettinger et Andor afin d’exposer ces messages [[http://www.etuc.org/r/1757]], et en demandant de les rencontrer afin d’examiner comment le lieu de travail et le dialogue social pourraient être mieux pris en compte dans la politique européenne sur l’efficacité énergétique.
L’engagement et la participation des travailleurs aux programmes d’efficacité énergétique sont essentiels pour leur réussite. Afin d’en assurer la mise en oeuvre, il est essentiel que les travailleurs s’ engagent pleinement - dans le cadre du dialogue social - dans l’élaboration des politiques et du développement des compétences et des programmes de formation, ainsi que de mesures assurant de bonnes conditions de travail et la santé et la sécurité au travail.
Par conséquent, la directive devrait intégrer la promotion du dialogue social en tant qu’outil nécessaire pour atteindre ces objectifs.
Il conviendrait aussi d’examiner la possibilité d’adopter une annexe relative à la formation conduisant à la certification ou à la qualification des prestataires de services faisant l’objet de la présente directive. Elle pourrait être conçue sur le modèle de l’annexe à la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.
2. Fixer des objectifs contraignants: en vertu de l’article 3, paragraphe 1, “Les États membres fixent un objectif national d’efficacité énergétique exprimé sous la forme d’un niveau absolu de consommation d’énergie primaire en 2020”. Cependant, la Commission ne propose pas la fixation d’objectifs contraignants. Cette situation est problématique. Seuls des objectifs contraignants permettront d’aller de l’avant. C’est ce qui a été démontré avec l’objectif de 20% d’énergies renouvelables. Etant donné que cet objectif est contraignant, les Etats membres ont accompli de gros progrès et l’UE est sur le point de l’atteindre. L’objectif d’efficacité énergétique de 20 % doit être rendu contraignant dès que possible.
3. Fixer un taux de rénovation contraignant pour les bâtiments privés: En vertu de l’article 4, paragraphe 1, “Chaque État membre veille à ce qu’à partir du 1er janvier 2014, 3 % de la surface au sol totale des bâtiments détenus par ses organismes publics soient rénovés chaque année”. La fixation d’un objectif contraignant est plus que bienvenue. Le problème est que les bâtiments publics ne constituent que 12 % du parc immobilier dans l’UE (selon le Plan Efficacité énergétique 2011). Toute mesure ciblant une aussi petite proportion de bâtiments n’aura qu’un impact limité. Comme indiqué dans le préambule 15 du projet de directive, “Il convient d’accroître le taux de rénovation des bâtiments, car le parc immobilier existant est le secteur qui offre le plus gros potentiel d’économies d'énergie”. En fait, plus de 40 % de l’énergie est utilisé dans le secteur du bâtiment et réduire cette consommation d’énergie est très rentable. Il ne sera possible d’atteindre l’objectif de 20 % que si un taux de rénovation contraignant pour les bâtiments privés est imposé dans la directive. Les Etats membres pourraient ensuite décider de la manière d’atteindre au mieux cet objectif.
Pour déterminer le niveau d’ambition à adopter dans cette directive pour le logement privé, il conviendrait de se baser sur les bonnes pratiques qui existent dans plusieurs Etats membres, notamment en Allemagne, où l’Alliance pour l’emploi et l’environnement a permis d’obtenir des résultats positifs.
4. Encourager la cogénération de chaleur et d'électricité:
conformément à l’article 10 de la directive, toute nouvelle centrale électrique doit être dotée d’un équipement de cogénération de chaleur et d’électricité afin d’améliorer l’efficacité énergétique. Les services d’utilité publique ainsi que l’industrie sont obligés de s’assurer que la consommation de chaleur est utilisée efficacement. La CES accueille cette proposition avec satisfaction, car les unités de cogénération de chaleur et d’électricité à haut rendement peuvent réduire jusqu’à 30% les émissions de CO2 de la production totale d’énergie. La CES regrette que la Commission ait choisi de ne pas fixer d’objectifs communautaires contraignants pour améliorer le taux de production basée sur la cogénération de chaleur et d’électricité dans le secteur de l’électricité au plan national, comme c’est déjà le cas dans certains Etats membres.
5. Limiter les répercussions en termes de coûts sur les consommateurs finaux: les obligations et mesures prévues ou à prévoir dans le cadre de la directive entraîneront inévitablement des coûts. Des mesures devraient être incluses dans la directive, permettant de garantir que les répercussions des coûts sur les clients finaux seront modérées, et prévoyant la gratuité pour les ménages à faibles revenus.
6. Fournir des sources de financement pour répondre aux objectifs: en vertu du préambule 33, “il convient d’encourager les États membres et les régions à recourir pleinement aux Fonds structurels et au Fonds de cohésion pour encourager les investissements dans des mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique.” Il est très important d’utiliser pleinement les instruments financiers existants, mais ils sont inadéquats. Les améliorations d’efficacité énergétique à grande échelle, telles que les vastes programmes de rénovation des bâtiments, requerront des fonds importants, que les gouvernements nationaux endettés ne possèdent pas actuellement.
Pour combler l’écart, la Commission a proposé la création d’obligations européennes communes destinées à financer les projets d’infrastructure. La portée de ces obligations devrait être étendue aux projets d’efficacité énergétique, tels que les travaux de rénovation de bâtiments. Un financement devrait ainsi être accordé tant aux pouvoirs publics qu’aux entreprises de services énergétiques, qui souffrent aussi du manque de sources de financement. Les contrats de performance énergétique exécutés par ces entreprises, que la Commission tente de promouvoir par le biais de cette directive, ne sont pas financés de manière adéquate par le secteur privé en raison des risques qui y sont associés. L’utilisation d’obligations européennes communes devrait donc être profitable.
La Commission devrait aussi:
- Se pencher d’urgence sur les raisons de la faible utilisation des ressources disponibles (Fonds structurels et BEI, en particulier) et réviser au besoin les règles de financement;
- examiner comment accroître le rôle du Fonds pour l’Efficacité énergétique, tant sur le plan des sources de financement que des critères d’octroi des fonds, qui doivent veiller à atteindre des objectifs à la fois environnementaux et sociaux;
- examiner les autres mécanismes de financement envisageables, parmi lesquels les systèmes de tiers investisseurs.
7. Effectuer des évaluations précoces: en vertu de l’article 3, paragraphe 2, “Pour le 30 juin 2014, la Commission évalue si l’Union est susceptible d’atteindre son objectif de 20 % d’économies d’énergie primaire d’ici 2020”. L’évaluation doit avoir lieu plus tôt, sinon nous n’aurons pas assez de temps pour atteindre l’objectif.
8. Impliquer l’industrie plus étroitement: la date butoir de 2014 pour les premiers audits énergétiques devrait être avancée, et toutes les entreprises, petites ou grandes, devraient être tenues de les faire réaliser.
Comme suggéré par le CESE dans son projet d’avis, il convient "d’examiner dans quelle mesure et à quelles conditions les instruments d’étalonnage des émissions de CO2 et autres gaz polluants [documents BREF élaborés par l’IPTS de Séville (Institut de prospective technologique) comme supports de l’ex-directive IPPC et de la directive de 2010 sur les émissions industrielles dite IED), et également utilisés pour le système ETS, et intégrant des référentiels d’efficience énergétique] pourraient devenir contraignants et élaborés dans le cadre d’un système de gouvernance impliquant tous les acteurs concernés, dont les employeurs, les syndicats et les ONG (à l’instar de l’Agence ECHA d’ Helsinki pour le Règlement européen REACH). De la sorte, il serait possible de prendre en compte dans les diagnostics et les propositions à élaborer dans le cadre de ce système de gouvernance: les coûts et bénéfices des mesures d’efficacité énergétique envisageables et aussi, entre autres, la dimension sociale-emploi, l’impact sur les conditions de travail, des analyses et normes sociales, des outils d’évaluation des besoins prévisionnels d’emplois, de qualifications et de formations professionnelles, et les dispositifs à mettre en œuvre en conséquence."
9. Conditionner strictement l’utilisation des compteurs intelligents :
les conditions à respecter en cas d’installation de compteurs intelligents, comme proposé à l’article 8, paragraphe 1, sont insuffisantes pour la CES. Le placement de tels compteurs ne peut augmenter les coûts pour les consommateurs et doit être conditionné au respect des principes d’universalité et d’accessibilité à l’énergie, ainsi qu’au respect des données personnelles, comme également énoncé par le CESE dans son projet d’avis.
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10. Services publics: }} la Directive devrait accorder une attention particulière et mettre en évidence le rôle fondamental que peuvent avoir les services publics régionaux et territoriaux pour atteindre les objectifs de la Directive, que ce soit en matière d’audits énergétiques, de contrats de performance énergétique, d’aide et d’incitations à l’amélioration de l’efficacité énergétique des logements, des industries et des services, ou encore d’aide à l’installation de cogénérations de chaleur et d’électricité.
11. Inclure le secteur des transports: la Directive devrait prévoir l’obligation pour les Etats membres de faire rapport des résultats en matière d’efficacité énergétique obtenus secteur par secteur, et notamment dans le secteur des transports, même si une autre directive sur les transports est en préparation.
En lien avec cette Directive, la CES demande également à la Commission et au Parlement européen:
- De contribuer à la coordination européenne nécessaire à l’amélioration des cursus scolaires et universitaires, des programmes de formation et de R&D, afin qu’ils soient adaptés aux objectifs poursuivis par la présente Directive et privilégient les partenariats en ce sens.
- De contribuer à ce que les compétences des conseils d’entreprise et des comités d’entreprise européens soient élargies à l’efficacité énergétique, afin de permettre de rencontrer les objectifs de la présente Directive.
Résolution de la CES pour téléchargement
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