Résolution de la CES sur l'implication syndicale dans le Semestre européen

Adoptée lors du Comité exécutif des 14 et 15 décembre 2016

Le Semestre européen est le cycle annuel d’orientation et de surveillance pour la gouvernance économique de l’UE. Les États membres coordonnent leurs politiques économiques et sociales – dans des domaines qui souvent relèvent de leur compétence exclusive – au sein du Conseil et de l’Eurogroupe. La dimension intergouvernementale y domine puisque le pouvoir de décision se trouve aux mains des gouvernements.

L’orientation politique du Semestre est fixée par les États membres ayant ratifié les lignes directrices intégrées pour l’économie et l’emploi dans le contexte de la stratégie Europe 2020. Les lignes directrices pour l’emploi ont été révisées et mises à jour en 2015.

La Commission européenne exerce un rôle important en termes d’analyse, de rapport et d’élaboration des politiques afin d’informer le Conseil européen et mettre en œuvre les décisions du Conseil de l’UE. La Commission intervient au titre de contrepartie des États membres qui sont soumis au volet correctif de la gouvernance économique.

Dans le cadre du Semestre, le dialogue économique implique le Parlement européen et les parlements nationaux en qualité de parties prenantes avec un rôle consultatif.

À ce jour, bon nombre des recommandations émanant du Semestre sont préjudiciables aux travailleurs. Souvent, ils se concentrent sur l'ajustement budgétaire, la décentralisation de la négociation collective et la réforme du système de fixation des salaires, et la réduction de la législation sur la protection de l'emploi.

Le renforcement de l'agenda social de la gouvernance économique reste un défi difficile pour le mouvement syndical. Tant que le discours actuel reste inchangé, les considérations économiques continueront à l’emporter sur la dimension sociale. Le défi pour le mouvement syndical est donc de le changer par une action coordonnée pour influencer le Semestre européen.

Implication des partenaires sociaux dans le Semestre

Le dialogue social peut être un moteur pour l’élaboration de politiques économiques, de l’emploi et sociales efficaces, durables et inclusives. La Déclaration quadripartite sur « Un nouveau départ pour le dialogue social » définit un cadre pour l’implication des partenaires sociaux nationaux et européens dans le Semestre européen.

Pour être crédible, une dimension sociale rénovée de la gouvernance économique exige de tous les décideurs politiques qu’ils fassent preuve du même engagement envers les partenaires sociaux en faveur d’un dialogue axé sur les résultats. Plusieurs processus ont été lancés à cet égard dans le cadre d’une coopération plus étroite avec la Commission européenne.

Il faut toutefois que les positions syndicales soient exprimées de façon cohérente devant les organes et institutions clés qui détiennent le pouvoir de décision en matière de gouvernance économique de l’UE – tels que le Conseil européen, en particulier par le biais du Sommet social tripartite, le Conseil de l’UE, à travers la consultation des partenaires sociaux avec le comité de l’emploi (EMCO) et le comité de la protection sociale (CPS), et les gouvernements nationaux – en introduisant des conditions pour l’implication syndicale, surtout en ce qui concerne l’élaboration des programmes nationaux de réforme, les programmes de stabilité et de convergence et les recommandations par pays.

Une nouvelle méthode de travail : la boîte à outils « Semestre » 2.0 de la CES

Une participation plus étroite des partenaires sociaux dans le Semestre européen réduit l’écart démocratique de la gouvernance économique de l’UE. Celle-ci demande toutefois une approche plus uniforme et coordonnée afin de s’assurer que les syndicats au niveau national et européen aient un maximum d’occasions d’exercer une influence à chaque étape du processus du Semestre.

La boîte à outils « Semestre » 2.0 de la CES présente une nouvelle méthode de travail pour la CES et ses affiliés. L’annexe à cette résolution propose des outils concrets destinés à optimiser le temps et les moyens utilisés par la CES et ses organisations affiliées tout en respectant les traditions et pratiques nationales.

L’une des priorités de la CES est de soutenir les syndicats nationaux par rapport au Semestre et de créer des règles de jeu équitables pour un dialogue solide entre les syndicats nationaux et leurs gouvernements.

Un groupe d’officiers de liaison syndicaux « Semestre » a été constitué en vue d’améliorer la coordination entre la CES et ses affiliés et de faciliter le dialogue entre les syndicats nationaux et les autres institutions.

Une meilleure coordination entre syndicats est nécessaire. Ceux-ci seront plus influents s’ils communiquent leurs revendications, préalablement définies au niveau national, et dans le cadre d’une série d’objectifs européens communs, donnant ainsi forme et voix aux intérêts collectifs de l’ensemble des travailleurs européens.

Dans ce but, la CES publiera en septembre de chaque année un document intitulé « Une CES pour la croissance et le progrès social : Priorités pour l’Examen annuel de la croissance (EAC) » (outil 1).

La CES soutient ses affiliés en usant de leur influence pour la rédaction des rapports par pays. En décembre de chaque année, elle publie un rapport sur les contributions syndicales en préalable à la consultation sur les rapports par pays. Ce rapport rassemble les contributions nationales de ses affiliés (outil 2). Pour contribuer à sa rédaction, il est recommandé aux affiliés de la CES de préparer leur propre rapport par pays à partir du mois d’octobre.

Les affiliés de la CES doivent être impliqués dans l’élaboration des programmes nationaux de réforme et des programmes de stabilité et de convergence que leurs gouvernements publient au mois d’avril afin d’initier un processus pouvant potentiellement déboucher sur la conclusion d’un accord. Les affiliés de la CES doivent également être impliqués dans la rédaction et la mise en œuvre des recommandations par pays. Tous les affiliés de la CES doivent demander à leurs gouvernements d’accepter des procédures stables et structurées dans le but de négocier avec eux aux échéances nationales du Semestre. La CES contrôlera l’implication syndicale au niveau national, contribuera à la diffusion des meilleures pratiques et veillera à ce que tous les affiliés aient l’occasion de se faire entendre au niveau national (outil 3).

La CES développera normes, modèles et procédures afin de maximiser l’utilisation des moyens disponibles, d’améliorer la communication et les échanges entre ses affiliés et de rendre visibles les positions syndicales dans le cadre de la gouvernance économique de l’UE. Elle soutiendra formation et séminaires visant à renforcer les capacités relatives à l’implication syndicale dans le Semestre européen (outil 4).

Définition de l’implication syndicale dans le Semestre européen

Il est temps de convertir les déclarations de principe en pratiques effectives. A cet effet, la CES défendra un concept clair d’implication syndicale qui devra être respecté dans le Semestre européen.

Ce concept doit être basé sur toute forme de dialogue avec les responsables politiques nationaux et européens qui permette aux affiliés de la CES d’influencer – significativement, en temps opportun, avec les capacités adéquates et au niveau approprié – l’élaboration et la mise en œuvre des politiques aux échéances du Semestre européen et, éventuellement, dans tout autre processus relatif à la gouvernance économique de l’UE.

Dialoguer est un processus qui consiste en un flux d’information bidirectionnel impliquant au minimum le décideur politique et les syndicats et qui a le potentiel de déboucher sur la conclusion d’un accord. Les communications à sens unique ou les pratiques de sensibilisation sont exclues de ce processus.

Il est essentiel que le dialogue soit :

  • Significatif : les syndicats doivent avoir accès à une information écrite complète pour élaborer une position bien informée.
  • Au niveau approprié : le dialogue doit avoir lieu avec ceux qui sont vraiment en mesure d’influencer les décisions politiques. Cela peut être au niveau politique (c.-à-d. ministères, sous-secrétaires, etc.) encore que le niveau technique puisse être utile et souhaitable pour mieux préparer la consultation avec le niveau politique approprié.
  • Opportun : les syndicats doivent disposer de suffisamment de temps pour analyser la position et les intentions du décideur politique et réagir selon leurs capacités propres sans modifier ou déroger à leurs contraintes démocratiques internes.

Les syndicats doivent en outre avoir la capacité en termes de ressources matérielles, financières et humaines afin de définir leurs positions de manière autonome et de participer activement aux consultations relatives aux échéances du Semestre européen.

REVENDICATIONS DE LA CES

Sur base du concept décrit ci-dessus, la CES plaidera en faveur du droit des syndicats à être impliqués dans le Semestre européen en s’appuyant sur la transparence du processus, l’accès aux documents, un phasage utile et la pertinence des interlocuteurs, la publication de résultats et la responsabilisation des décideurs. Un tel droit doit être intégré au cadre législatif du Semestre européen et devenir contraignant pour les responsables politiques tant européens que nationaux.

En examinant les pratiques actuelles en matière d’implication syndicale, certaines dispositions pratiques peuvent être immédiatement mises en œuvre pour améliorer la qualité du dialogue au niveau national et européen.

La CES demande que chaque État membre définisse des processus de participation structurés y compris, par exemple, la désignation d’un officier de liaison avec les partenaires sociaux comme l’ont déjà fait la Commission européenne et les organisations affiliées de la CES.

Les visites et missions nationales de la Commission européenne doivent être basées sur un réel dialogue et un échange mutuel d’informations. Les syndicats doivent être consultés en qualité de partenaires sociaux et les affiliés de la CES doivent être considérés comme des interlocuteurs privilégiés conformément à l’esprit de la déclaration quadripartite.

Les affiliés de la CES doivent disposer des mêmes occasions de faire entendre leurs positions, oralement ou par écrit, dans leur langue d’origine.

Les gouvernements nationaux devraient régulièrement faire des rapports annuels sur la manière dont ils ont impliqué les partenaires sociaux aux étapes importantes du Semestre et sur la manière dont ils ont pris en compte les vues des partenaires sociaux. Ces rapports devraient constituer la base d'un examen annuel à mener dans le cadre d'une coopération plus étroite entre EMCO, la Commission européenne et les partenaires sociaux européens.

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