Un mandat pour reconstruire le dialogue social européen
Adopté lors de la réunion du Comité exécutif des 15 – 16 octobre 2024
Ce document vise à établir un mandat en vue de négocier un Pacte pour le dialogue social européen. En plus d'un mandat pour le Pacte, le document établit également une feuille de route pour le prochain Programme de Travail sur le dialogue social européen. Ces deux instruments, le Pacte et le Programme de Travail, constituent des éléments importants pour la reconstruction du dialogue social européen.
En décembre 2023, le Comité exécutif a examiné un document stratégique sur la voie à suivre pour le dialogue social européen dans la perspective du sommet des partenaires sociaux de Val Duchesse et de la fin des négociations relatives à une directive sur le télétravail et le droit à la déconnexion. Cette discussion, soutenue par une consultation permanente avec le Comité du dialogue social, a jeté les bases de deux développements majeurs. Premièrement, l'adoption de la déclaration de Val Duchesse en janvier 2024, y compris un éventuel Pacte pour le dialogue social européen. Deuxièmement, la fin du Programme de Travail du dialogue social européen 2022-2024 en raison du refus des employeurs de respecter leur engagement de négocier un accord contraignant.
Un engagement à respecter le dialogue social à tous les niveaux est plus que jamais nécessaire après les élections du Parlement européen et les défis posés à la démocratie par l'extrême droite. Le respect des syndicats et du dialogue social représente un engagement envers les fondements démocratiques de nos sociétés. Le Parlement européen entame un nouveau mandat et le nouveau collège des commissaires sera bientôt en place. Un dialogue social fort et une politique sociale de l'UE sont nécessaires pour contribuer à contrecarrer les discours antidémocratiques de l'extrême droite.
Dans ses orientations politiques pour la prochaine Commission ainsi que dans la lettre de mission adressée au commissaire entrant, la Présidente Von der Leyen a réitéré son engagement à mettre en œuvre le Pacte au début de l'année 2025. Il est donc crucial de progresser sur la voie de la reconstruction et de l'intégration du dialogue social en tant que moteur d'une Europe plus sociale, en renforçant le pouvoir des travailleurs et des syndicats.
La question de la reconstruction du dialogue social par le biais du Pacte et d'un futur Programme de Travail a été au cœur des réunions du Comité du dialogue social et des discussions informelles avec les employeurs tout au long de l'année 2024. Pour faire avancer ces négociations, il faut maintenant que le Comité exécutif donne un mandat en rapport avec les étapes décrites ci-dessous.
Jeter les bases du dialogue social - Un mandat de négociation d'un Pacte pour le dialogue social européen
L'adoption de la déclaration tripartite de Val Duchesse en janvier 2024 a marqué le lancement d'un processus vers un Pacte pour le dialogue social européen. La déclaration aborde également la question des pénuries de main-d'œuvre et de compétences et reconnaît que la compétitivité future à long terme doit aller de pair avec des emplois de qualité. Le dialogue social et la négociation collective sont essentiels pour assurer des emplois de qualité et la compétitivité. La négociation du Pacte nous donne l'occasion de placer le dialogue social au centre de l'élaboration des politiques de l'UE et de répondre directement à bon nombre de nos revendications syndicales.
L'objectif de la négociation du Pacte est de renforcer et d'améliorer les conditions permettant aux syndicats de s'engager dans le dialogue social interprofessionnel et sectoriel, tant au niveau européen que national, en créant des espaces non seulement de consultation, mais aussi de négociation et d'accord. Pour que le Pacte apporte une valeur ajoutée au dialogue social européen, il faudra que les employeurs s'engagent clairement à entamer des négociations et à obtenir des résultats tangibles. Le dialogue social européen repose sur un dialogue social solide au niveau national, c'est pourquoi un Pacte pour le dialogue social européen devrait renforcer le lien entre ces niveaux.
Mandat
La négociation et l'adoption d'un Pacte ambitieux qui présente une réelle valeur ajoutée nécessiteront que l'exécutif de la CES fournisse un mandat pour les négociations à venir avec les employeurs. Ce travail conjoint avec les employeurs sera ensuite finalisé dans un Pacte tripartite avec la Commission. Dans ce contexte, il est demandé au Comité exécutif d'approuver l'approche suivante concernant les négociations bipartites avec les employeurs.
L'attention renouvelée portée à la compétitivité et à la politique industrielle ne sera couronnée de succès que si les droits sociaux, l'amélioration des conditions de travail et la négociation collective sont considérés comme un objectif central de la politique de l'UE. La réduction des charges ne doit jamais se faire au détriment des droits des travailleurs et des syndicats. La pleine mise en œuvre du Pilier européen des Droits sociaux doit être le principe directeur.
Le Pacte devrait s'appuyer sur l'engagement pris dans la déclaration de La Hulpe de faire du dialogue social un pilier de la démocratie et de renforcer le pouvoir des partenaires sociaux et de la négociation collective.
Le Pacte n'est pas un objectif final, mais plutôt le début d'une initiative plus large visant à identifier les domaines dans lesquels le dialogue social européen peut être renforcé. Le Pacte devra identifier les actions concrètes qui sont nécessaires pour réaliser les priorités décrites ci-dessous.
Priorités à aborder par le Pacte pour le dialogue social européen :
- La mise en place d'un émissaire pour le dialogue social européen et d'un mécanisme d'alerte lorsque le dialogue social n'est pas respecté. Le travail de l'émissaire pour le dialogue social européen devrait contribuer à ce qui suit :
- Assurer l'efficacité et clarifier les tâches et obligations des coordinateurs du dialogue social dans chaque DG pour promouvoir et respecter le rôle des partenaires sociaux dans le travail de la Commission européenne ;
- Assurer une consultation efficace des partenaires sociaux en amont du Programme de Travail de la Commission européenne, y compris en dehors du domaine de la politique sociale ;
- Assurer une consultation efficace des partenaires sociaux sur les nouvelles initiatives législatives de l'UE qui ont un impact sur le marché du travail et la politique sociale (y compris dans des domaines tels que la concurrence, la transition verte, la politique industrielle et la numérisation) ;
- Faire régulièrement le point sur la mise en œuvre de la recommandation sur le renforcement du dialogue social par les États membres en consultation avec les partenaires sociaux européens ;
- Développer, en collaboration avec les partenaires sociaux européens, un mécanisme d'alerte permettant aux partenaires sociaux de signaler les cas où le dialogue social n'est pas respecté. L’émissaire sera chargé de coordonner la réponse de la Commission pour remédier à ces incidences ;
- Soutenir l'évaluation de l'impact des politiques de l'UE sur le dialogue social ;
- L’émissaire devrait faire régulièrement rapport au Comité du dialogue social.
- Promouvoir un agenda social tripartite fort pour enrichir le Sommet Social Tripartite et le Programme de Travail de la Commission ;
- Renforcer le soutien au renforcement des capacités des partenaires sociaux aux niveaux européen et national, y compris pour les partenaires sociaux des pays candidats. Ceci inclut l'utilisation du FSE+, des lignes de prérogatives sociales et de compétences spécifiques (SOCPL) et d'autres initiatives de financement pertinentes ;
- Le dialogue social européen nécessite un soutien spécifique de la part de la Commission, tant sur le plan politique que financier et administratif, pour le dialogue social intersectoriel et sectoriel, conformément à la déclaration de Val Duchesse ;
- Renforcer la coordination entre les niveaux interprofessionnel et sectoriel du dialogue social ;
- Renforcer la mise en œuvre complète et efficace des accords des partenaires sociaux de l'UE directement par les partenaires sociaux nationaux ou par le biais d'une directive grâce à un processus et à des critères clairs, transparents et fiables qui doivent être élaborés en consultation avec les partenaires sociaux européens ;
- Identifier où il pourrait être nécessaire de respecter le dialogue social et la négociation collective dans l'utilisation des fonds de l'UE, dans l'élaboration des politiques du marché du travail et dans la mise en œuvre des décisions relatives aux politiques du marché du travail, y compris les conditionnalités sociales ;
- Garantir la prérogative des syndicats de négocier et de conclure des conventions collectives au nom des travailleurs. Assurer la protection des syndicats participant ou souhaitant participer à des négociations collectives contre tout acte d'ingérence des employeurs ou des États membres dans leur établissement, leur fonctionnement ou leur administration ;
- Mettre en place des structures pour évaluer l'impact des politiques de l'UE sur le dialogue social, y compris la recommandation sur le renforcement du dialogue social dans l'UE, la directive sur le salaire minimum adéquat dans l'UE et le fonctionnement des coordinateurs du dialogue social ;
Établir que le progrès social et l'amélioration des conditions de travail sont des objectifs essentiels dans le cadre de la compétitivité ; - Reconnaître que les réductions de charges ne doivent jamais se faire au détriment des droits des travailleurs et des syndicats.
Conformément à ces priorités, la contribution de la CES au Pacte sera basée sur les résolutions et positions de la CES et sur le Programme d'Action de Berlin.
Le processus de conclusion du Pacte :
- Les discussions sur le contenu et l'orientation du Pacte seront menées par une délégation de négociation désignée par les organisations membres. Cette délégation sera dirigée par le secrétaire général adjoint Claes-Mikael Ståhl. Si nécessaire, un groupe de rédaction sera mis en place pour s'engager directement avec les employeurs afin de faire avancer le texte.
- L'objectif du processus bipartite est de convenir d'un texte pour le Pacte avec les employeurs européens, qui sera ensuite soumis à la Commission pour discussion et accord sous la forme d'un texte tripartite.
- Le Comité exécutif sera tenu informé tout au long du processus et, le cas échéant, sera consulté directement.
Le calendrier prévisionnel de négociation du Pacte s'étendra d'octobre 2024 à décembre 2024, avec pour objectif la signature d'un document tripartite avec les acteurs institutionnels européens en janvier 2025.
Définir le cap pour l'avenir du Dialogue social - une feuille de route pour le futur Programme de Travail
Depuis 2003, les Programmes de Travail du dialogue social européen constituent une feuille de route bipartite pour le dialogue social européen. Les Programmes de Travail nous donnent l'autonomie nécessaire pour soulever des questions à traiter par le biais du dialogue social au niveau européen, influençant ainsi directement la politique sociale de l'UE. Ils représentent l'engagement des syndicats et des employeurs à agir conjointement et à trouver des solutions pour leurs membres.
Le précédent Programme de Travail 2022-2024 contenait un engagement à négocier une directive sur le télétravail et le droit à la déconnexion. Malheureusement, les employeurs européens n'ont pas respecté cet engagement, ce qui a porté atteinte à l'intégrité de ce Programme de Travail, qui a été interrompu prématurément en raison de leurs actions.
Pour reconstruire le dialogue social européen, la CES devra se tourner vers un futur Programme de Travail. Le Pacte sera l'occasion de faire les premiers pas dans la construction de la confiance nécessaire à la négociation et à la mise en œuvre d'un Programme de Travail. Le Pacte est un processus distinct qui devrait améliorer mais en aucun cas remplacer les programmes de travail bipartites.
Le début provisoire des négociations sur le Programme de Travail est prévu pour le premier semestre 2025 sur la base d'un mandat de Programme de Travail syndical élaboré et adopté au cours des prochains mois avec la pleine participation du Comité du dialogue social et en vue de son adoption par le Comité exécutif, qui fournira la base d'un engagement efficace avec les employeurs.