Après une augmentation des accidents mortels dans presque la moitié des États membres, une nouvelle étude des syndicats révèle que, contrairement aux prévisions antérieures, les morts au travail continueront à gangréner l’Europe durant près d’une décennie de plus.
Au rythme actuel, on s’attend à ce que les accidents mortels sur les lieux de travail perdurent jusqu’en 2062 – soit sept ans de plus que précédemment annoncé.
Cette prévision intervient après une augmentation du nombre de morts au travail dans 12 pays entre 2019 et 2020.
État membre |
Accidents mortels 2020 |
Changement vs 2019 |
Italie |
776 |
+285 |
Espagne |
392 |
+45 |
Portugal |
131 |
+27 |
Tchéquie |
108 |
+13 |
Chypre |
16 |
+6 |
Pologne |
190 |
+6 |
Malte |
7 |
+4 |
Bulgarie |
88 |
+3 |
Belgique |
54 |
+2 |
Croatie |
45 |
+2 |
Slovénie |
17 |
+2 |
Lituanie |
38 |
+1 |
Des accidents mortels sur les lieux de travail devraient encore intervenir durant le prochain siècle en Italie ainsi qu’en Hongrie tandis que, sur base des tendances actuelles, ils ne seront jamais complètement éliminés en Espagne et en France.
Les prévisions font état de 25.166 morts au travail de plus en Europe entre 2021 et 2029 si les accidents mortels continuent au même rythme que durant la décennie précédente.
Projections pour certains États membres et l’UE27 :
Année durant laquelle les accidents mortels auront disparu |
Changement |
Nombre de morts prévus entre 2021 et 2029 |
|
UE27 |
2062 |
+7 |
25.166 |
Allemagne |
2043 |
-1 |
2.679 |
Italie |
2124 |
+82 |
4.664 |
France |
jamais |
NA |
6.325 |
Portugal |
2032 |
+2 |
560 |
Autriche |
2035 |
-2 |
545 |
Pologne |
2028 |
+1 |
504 |
Tchéquie |
2057 |
+5 |
794 |
Espagne |
jamais |
NA |
3.233 |
Roumanie |
2035 |
-1 |
1.136 |
Hongrie |
2173 |
NA |
655 |
Ce tableau présente les résultats de l’analyse d’une sélection d’États membres en fonction de l’horizon zéro mort nouvellement défini et du nombre estimé de morts entre 2021 et 2029. Par exemple, selon les projections, les accidents mortels devraient avoir disparu en Italie en 2124, soit 82 ans plus tard que prévu l’année dernière.
Ces chiffres font partie de la nouvelle analyse des données d’Eurostat faite par Pierre Bérastégui de l’Institut syndical européen (ETUI) publiée alors que la CES annonce aujourd’hui un soutien accru pour sa campagne Zéro mort au travail.
Les ministres du travail de Slovaquie et de Slovénie ont signé le manifeste de la CES, portant ainsi à deux chiffres le nombre de ministres soutenant les actions nécessaires pour mettre fin aux morts au travail.
Les présidents des groupes S&D, des Verts et de la Gauche au Parlement européen, ainsi que des eurodéputés des groupes PPE et Renew l’ont également signé jetant ainsi leur poids derrière la campagne.
Le manifeste appelle :
- l’Union européenne, les gouvernements des États membres et les employeurs à véritablement s’engager et à mener les actions nécessaires pour parvenir à zéro mort au travail ;
- à augmenter la formation en matière de santé et de sécurité sur les lieux de travail, la protection, les inspections et les sanctions ;
- à de nouvelles initiatives législatives et autres lors du prochain mandat de la Commission et du Parlement à partir de 2024 afin d’atteindre l’objectif de zéro mort.
Lors de sa première publication en avril, le manifeste avait recueilli plus de 70 signatures, y compris de ministres, d’eurodéputés, de leaders syndicaux ainsi que d’organisations et d’experts de premier plan dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.
Il compte aujourd’hui plus de 150 signataires dont davantage de ministres, d’eurodéputés et de responsables syndicaux de même que d’experts et d’institutions en lien avec la santé et la sécurité au travail.
La CES a l’intention de présenter un manifeste final aux institutions européennes et aux présidents de partis et de groupes politiques en 2023 lors de la Journée internationale de commémoration des travailleuses et des travailleurs morts ou blessés au travail.
Le Secrétaire général adjoint de la CES Claes-Mikael Stahl :
« Les gens se rendent au travail pour gagner de quoi vivre mais, au lieu de cela, un trop grand nombre d’entre eux y perdent la vie. Ces gens qui partent travailler et qui ne reviennent jamais auprès de leurs parents, de leurs partenaires ou de leurs enfants parce que des économies devaient être faites ou que la loi autorise encore des pratiques de travail dangereuses. »
« De nombreuses vies ont été sauvées au cours de ces dernières décennies grâce à une législation plus stricte en matière de sécurité mais nos chiffres montrent que les progrès marquent le pas dans certains pays et sont complètement inversés dans d’autres. »
« Le fait que les accidents mortels au travail risquent de perdurer durant 82 années de plus en Italie et qu’ils ne disparaîtront jamais en France ou en Espagne si les tendances actuelles se maintiennent devrait empêcher employeurs et politiciens de dormir la nuit. »
« Avec la volonté politique adéquate, mettre fin à ces tragédies évitables est tout à fait possible et nous applaudissons les ministres et les eurodéputés qui se sont engagés aujourd’hui à prendre les mesures nécessaires pour atteindre l’objectif de zéro mort au travail. »
Notes
Le nombre d’accidents mortels au travail n’inclut pas les milliers de morts causés chaque année par des maladies professionnelles.
Manifeste de la CES Zéro mort au travail et liste complète des signataires