L'Europe n'est pas près de résoudre le problème de l'exploitation des travailleurs transfrontaliers suite à la communication sur la numérisation de la sécurité sociale présentée aujourd'hui par la Commission européenne.
L'absence de systèmes de sécurité sociale interconnectés au sein de l'Union européenne crée une faille qui permet aux entreprises de réduire leurs coûts en évitant de payer les cotisations de sécurité sociale de leurs travailleurs.
Dans son plan d'action 2021 sur le pilier social, la Commission européenne s'est engagée à : "Lancer un projet pilote en 2021 pour explorer d'ici 2023 le lancement d'une solution numérique visant à faciliter l'interaction entre les citoyens mobiles et les autorités nationales."
Aujourd'hui, la Commission a repoussé la date de fin du projet pilote à 2025 et n'a toujours pas annoncé si cela débouchera sur une législation.
Les travailleurs, les syndicats et les autorités ne disposeront donc pas des outils concrets dont ils ont besoin pour jouir et faire respecter efficacement les droits en matière de sécurité sociale dans l'ensemble de l'UE.
Cas de fraude à la sécurité sociale soulevés par les syndicats auprès de l'Autorité européenne du travail :
- Plusieurs marins résidant en Belgique et employés sur des navires battant pavillon chypriote ou madérien se sont vu refuser l'accès au régime de sécurité sociale de l'État du pavillon. Cela aura un impact négatif sur leur droit à l'assistance sociale, comme les allocations de chômage, à l'avenir.
- Non-paiement ou paiement insuffisant des cotisations de sécurité sociale pour des travailleurs italiens, roumains, albanais, kosovars et égyptiens employés par un sous-traitant italien pour la construction du centre commercial Rive Gauche à Charleroi.
- Un groupe de 31 travailleurs de la construction originaires de Bosnie et de Croatie a été détaché en Autriche par une entreprise slovène. L'entreprise n'a pas respecté la législation slovène en matière d'enregistrement des travailleurs détachés. Cela pourrait avoir un impact sérieux sur leurs cotisations de sécurité sociale et de retraite à leur retour.
La secrétaire générale adjointe de la CES, Isabelle Schömann, a déclaré :
"Une coordination efficace de la sécurité sociale est une condition préalable au bon fonctionnement de la liberté de circulation, garantissant une mobilité équitable pour les travailleurs.
"Le manque actuel d'outils numériques pour l'application transfrontalière signifie que les entreprises échappent à leurs obligations de payer les cotisations de sécurité sociale, ce qui a de graves conséquences pour les travailleurs mobiles lorsqu'ils tombent malades, deviennent chômeurs ou partent à la retraite.
La Commission a déjà passé deux ans à "explorer" ce scandale et maintenant elle a botté en touche pour que la prochaine Commission s'en occupe.
"L'absence de propositions concrètes pour combler les lacunes continuera à permettre l'exploitation des travailleurs les plus vulnérables.
"L'expérience montre que les solutions numériques pour une mobilité équitable sont à portée de main, mais il faut que la Commission et les États membres jouent leur rôle en veillant à ce que les ressources et l'infrastructure nécessaires soient disponibles.
"Avec la bonne volonté politique, il est possible d'agir rapidement. En 2021, en moins de six mois, il a été possible de développer et de déployer le certificat numérique COVID de l'UE sur l'ensemble du continent. Cela contraste fortement avec le manque d'action de la Commission en matière de sécurité sociale numérique au cours de la même période."