Bruxelles, les 9-10 juin 2004
1. La Conférence intergouvernementale (CIG), qui est dans sa phase finale, atteindra son point « culminant » au sommet européen des 17 et 18 juin. La CES craint que le débat politique autour de la répartition des pouvoirs entre les institutions européennes n'ait pour effet de négliger la nécessité de renforcer la dimension sociale du processus constitutionnel. Nous l'avons d'ailleurs signifié lors de la manifestation de Rome en octobre dernier et des journées d'actions européennes des 2 et 3 avril. Les avancées sociales du texte de la Convention, qui ont été saluées par la CES, sont constamment attaquées et la CIG pourrait déboucher sur un compromis se réduisant au plus petit dénominateur commun, comme ce fût le cas lors de CIG précédentes. En fait, ce sont les critiques de cette procédure, à laquelle on reprochait son manque de transparence et de démocratie, qui ont instauré la méthode de la Convention en vue de la rédaction de la nouvelle Constitution.
2. Une des pierres angulaires de la nouvelle Constitution - la Charte des droits fondamentaux (partie II) - est en butte à certaines attaques, qui visent à lui conférer tout au plus une valeur déclaratoire, sans aucune possibilité pratique de soutenir et de renforcer les droits des travailleurs. Cette stratégie a été observée pendant la Convention et apparaît de manière évidente dans le processus de la CIG. Il est inacceptable de poursuivre ces activités tactiques de saucissonnage sur ce texte, après tant de compromis obtenus contre la volonté de la plupart des membres de la Convention et des gouvernements au sein de la Conférence intergouvernementale. Le maintien de la Charte constitue dès lors un objectif primordial pour la CES.
3. Sans vouloir rouvrir le débat général sur les parties I et II, la CES ressent le besoin de rappeler ses exigences principales concernant la partie III :
- cohérence entre les parties I et III en ce qui concerne les objectifs sociaux (« plein emploi », « économie sociale de marché ») ;
- reconnaissance du rôle spécifique des partenaires sociaux et du dialogue social non seulement dans la partie I, mais aussi dans la partie III, conjointement avec un accès effectif à la Cour européenne de justice ;
- aucune régression par rapport au traité de la CE actuel, en particulier pour ce qui est de la clause sociale horizontale qui introduit la partie III ;
- renforcement de la gouvernance économique ;
- la reconnaissance des services d'intérêt général.
4. Ces exigences essentielles n'ont pas encore été prises en compte. Au contraire, plusieurs points sont en train d'être changés afin d'affaiblir la portée sociale du projet de Constitution (ainsi, la « stabilité des prix » est érigée au rang des objectifs primordiaux de l'Union, avant l'« économie sociale de marché »). Certains gouvernements sont néanmoins conscients de la nécessité vitale de maintenir la dimension sociale de l'UE et, chose importante, la France a demandé de renforcer l'article sur les partenaires sociaux. Les attaques se poursuivent toutefois.
5. Les syndicalistes de l'Europe toute entière sont vivement préoccupés du fait que certains gouvernements s'opposent actuellement à toute initiative européenne positive dans le domaine social. Dans le même temps, les dirigeants syndicaux et les syndicalistes qui cherchent à encourager la participation aux prochaines élections européennes ont l'impression qu'on leur coupe l'herbe sous le pied, car la dimension sociale de l'Union européenne, sur laquelle le soutien syndical repose en Europe, semble être la cible d'attaques continues de la part de certains gouvernements, mais aussi des entreprises.
6. La CES appelle dès lors instamment les chefs d'État ou de gouvernement à tenir compte de ses exigences et à les satisfaire dans la plus grande mesure possible, à réfléchir avec soin aux enjeux et à comprendre la frustration réelle et la déception croissante du monde syndical européen. Les gouvernements doivent être conscients du fait que les travailleurs d'Europe ainsi que les retraités risquent de réagir vigoureusement si la Constitution ne leur apporte pas satisfaction sur les questions sociales.Le mouvement syndical européen - mais aussi, nous en sommes convaincus, les peuples d'Europe - n'apportera son soutien enthousiaste qu'à une Constitution qui renforce le modèle social européen, réalise un équilibre entre le dynamisme de l'économie et la solidarité et protège les travailleurs, les consommateurs et l'environnement des forces destructives que le capitalisme non régulé peut libérer. Nous devons à la fois créer une Europe au service des gens, et non une Europe au service des entreprises, et renforcer le modèle social européen. La CES organise une rencontre spécifique début juillet au sujet du résultat de la Conférence intergouvernementale.