De la COP 23 de Bonn à la COP 24 de Katowice : les priorités de la CES pour les négociations internationales relatives au climat en 2018

De la COP 23 de Bonn à la COP 24 de Katowice : les priorités de la CES pour les négociations internationales relatives au climat en 2018

Adoptée au Comité Exécutif des 13 et 14 décembre 2017


Contexte

En décembre 2015, l’adoption de l’Accord de Paris a jeté les bases de l’action internationale contre le changement climatique pour la période post 2020. Les pays signataires se sont engagés à maintenir le réchauffement bien en deçà de 2°C par rapport à la période préindustrielle, et à poursuivre les efforts pour maintenir l’élévation des températures globales en dessous de 1.5°C.  Les pays signataires se sont également engagés à atteindre un équilibre entre les sources anthropiques et les absorptions d’émissions de gaz à effet de serre dans la seconde moitié de ce siècle. Afin de concrétiser cette ambition collective, les pays devront soumettre des « Contributions déterminées au niveau national » (CDN) tous les 5 ans. A partir de 2023, un « bilan mondial » passera en revue ces CDN afin d’évaluer si l’effort collectif réalisé est en phase avec les objectifs de températures de l’Accord de Paris. Afin de procéder à une première évaluation de l’effort global des Etats parties, il a été décidé d’organiser dès 2018 un « dialogue de facilitation ». À cet égard, il convient de rappeler que les NDC actuels sont loin du niveau d'ambition compatible avec les objectifs de température de l'Accord de Paris (nous nous dirigeons vers une augmentation de 2,7-3,7 ° C), alors que l'impact dévastateur du changement climatique, des sécheresses, des inondations, des ouragans, des pénuries alimentaires et des migrations climatiques fait des millions de victimes. Cela souligne également l'importance d'augmenter considérablement les efforts pour l'action climatique avant 2020.

L’Accord de Paris ne définit que les principaux éléments de la nouvelle gouvernance internationale pour le climat et les pays en négocient les modalités de mise en œuvre depuis la COP 22 organisée à Marrakech en 2016. Les pays s’y sont engagés à finaliser la définition des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris pour la COP 24 de 2018 et d’importantes avancées ont été enregistrées à Bonn à la COP 23.

Vu que 2018 sera une année importante pour la lutte internationale contre le changement climatique et puisque la COP 24 aura lieu en Pologne, Etat-membre de l’Union Européenne, il est important que la CES dispose dès le début de l’année d’un mandat clair définissant ses principaux objectifs et demandes pour les négociations internationales climat en 2018. L’objectif de ce bref document est par conséquent d’identifier les demandes clés de la CES eu égard aux négociations prévues cette année, en gardant à l’esprit que certaines de ces demandes seront ultérieurement développées plus avant par la CES et ses affiliés, en étroite collaboration avec la CSI. 

Les lignes directrices pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris

Les lignes directrices de l’Accord de Paris qui doivent être adoptées en 2018 sont de la plus grande importance pour le futur de la gouvernance internationale de la lutte contre le changement climatique.  Premièrement, l’urgence d’agir en faveur du climat impose que le système soit pleinement opérationnel en 2020. Retarder l’adoption des lignes directrices compromettrait l’opérationnalisation de l’Accord de Paris et en affaiblirait la portée politique. Ce n’est donc pas une option à envisager.

Pour ce qui concerne l’atténuation, les CDN doivent être conçues de manière à garantir que les pays fourniront toutes les données nécessaires pour évaluer l’impact agrégé des CDN sur le niveau global d’émission. Les CDN doivent par conséquent utiliser une méthodologie comptable standardisée, reflétant les meilleures connaissances scientifiques disponibles, et couvrant toutes les sources et absorptions d’émission d’origine anthropique.

Les CDN doivent également garantir la comparabilité des efforts entre pays. Les pays doivent baser leurs objectifs sur des niveaux d’émissions historiques vérifiés et non sur des projections. Les pays doivent soumettre des objectifs sous la forme d’un pourcentage d’un niveau d’émission correspondant à une année de référence commune, objectifs à atteindre pour une échéance commune.

Les pays doivent également utiliser une approche commune pour l’inclusion de l’utilisation des terres dans leur méthode de calcul des émissions. La comparabilité des efforts est un aspect crucial pour éviter ou contrer le phénomène de « passager clandestin » et ses effets sur les industries intensives en carbone dans les pays menant la lutte contre les changements climatiques. Les approches concertées telles que visées à l’Article 6 doivent appliquer les mêmes règles de transparence que les CDN et doivent pleinement respecter les Objectifs du millénaire pour le développement ainsi que les droits humains. Les lignes directrices doivent inciter les pays à augmenter leur ambition de manière à combler le plus rapidement possible le manque d’ambition des engagements actuels, tel qu’identifié par le rapport du PNUE « Emissions Gap Report ».  À cet égard, les modalités du « Bilan global » doivent préparer une réelle évaluation collective des efforts réalisés et les informations produites doivent être traduites en des engagements et actions politiques concrets et immédiats. 

L’action en faveur du climat ne peut se limiter à la réduction des émissions. D’autres aspects comme l’adaptation, l’octroi de financement aux pays les plus vulnérables, les transferts de technologie, le renforcement des capacités, l’investissement pour créer des emplois durables de qualité, ou encore le travail décent et la transition juste sont des aspects cruciaux de la lutte contre les changements climatiques. Les CDN et les obligations de planification et de rapportage qui y sont liées doivent en être le reflet. Ces différents aspects doivent être traités avec la même exigence en termes de transparence et de qualité de l’information. Les CDN doivent aussi traduire la responsabilité spécifique des pays les plus riches dans des actions concrètes pour soutenir les pays les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont aussi les plus impactés par les effets dévastateurs du changement climatique.

Le dialogue de facilitation

A la COP 23 le dialogue de facilitation, prévu dans la décision adoptée à Paris en 2015, a été rebaptisé « Dialogue de Talanoa ». L’objectif demeure toutefois d’évaluer l’impact agrégé des efforts des différents pays pour maintenir les émissions globales à des niveaux compatibles avec les objectifs de température de l’Accord de Paris, et d’informer adéquatement la préparation des CDN ultérieurs. Il a été décidé de démarrer le dialogue en janvier 2018 par une phase de préparation qui devra fournir une solide base de connaissance à la phase politique qui débutera à l’ouverture de la COP 24.    

La CES salue l’organisation du « Dialogue de Talanoa » et en particulier le fait que les ministres seront directement invités à réagir à l’évaluation de l’effort collectif des pays, réalisée espérons-le sur la base de la meilleure science disponible. La CES appelle les pays à utiliser cette opportunité pour mettre leurs politiques climatiques davantage en phase avec les messages délivrés par les scientifiques et ce, via des engagements concrets pour augmenter l’ambition des politiques climatiques nationales. La CES salue également l’opportunité pour les acteurs non-étatiques d’alimenter le processus avec des contributions pertinentes et travailleras, avec ses affiliés – et en étroite collaboration avec le CSI et le Centre de transition Juste – à informer le dialogue à propos des défis et opportunités qu’entraine la décarbonisation pour le monde du travail.

Action sur la transition juste

Via l’Accord de Paris, les pays se sont engagés à promouvoir le travail décent et la transition juste pour les travailleurs. Ces principes ne doivent pas être oubliés maintenant que débute l’opérationnalisation de l’Accord. Dans ce contexte, la CES voit le choix de Katowice comme ville hôte de la prochaine COP 24 comme une opportunité pour renforcer la place des principes de la transition juste et du travail décent dans le cœur du régime international de lutte contre le changement climatique. Katowice est situé dans une région avec un important tissu industriel, qui incarne les défis et opportunités de la transition vers une économie bas carbone, et la COP 24 doit être la COP de la « transition juste ».  

A cette fin, la CES demande que soit organisée à la COP 24 une réunion ministérielle de haut niveau entre ministres de l’environnement et ministres du travail afin de lancer une « Déclaration de Katowice pour la transition juste » au travers de laquelle les gouvernements confirmeraient leur engagement de baser leur action en faveur du climat sur les principes de la transition juste et du travail décent.

De surcroît, cette réunion ministérielle devra lancer un « Plan d’action de Katowice pour la transition juste » à adopter par la COP afin de :

  • Récolter les expériences des différents pays en matière de soutien aux travailleurs et aux communautés en transition ;
  • Fournir des lignes directrices aux pays quant à la manière d’intégrer à leurs politiques climatiques la transition juste et le travail décent, ainsi que la création et le maintien d’emplois de qualité ;
  • Généraliser la référence à la transition juste et au travail décent dans les différentes dimensions des politiques climatiques (atténuation, adaptation, finance, technologie, renforcement des capacités)
  • Donner un mandat au Fonds vert pour le climat, et aux autres entités en charge de la finance climatique, afin qu’ils financent des projets visant à créer des emplois de qualité et durables dans des régions potentiellement affectées par la transition vers une économie bas carbone.

La CES souligne que combattre le changement climatique ne peut être délégué aux seuls marchés. Les autorités publiques doivent piloter la transition vers une économie bas carbone via la planification politique, un cadre politique climat ambitieux, un secteur public fort ainsi que d’importants investissements publics. La CES rappelle son engagement à travailler avec ses affiliés, en en étroite collaboration avec la CSI, et au travers d’alliances plus larges, pour promouvoir une régime climat international qui garantisse à tous un avenir décent et prospère.