Bruxelles, le 10 février 2020
Déclaration de la CES sur le projet de mandat de négociation de l’UE pour un nouveau partenariat avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
Adoptée lors de la réunion extraordinaire du Comité exécutif du 6 février 2020
La CES soutient le projet de mandat de négociation de l’UE pour un nouveau partenariat avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Le projet de mandat est complet et vise un accord d’association de grande envergure avec le Royaume-Uni, qui serait bénéfique aux travailleurs des deux côtés de la Manche en leur garantissant des emplois et des moyens de subsistance grâce au maintien des flux commerciaux.
Le projet comprend également de nouvelles caractéristiques par rapport aux ALE traditionnels de l’UE, telles que des dispositions horizontales en matière d’égalité des conditions de concurrence qui ne se limitent pas à un chapitre distinct et édenté sur le commerce et le développement durable. Il est également important que ces dispositions soient soumises au même mécanisme de règlement des différends que les autres parties de l’accord. Ainsi, l’UE prévoit de se réserver la possibilité d’appliquer des mesures unilatérales en cas de non-respect par le Royaume-Uni des dispositions relatives à l’égalité des conditions de concurrence. De plus, le projet prévoit la possibilité de demander une compensation financière ou de prendre des mesures proportionnées et temporaires, y compris la suspension totale ou partielle de l’accord.
La CES appelle les États membres de l’UE à conserver ces caractéristiques lorsqu’ils adopteront le mandat le 25 février.
En outre, nous demandons aux États membres de chercher à apporter des améliorations dans les domaines suivants :
- L’engagement en matière de conditions de concurrence équitables sur les droits des travailleurs (paragraphe 96) prévoit une clause de non-régression dans les domaines suivants : droits fondamentaux au travail, santé et sécurité au travail, y compris le principe de précaution ; conditions de travail et normes d’emploi équitables ; droits d’information et de consultation au niveau de l’entreprise et restructuration ; promotion du dialogue social.
La CES convient qu’il devrait s’agir d’exigences minimales, mais demande d’élargir le champ d’application à l’ensemble de l’acquis social de l’UE et à toute autre disposition du droit communautaire affectant les conditions de travail.
- Le projet prévoit la possibilité de modifier les engagements en matière de conditions de concurrence équitables afin d’inclure des domaines supplémentaires ou de fixer des normes plus élevées au fil du temps (paragraphe 90). La façon dont le paragraphe est formulé limite fortement cette possibilité, car elle dépendrait d’un accord commun des parties au sein de l’instante dirigeante. La CES demande le renforcement de ce paragraphe en introduisant une exigence que le Royaume-Uni suive le rythme des améliorations futures des normes sociales et d’emploi de l’UE.
- Le projet prévoit que si un différend soulève une question d’interprétation du droit de l’Union, un groupe spécial d’arbitrage doit renvoyer la question à la CJUE en tant qu’arbitre unique du droit de l’Union, pour une décision contraignante. Le groupe spécial d’arbitrage doit trancher le litige conformément à la décision rendue par la CJUE (paragraphe 155).
La CES demande aux États membres de préciser que cette procédure ne s’appliquerait pas exclusivement aux questions relatives aux aides d’État, au droit de la concurrence et à la politique fiscale, mais aussi aux normes sociales et d’emploi clairement dérivées du droit communautaire à la fin de la période de transition. En d’autres termes, le paragraphe 97 devrait être reformulé de manière à ce que l’UE ne compte pas uniquement sur l’application nationale des engagements en matière de conditions de concurrence équitables.
- Le mandat fait référence à la possibilité d’exclure les activités menées dans l’exercice de l’autorité gouvernementale (paragraphe 33). La CES préconise fortement le cloisonnement des services publics par une clause d’exclusion générale. Les travailleurs ne soutiendraient pas une plus grande libéralisation des services publics par le biais de cet accord.
- Le projet traite de la mobilité des travailleurs dans le cadre des prestations de services temporaires (paragraphe 35). Pour la CES, il doit être clair que le principe du lieu de travail doit être appliqué. Cela signifie que le même salaire pour le même travail au même endroit doit être garanti. Ainsi, l’accès au marché pour la prestation de services du mode 4 doit être complété par une mention explicite que les dispositions des conventions collectives, sociales et du travail nationales seront respectées dans le cadre du placement temporaire de travailleurs pour la prestation de services. Cela signifie également que ces travailleurs doivent bénéficier d’une égalité de traitement en ce qui concerne les heures supplémentaires, les pauses, les périodes de repos, le travail de nuit, les congés et autres, sans préjudice d’un traitement plus favorable.
- Le projet prévoit la participation et le dialogue de la société civile (paragraphe 107). La CES émet de fortes réserves sur les mécanismes de contrôle de la société civile existants dans les ALE de l’UE (appelés groupes consultatifs nationaux), principalement parce qu’ils ne disposent pas de pouvoirs effectifs pour demander des comptes aux parties en cas de violation des engagements en matière de travail. La CES insiste donc pour que les partenaires sociaux jouent un rôle dans les procédures de contrôle et d’application de l’accord, en déposant des plaintes.