Bruxelles, 16/09/2011
"Pour une Europe plus forte" faite de croissance durable et de cohésion sociale
1. Au cours de l’été 2011, la zone euro est arrivée au bord de l’effondrement. Des actions à court terme étaient réclamées par les gouvernements, les institutions européennes et la BCE, unis seulement pour insister sur des programmes d’austérité plutôt que d’avancer vers des solutions socialement acceptables plus globales et à long terme.
2. La crise de la dette souveraine devient incontrôlable. La méfiance des marchés financiers ne se limite plus à la Grèce, à l’Irlande ou au Portugal mais touche maintenant d’autres pays comme l’Espagne et l’Italie et menace de s’étendre plus encore. Les marchés restent volatiles et n’ont pas été convaincus par les mesures prises le 21 juillet par le Conseil européen visant à renforcer la capacité de prêt du FESF et à lui donner compétence pour acheter la dette souveraine de pays en difficulté. Les retards intervenus au niveau national dans la mise en place de ces conclusions ont encore ajouté au désordre.
3. Gérable au départ, la dette souveraine est devenue insupportable parce que les investisseurs se sont tous précipités en même temps pour en sortir et parce que les instruments (les euro-obligations) et l’institution (une banque européenne pour la dette souveraine) ayant le pouvoir et les moyens financiers pour contrer l’influence négative des marchés financiers n’existent pas dans la zone euro.
4. Le soutien financier fourni par les institutions européennes ne fonctionne pas mais le prix à payer pour celui-ci est élevé. Les États membres sont forcés par la BCE, la Commission et le FMI d’adopter un rythme d’assainissement des finances trop ambitieux, de déréglementer les systèmes de l’emploi et de protection sociale, d’affaiblir et de décentraliser les systèmes de formation des salaires et de négociations collectives. Nous nous sommes opposés à la dernière exigence formulée par les gouvernements allemand et français d’insister auprès de tous les pays de la zone euro pour qu’ils inscrivent un déficit zéro ou un frein à l’endettement dans les constitutions nationales.
5. Pour éviter la contagion, les responsables politiques ont misé sur une réduction de la dette. Une restructuration de la dette favorable au débiteur a été exclue. La BCE a même menacé de refuser la dette souveraine comme garantie en cas de restructuration.
6. En outre, un nouveau ralentissement économique se manifeste. Des indicateurs importants du cycle économique sont à la baisse. Tandis que l’activité s’est pratiquement arrêtée ou a sensiblement ralenti dans plusieurs des principales économies d’Europe, les économies périphériques stagnent ou sont en déclin.
7. Un nouveau gel du crédit ne peut non plus être exclu. Alors que la crise de la dette souveraine menace le bilan financier des banques, les banques européennes ont de plus en plus de difficultés à se financer elles-mêmes sur le marché interbancaire. Ceci pourrait très bien déboucher sur des conditions de crédit plus strictes transformant ainsi le ralentissement annoncé en une récession pure et simple.
8. Soit les États membres ne disposent plus que de peu de moyens fiscaux permettant aux stabilisateurs automatiques de fonctionner, et encore moins de relancer l’économie, soit ils ne sont pas prêts à les utiliser.
9. Des voix s’élèvent dans certains pays pour un retour à des solutions nationales, y compris le démantèlement de la zone euro. La CES rejette cette piste. Une renationalisation de la politique économique européenne aurait des conséquences désastreuses sur les conditions des travailleurs ; nos économies sont liées au travers du marché interne et de la monnaie unique. Cela risquerait également de donner une impulsion au populisme d’extrême droite.
10. La recherche de solutions à court terme a conduit aux politiques d’austérité dans ces pays menacés de crise de la dette souveraine, aux exigences de taux d’intérêt élevés et même à une pression en faveur d’accords de garantie bilatéraux. Cela ne sert pas les intérêts bien compris des économies excédentaires. Laisser les économies surendettées plonger dans une dépression économique de longue durée détruira les marchés à l’exportation des pays économiquement forts. Ne pas stabiliser la crise de la dette à la périphérie affaiblira le secteur bancaire et financier du noyau dur.
11. Le démantèlement de la zone monétaire réclamé par certains comme une solution rapide supposée aux problèmes actuels de dette et de compétitivité fait craindre une dislocation économique imprévisible mais plus que probablement spectaculaire. Les pays de la périphérie seraient forcés de se déclarer en défaut de manière désordonnée sur la totalité de leur dette exprimée en euros menaçant ainsi l’entièreté du système financier européen. Les pays excédentaires auraient à faire face à un renchérissement immédiat et important de leurs monnaies qui étoufferait la croissance à court terme et exercerait, à moyen terme, une énorme pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail.
12. Les actuelles politiques d’austérité, y compris la Règle d’or, entretiennent le chômage et les inégalités croissantes. Les travailleurs dans plusieurs pays sont face à des attaques frontales sur leurs droits acquis garantis par la législation européenne et les instruments internationaux. Des conditions sont posées de manière unilatérale par les institutions et la BCE qui vont au-delà de leurs compétences. Certains gouvernements utilisent la crise pour démanteler les dispositions sociales qui constituent le fondement même du modèle social européen.
13. Les salaires ne sont pas l’ennemi de l’économie mais son moteur. Déclencher une course au nivellement par le bas des salaires et des politiques sociales minera la dynamique de la demande et menacera de déflation l’entièreté de l’union monétaire.
14. La CES rappelle que les conditionnalités posées à l’intégration économique et sociale doivent pleinement respecter les systèmes nationaux de fixation des salaires et l’autonomie des partenaires sociaux.
15. Les protestations sociales dans nombre de pays ne sont pas surprenantes – le chômage des jeunes, le travail précaire, l’inégalité de traitement sont rejetés par la population qui ne voit venir des politiques européennes qu’austérité et attaques de ses droits.
16. La CES a fait des propositions concernant les euro-obligations, la conversion partielle de la dette souveraine nationale en dette européenne jusqu’à 60% du PIB, la création d’une banque européenne pour la dette souveraine avec accès aux opérations de liquidité de la BCE, une agence de notation publique européenne, un programme d’investissement européen pour relancer les économies les plus durement touchées, une aide aux économies en difficulté pour restructurer leur dette, des investissements dans les infrastructures et l’emploi pour assurer la transition vers un modèle efficace au plan de l’énergie et des ressources, l’abandon des exigences de cofinancement pour les fonds structurels pour les pays en difficulté et l’implication des syndicats dans la gestion de projets, de nouvelles sources fiscales européennes telles qu’une TTF, une harmonisation de la base d’imposition des sociétés accompagnée d’une taxe minimale pour limiter le dumping fiscal ainsi que des actions contre la fraude fiscale et l’abolition des paradis fiscaux. Mises ensemble, ces propositions peuvent montrer la voie de sortie de la crise existentielle à laquelle nous sommes confrontés.
17. Le Congrès de la CES de mai dernier a réaffirmé notre engagement en faveur de plus d’intégration progressive économique et sociale en Europe pour sortir de la crise et stimuler la croissance, l’emploi et la cohésion sociale. Nous nous engageons à défendre et à promouvoir le modèle social européen. Tous nous devons être attentifs à la nécessité de soutien et de contrôle démocratiques pour faire progresser nos idéaux européens. Cela ne peut seulement être un exercice technocratique. Il faut entraîner les peuples d’Europe avec nous.