DÉCLARATION DE LA CES SUR L'ANNONCE PAR LE ROYAUME-UNI DE SON RETRAIT DE L'UNION EUROPÉENNE
Déclaration adopté lors de la réunion du Comité exécutif, à Malte, les 15 et 16 mars 2017
Réunie à Malte sous la présidence maltaise de l'UE, la Confédération européenne des syndicats (CES) a réitéré son engagement à faire en sorte que les travailleurs et les citoyens – au Royaume-Uni et dans le reste de l'UE – ne fassent pas les frais du Brexit.
Notre principale priorité commune est la défense des droits, des emplois et des conditions de vie des travailleurs.
C'est pourquoi la CES demande à ce que les négociations relatives à l'article 50 aboutissent à un accord économique et social qui protège les emplois, les conditions de vie et les droits des travailleurs, et non à un accord de libre-échange reposant sur un programme de révision à la baisse des salaires, des impôts et des normes. L’adoption de règles de concurrence équitables s’impose.
Fixer le cadre adéquat pour les négociations
Le gouvernement britannique a signalé qu'il lancera prochainement la procédure de retrait de l'Union européenne au titre de l'article 50 du traité sur l'Union européenne (TUE).
Le déclenchement de l'article 50 impose au Conseil européen d'adopter des directives qui serviront de base aux négociations sur les conditions de la sortie du Royaume-Uni de l'UE et sur leurs futures relations. Pour la CES, ces directives doivent impérativement être favorables à la conclusion d'un accord de coopération économique et sociale ambitieux pour la période post-Brexit, estimant qu'un tel accord sera dans l'intérêt de tous.
Afin de protéger les emplois et d'éviter les effets négatifs pour les économies de l'UE et du Royaume-Uni, il est essentiel que ces directives favorisent un processus de négociation organisé, lisible et équitable. Elles devront définir les modalités de gestion de ces négociations complexes, en tenant compte du large éventail de questions à aborder : le droit de rester, de travailler, d’étudier et de voyager, l'aviation civile, le transport terrestre, l'agriculture, la pêche, les normes techniques, les marchés publics, la recherche scientifique, Schengen, la fraude, l'éducation, la santé, les statistiques, l'environnement, les médias, les services financiers, l’industrie manufacturière, l'imposition de l'épargne, l'égalité, l'emploi, les retraites, les droits des consommateurs, Europol, Eurojust et Euratom, pour n'en citer que quelques-unes. Dans ce contexte, la protection de la production, de la santé et des services publics et des emplois qui leur sont liés doit être hautement prioritaire.
Pour garantir que tout cela soit correctement pris en compte et que les emplois et les droits sociaux soient protégés de manière adéquate, la CES est convaincue que le Royaume-Uni devrait rester membre du marché unique et de l'union douanière de l'UE avec les règles et libertés qui y sont liées, y compris La Cour de justice de l’union européenne (CJUE).
Le déroulement des négociations déterminera l'avenir et aura un effet à long terme sur les emplois, les conditions de vie et les droits des travailleurs.
La CES demande au Conseil européen de publier des lignes directrices pour établir une feuille de route claire pour les négociations et notamment pour:
- Garantir la participation des syndicats à chaque étape du processus, notamment la préparation du mandat et la conduite des négociations ; dans cette perspective, il convient que les directives imposent le plus haut degré d'ouverture possible et – par défaut – un principe de transparence, à moins que des arguments solides en faveur de la confidentialité ne soient avancés.
- Fixer des objectifs pour les négociations qui tiennent suffisamment compte des intérêts réels des citoyens et des travailleurs, par exemple en faisant en sorte que l’accord relatif au retrait et à la période post-Brexit favorise la protection des emplois et l'amélioration des conditions de vie et de travail, protège les normes les plus strictes en matière d'emploi et garantisse l'égalité des sexes, la promotion de la santé et de la sécurité, et la protection de l'environnement et des consommateurs.
- Garantir dès le début des négociations que les travailleurs ne seront pas utilisés comme monnaie d'échange. Cela signifie qu’elles devront permettre de garantir immédiatement le droit de rester, de travailler et de circuler aux citoyens européens résidant au Royaume-Uni et aux citoyens britanniques résidant dans l'Union européenne. Un accord équitable sur la mobilité doit également être garanti pour l'avenir.
- Demander au Royaume-Uni de transposer intégralement dans sa législation les acquis sociaux relatifs à la protection des droits des travailleurs et d’adopter une clause de non-régression. Elles doivent également appeler le Royaume-Uni à continuer à refléter dans sa législation nationale l'évolution des acquis sociaux de l'UE afin d'éviter un dumping social dans le cadre des futures relations entre le Royaume-Uni et l'UE et de veiller à ce que les travailleurs britanniques ne deviennent pas des citoyens de seconde zone.
- Garantir que les négociations prennent en compte la situation spécifique de l'Irlande du Nord et de la République d'Irlande, en fixant notamment comme objectif que l'accord de sortie protège l'Accord du Vendredi saint et garantisse la pérennité des droits des travailleurs frontaliers. De la même façon, les négociations doivent aborder la situation de Gibraltar.
- S'assurer que les négociations comprennent un accord pour une période de transition afin de laisser du temps aux ajustements. Les modalités de la période de transition devraient faire partie des négociations de sortie et ne devraient pas être un arrangement distinct négocié après les négociations de sortie. Pendant la période de transition, les règles et procédures actuelles de l'UE seraient suivies, y compris l'acquis social et le rôle de la CJUE.
- Reconnaître qu'une période de plus de deux ans peut être nécessaire pour conclure les négociations d'un accord. Il faudrait laisser suffisamment de temps pour s'assurer que toutes les questions et préoccupations énumérées dans le présent document soient traitées de manière appropriée dans les dispositions de transition.
- Indiquer qu'en cas de véritable révocation de l'article 50, cela sera facilité.
- Inclure des mesures pour garantir que les négociations sont conformes aux lignes directrices, y compris l'exigence de rapports réguliers, avec des évaluations d'impact indiquant l'impact probable sur l'emploi, les niveaux de vie et les droits des travailleurs en Europe et au Royaume-Uni.
Enfin, prenant acte du fait que des effets négatifs se font déjà ressentir sur les emplois et les travailleurs, la CES appelle à la mise en place immédiate d'un fonds visant à atténuer tout effet négatif sur les emplois et les communautés.