Adoptée par le Comité exécutif de la CES les 17 et 18 juin 2015
Le paquet « Mieux légiférer »[1] publié par la Commission européenne le 19/05/2015 est censé garantir une réglementation de l’UE qui soit meilleure, plus simple et moins contraignante.
La CES soutient cet objectif. Nous voulons une bonne réglementation qui protège les travailleurs et qui soit simple à appliquer et à faire respecter. La législation doit éviter une bureaucratie et des coûts inutiles. La législation de l’UE doit être plus efficace si elle remplace la législation nationale dans les 28 États membres.
En réalité, le paquet « Mieux légiférer » place les besoins supposés des entreprises au-dessus de tous les autres ; transforme les normes minimales en normes maximales ; confère aux analyses d’impact une valeur qu’elles n’ont pas ; introduit une procédure plus longue, plus onéreuse et plus bureaucratique qui risque de freiner le progrès social ; rend plus difficile pour les institutions élues de l’UE de modifier les propositions de la Commission européenne et pourrait saper le principe selon lequel le droit européen s’applique à tous de la même manière. En bref, il ajoute des lourdeurs administratives, ralentit les réformes progressistes et entraîne une dé-démocratisation de l’Europe. Ces changements malvenus se retrouvent également dans le nouvel accord interinstitutionnel[2].
Accords des partenaires sociaux
La CES insiste pour que le programme « mieux réguler » de la Commission respecte l'autonomie des partenaires sociaux et leur rôle de législateurs, tels que précisés par les traités. La CES est dès lors inquiète que la Commission propose que les accords des partenaires sociaux destinés à être transposés sous forme de directives[3] soient d’abord soumis à des analyses d’impact portant en particulier sur la représentativité des signataires, la légalité de l’accord et un contrôle de subsidiarité et de proportionnalité.
La CES estime que ces trois éléments ne constituent pas une analyse d’impact. Ils font déjà partie de la procédure actuelle. Aller au-delà en soumettant un accord entre syndicats et employeurs à une analyse d’impact n’est pas acceptable.
La CES rejette le prétendu droit de la Commission (au titre de l’article 155, paragraphe 2 du TFUE) de décider ou non de présenter au Conseil un accord des partenaires sociaux si les signataires le demandent.
Priorité aux entreprises
La Commission européenne semble considérer la législation comme devant avantager les PME et éviter de les accabler par une « charge réglementaire ».
La CES s’oppose au choix d’un secteur de la société – les entreprises – comme premier bénéficiaire d’une « meilleure réglementation ». La CES pense que la législation doit présenter un avantage sociétal et que les besoins des entreprises ne passent pas avant ceux des travailleurs ou, par exemple, de l’environnement.
La CES croit que proposer un « régime allégé » pour les PME et une « exemption pure et simple pour les microentreprises » engendre une concurrence déloyale et sape le principe fondamental selon lequel la législation de l’UE s’applique à tous de manière égale. Il faut en outre noter que les PME représentent 85% de tous les emplois. Les travailleurs doivent bénéficier de la même protection quelle que soit la taille de leur entreprise.
Aucune preuve n’est avancée montrant que les économies potentielles que cela entraînerait pour les entreprises seraient investies en faveur de l’innovation et de l’emploi.
Améliorer les normes minimales
La CES s’élève contre le fait que la Commission demande aux États membres, par principe, de ne pas aller au-delà de ce qui est « nécessaire » lorsqu’ils mettent en œuvre la législation de l’UE. En faisant cela, la Commission convertit ce qui constitue souvent des « normes minimales » en « normes maximales », ce qui représente une violation des traités. La Commission devrait plutôt insister sur le droit des États membres à améliorer les normes. Cela est particulièrement important dans le domaine social afin d'assurer des avancées sociales.
La CES est particulièrement inquiète du fait que le programme Refit mène à une stratégie en matière de santé et sécurité qui n'inclue aucune proposition législative et retarde des améliorations nécessaires à la législation existante.
Analyses d’impact
La CES ne croit pas que l’analyse d’impact soit forcément un outil technique neutre. Elle est au contraire souvent utilisée comme outil politique, non seulement en retardant une législation mais aussi par ses recommandations basées sur un modèle favorisant des intérêts économiques à court terme et faisant peu de cas, voire ignorant totalement, les bénéfices potentiels à long terme.
Une procédure législative longue, coûteuse et bureaucratique
La CES considère que le paquet « Mieux légiférer » introduit plusieurs nouveaux obstacles dans la procédure législative : en augmentant considérablement le nombre d’analyses d’impact et de consultations publiques, en instaurant un « comité d’examen de la réglementation » qui devra émettre une opinion positive avant la prise de toute initiative, et une « plateforme pour les parties prenantes au programme REFIT » et en proposant des groupes d’experts « indépendants » pour les analyses d’impact dans chaque institution de l’UE. La CES n'accepte pas qu'une institution européenne puisse imposer une évaluation d'impact à une autre institution. En ce qui concerne la plateforme pour les parties prenantes au programme REFIT, la CES réclame une représentation équilibrée des différents groupes d'intérêt afin d'éviter un nouveau groupe Stoiber.
La CES estime que le désenchantement des citoyens pour le projet européen se renforce faute de nouvelles propositions législatives en matière de politique sociale et que ce nouveau système va encore limiter les possibilités de progrès social dans l’UE. La CES prévient que cela risque d’aggraver le mécontentement vis-à-vis de l’UE.
Une Europe plus démocratique ?
La Commission européenne demande au Parlement européen et au Conseil d’effectuer une analyse d’impact s’ils modifient significativement les propositions de la Commission durant la procédure législative. La CES y voit une tentative flagrante de rendre plus difficiles les modifications des propositions de la Commission par les institutions démocratiquement élues de l’UE.
La CES condamne ce « coup de force » de la Commission européenne et note qu’il est contraire à l’engagement du Président Juncker en faveur d’une Europe démocratique.
Transparence ?
La CES note que la Commission européenne n’a pas soumis son paquet « mieux légiférer » à une analyse d’impact et que son engagement déclaré en matière de transparence et de consultation n’a pas été jusqu’à une discussion sur sa « meilleure réglementation » avec le Parlement européen.
[1] Paquet Mieux légiférer publié le 19/05/2015 par la Commission européenne :
http://ec.europa.eu/info/law/law-making-process/better-regulation-why-and-how_en
[2] L’accord interinstitutionnel est un accord entre les trois institutions portant sur une meilleure coordination durant la procédure législative.
[3] http://ec.europa.eu/smart-regulation/guidelines/docs/br_toolbox_en.pdf