Bruxelles, 05-06/12/2007
1. Le 20 novembre 2007, la Commission Européenne a publié une communication sur “les services d’intérêt général, y compris les services sociaux d’intérêt général: un nouvel engagement européen”, présentant son point de vue à propos de la poursuite de la consolidation du cadre légal en matière de fourniture, d’organisation et de financement des services publics au sein du marché intérieur européen. La CES regrette que la Commission ne soit pas allée au-delà d’une simple énumération des nouvelles clauses du traité – la Commission a ainsi raté une occasion de garantir que les services publics soient suffisamment respectés. La Commission aurait du saisir l’occasion au lieu de passer à côté. La Commission sera accusée de considérer les services publics comme une dispense aux règles du marché intérieur et comme encourageant la libéralisation et la privatisation. La CES a informé la Commission qu’elle devait faire des progrès plus substantiels pour changer cette perception, et enfin, qu’elle devait conduire l’analyse promise sur les conséquences de la libéralisation et, en particulier, ses effets sur l’emploi.
2. La CES reconnaît que le Traité de Lisbonne contient des avancées majeures par rapport à la situation actuelle, grâce à l’article 14 et à un protocole annexé aux traités.
- L’article 14 devient la base légale pour l’adoption d’instruments législatifs secondaires en matière des SIEG qui sont soumis à des codécisions du Conseil et du Parlement.
- Le protocole couvre les SIG (services d’intérêt général) dans leur ensemble et ne se limite donc plus aux seuls SIEG (services d’intérêt économique général) comme c’était le cas depuis 1957. Il confirme « le rôle essentiel et la vaste discrétion dont jouissent les pouvoirs locaux, régionaux et nationaux en matière de fourniture, de commande et d'organisation de services d’intérêt économique général les plus proches possibles des besoins des usagers. » Il définit les « valeurs partagées » en matière de SIEG – “qualité, sécurité, prix abordables, traitement équitable et promotion d’un accès universel et des droits de l’usager” -, leur donnant ainsi, pour la toute première fois, la valeur d’une législation primaire.
- La Charte des Droits Fondamentaux est désormais juridiquement contraignante, y compris l’article concernant les SIEG.
Il s’agit d’une avancée majeure dans la bonne direction pour deux raisons au moins : la CES a toujours réclamé un cadre légal de législation secondaire, mais le Conseil a décidé de le mettre dans la législation primaire et de donner une existence formelle aux SIG dans la législation communautaire. Le protocole réitère le principe de subsidiarité et les responsabilités des pouvoirs publics à tout niveau (tant national que local). Le remplacement de « l’économie ouverte » par « l’économie sociale de marché » ainsi que le remplacement de la concurrence non faussée en tant qu’objectif politique par la concurrence en tant que moyen politique doivent également être pris en considération.
3. Si la CES reconnaît le principe de subsidiarité et les responsabilités des Etats Membres en ce qui concerne l’organisation et le financement de l’intérêt (économique) général, elle reste toutefois convaincue de la nécessité d’un instrument légal pour la Communauté. Dès 2000, la CES et le Centre Européen des Entreprises à Participation Publique et de Services d’Intérêt Economique Général (CEEP) avaient adopté la Charte Conjointe sur les Services d’Intérêt Général. En 2006, la CES et le CEEP avaient rédigé des directives-cadres sur les services d’intérêt économique général et la CES avait pris position « en faveur d’une directive-cadre sur les services d’intérêt (économique) général » (déclaration adoptée par le Comité exécutif de la CES à Bruxelles les 6 et 7 juin 2006). En novembre 2006, la CES a lancé une pétition sur les services publics réclamant une directive sur les services d’intérêt général, pétition qui a recueilli 510.000 signatures et qui a été remise le 19 novembre 2006 au Président de la Commission. Reste à savoir comment ces services seront fournis, indépendamment du statut (spécifiquement public) de la partie qui les fournit.
4. La Commission européenne continue à lancer des initiatives sectorielles (Communication sur les services sociaux d’intérêt général, sur la santé, etc.) et horizontales (par exemple sur les partenariats entre le public et le privé) sans définir un cadre général d’ancrage des services d’intérêt général. La Commission n’a pas d’approche cohérente visant à faire face au défi de la préservation et de la modernisation des services publics. La CES a demandé à plusieurs reprises que la Commission européenne et les Etats Membres appliquent une stratégie proactive de modernisation négociée de ces services afin de les mettre en valeur et de les aider à évoluer et ce sur base de principes généraux tels que : accès équitable, service de haute qualité, prix équitables, universalité, travail et emplois de qualité, sécurité et justice sociale. La mise en place d’une Union européenne équilibrée passe en particulier par des services d’intérêt général de haute qualité qui contribueront à la cohésion régionale et sociale dans le cadre d’une économie sociale de marché.
5. La CES doit prendre acte des changements importants introduits dans la législation primaire et s’attellera à revoir sa stratégie sur les services publics. L’élaboration d’une base légale pour les réglementations et les clauses du protocole n’atténue aucunement l’importance du cadre légal. Néanmoins, il y a lieu de déterminer les parties d’une directive-cadre pouvant être reprises pour l’une ou l’autre de ces réglementations ainsi que les priorités politiques. La CES organise une conférence début avril 2008 afin d’impulser un débat interne et d’arriver à des conclusions politiques.
6. Le manque d’initiative de la Commission entraîne la CJE à combler le fossé par ses jugements. Tel n’est absolument pas le rôle de la cour. En l’absence de règles législatives claires, la jurisprudence de la Cour de Justice européenne intervient dans ce domaine afin de résoudre les conflits entre les engagements associés aux missions publiques et les libertés offertes au sein du marché unique. La jurisprudence a tendance à changer et s’applique à des cas individuels et, par conséquent, l’incertitude juridique perdure. C’est pourquoi il est d’autant plus important pour la Commission d’adopter une approche cohérente dans ses diverses initiatives en cette matière.