Déclaration adoptée lors de la réunion du Comité exécutif des 09-10 décembre 2020
La Confédération européenne des syndicats est profondément préoccupée par l'ampleur des dégâts causés par la pandémie en Europe, et dans le monde en général, et en particulier par les effets dévastateurs qu'elle a sur les travailleurs en Europe.
Les erreurs commises par le passé, avec l'adoption de mesures d'austérité et de réduction des salaires, des services publics et de la protection sociale pour lutter contre la crise financière, ont eu un impact particulièrement négatif sur les travailleurs et leurs familles en Europe. Cette approche a rendu nos économies et sociétés moins résistantes pour faire face à l'urgence actuelle.
La CES salue le plan de relance et de résilience européen. C'est une bonne nouvelle pour les dizaines de millions de travailleurs de l'UE qui dépendent d'investissements rapides pour sauver leur emploi. Un tel plan représente une opportunité historique et un changement majeur dans la politique et le processus décisionnel de l'UE, en comparaison à la réponse désastreuse, fondée sur l'austérité, donnée à la crise précédente.
Prolongation et extension des mesures d'urgence
En attendant, nous sommes confrontés à une deuxième vague de contaminations, et de nouveaux confinements sont imposés. Nous savons tous que les ressources d'investissement du plan de relance et de résilience ne pourront pas être décaissées avant le second semestre de 2021. Dans ce contexte, nous avons tous la responsabilité de protéger notre économie et nos emplois.
C'est pourquoi la CES a appelé tous les États membres à prolonger les mesures d'urgence jusqu'à l'année prochaine. Il s'agit notamment d'étendre la protection de l'aide à l'emploi et au revenu à toutes les catégories de travailleurs, y compris ceux qui exercent un travail précaire, atypique ou indépendant.
La CES demande également à la Commission européenne de refinancer l'instrument SURE pour 2021 et de fixer des lignes directrices et des priorités, conformément aux principes du Socle européen des droits sociaux (EPSR) et avec la pleine implication des partenaires sociaux.
Si cela n'est pas fait rapidement, nous allons vivre une véritable tragédie en Europe, où plus de 40 millions de travailleurs suspendus de leurs fonctions se retrouveront au chômage et sombreront encore davantage dans la pauvreté.
En outre, l'UE et les États membres ne doivent jamais perdre de vue la nécessité de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires pour aider les travailleurs et leurs familles à traverser la deuxième vague de la pandémie. Il s'agit notamment de garantir la sécurité et le bien-être des travailleurs qui continuent à mettre leur santé en danger pour fournir des services essentiels, souvent dans le cadre d'emplois sous-payés et même précaires. Il s'agit également de garantir des conditions de travail sûres et décentes à ceux qui travaillent à domicile.
Le vaccin contre la COVID-19
La CES soutient le rôle important joué par l'Union européenne dans la coordination du développement, de la fabrication et de la distribution du vaccin contre la COVID-19 ainsi que l'objectif de garantir un accès équitable à un vaccin gratuit à tous les Européens.
Nous demandons à la Commission européenne de veiller à ce que le vaccin soit acheté à un prix équitable, en évitant toute spéculation de la part des entreprises pharmaceutiques, et à ce que les travailleurs impliqués dans le processus de production du vaccin bénéficient de salaires équitables et de conditions de travail décentes.
Nous demandons à la Commission de veiller à ce qu'un nombre suffisant de doses de vaccin soient fournies pour couvrir l'ensemble de la population, et à ce que les coûts liés à leur achat ne soient pas répercutés sur les États membres, en particulier ceux qui disposent de moins de moyens financiers.
La CES approuve la recommandation faite par la Commission aux États membres, une recommandation les invitant à donner la priorité à certains groupes, notamment les catégories vulnérables et les travailleurs essentiels et de première ligne, pour les premiers lots de vaccins. La CES demande à la Commission de surveiller la mise en œuvre complète de ces critères.
En outre, la CES demande à la Commission de recommander aux États membres de veiller à ce que toutes les structures de soins de santé, les hôpitaux et les maisons de soins soient totalement sûrs et sécurisés pour les patients et le personnel. De plus, ces structures devraient être équipées d'un personnel médical en suffisance, bien qualifié et correctement rémunéré, afin de faire face à la charge de travail qui découlera du processus de vaccination et du rattrapage des traitements reportés.
Enfin, pour faire face aux urgences actuelles et futures, il est crucial que l'Union européenne renforce sa surveillance des États membres, afin de garantir à toute la population un accès équitable à des soins et des médicaments de qualité.
L'accord sur le cadre financier pluriannuel et le plan de relance « Next Generation EU »
La CES se félicite que le Parlement européen et le Conseil aient rempli leur responsabilité politique en convenant d'un budget à long terme pour l'UE et en adoptant l'instrument de relance « Next Generation EU ». Il s'agit d'un budget renforcé qui s'accompagne d'un plan de relance substantiel, ce qui constitue une bien meilleure réponse que celle apportée à la crise précédente.
Cependant, nous devons être conscients que le budget de l'UE ne peut à lui seul garantir des besoins essentiels tels qu'une transition socialement équitable vers une économie numérique et à faible émission de carbone, une amélioration des soins de santé et des services publics essentiels pour tous, et un moyen de lutter contre la pauvreté et les inégalités qui n'ont fait que s'accroître depuis la crise précédente et pendant la pandémie.
Le compromis obtenu entre les négociateurs du Parlement européen et du Conseil prévoit une enveloppe de 16 milliards d'euros, qui viendra compléter la proposition adoptée par le Conseil le 21 juillet. Les améliorations incluent l'enrichissement de fonds tels qu'Horizon2020 et EU4Health, des fonds d'une grande importance pour les citoyens européens. Toutefois, des fonds importants, tels que le Fonds pour une transition juste et l'instrument de soutien à la solvabilité pour les travailleurs touchés par des restructurations d'entreprises, n'ont pas été suffisamment étayés.
Une feuille de route portant sur l'augmentation des ressources propres de l'UE a également été adoptée, une avancée significative qui permettra d'empêcher que le financement de la reprise ne génère une dette insoutenable pour les finances de l'UE ou des États membres. Bien sûr, il reste à voir si cette feuille de route sera mise en œuvre en temps opportun, sur la base des propositions de la Commission concernant l'introduction ou le renforcement de nouveaux outils et mécanismes fiscaux au niveau de l'UE.
La CES condamne les tentatives de certains États membres de bloquer l’approbation du cadre financier pluriannuel et de la « Next Generation EU » sur la base d’un rejet du respect de l’État de droit, et exhorte les institutions de l’UE de mettre pleinement en œuvre l’accord auquel elles sont parvenues concernant les conditions liées à l’État de droit pour le financement de l’UE.
Désormais, toutes les institutions de l'UE et les gouvernements nationaux doivent exploiter au maximum les plans nationaux de relance et de résilience pour sauver et créer des emplois dans tous les secteurs et industries, et pour s'assurer que les droits des travailleurs, le dialogue social, la négociation collective et la démocratie au travail sont respectés en tant que partie intégrante d'une relance durable. Une relance basée sur des conditions de travail et de vie équitables, qui n’impliquerait pas de coupes supplémentaires sur les salaires et les pensions.
La CES demande à toutes les institutions de renforcer la participation des partenaires sociaux dans le CFP, dans le plan de relance « Next Generation EU » et dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des plans nationaux de relance et de résilience, ainsi que de faire du respect du dialogue social, de la négociation collective et des droits d'information, de consultation et de participation, des conditions obligatoires pour le financement.
En outre, la CES demande à la Commission et aux gouvernements de s'assurer qu'une transition écologique et numérique socialement juste ainsi que les principes consacrés dans le Socle européen des droits sociaux et dans l'Agenda 2030 des Nations Unies constituent des pierres angulaires du plan de relance « Next Generation EU » et de tous les plans nationaux de relance et de résilience.
La campagne de la CES pour « A People's Recovery »
La CES a lancé une campagne (A People's Recovery) et continue à se mobiliser et à faire pression avec ses affiliés pour s'assurer que les mesures d'urgence et les plans de relance sont sur la bonne voie aux niveaux européen et national.
Nous demandons aux institutions et gouvernements européens de prendre la responsabilité de ne laisser personne pour compte, de protéger les travailleurs pendant la pandémie et de leur accorder leur juste part de la relance, et d'ouvrir la voie à une économie et une société européennes fondées sur la justice sociale et environnementale.
Nous voulons donner à l'Europe un avenir qui convienne aux travailleurs. Un avenir à la hauteur des ambitions d'une transition numérique et écologique juste. Un avenir qui verra chaque État membre respecter l'État de droit. Nous voulons une Europe inclusive qui ne laisse personne pour compte et prévienne le risque de génération perdue.
Cet objectif ne peut être atteint qu'avec l'engagement de toutes les parties prenantes et une forte implication des syndicats dans toutes les décisions qui ont un impact sur les travailleurs, y compris la Conférence sur l'avenir de l'Europe et le sommet de Porto en mai 2021, qui approuveront le plan d'action pour la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux et un ambitieux Agenda européen 2030.
La CES participera activement au sommet de Porto et à sa préparation, avec nos propositions sur la mise en œuvre du socle social et des objectifs de développement durable. Ainsi que sur la révision du modèle économique et de la gouvernance de l’UE, sur la base du « dépassement du PIB » et de la construction d’un «bien-être européen» inclusif et équitable.