Bruxelles, 13-14 décembre 2000
1.1. Ainsi qu'elle l'a rappelé lors de son dernier Congrès, la CES est fermement attachée aux systèmes publics de pension qui devraient constituer l'élément fondamental, c'est-à-dire la part la plus importante, de la pension des retraités. Il est important, dans ces conditions que tout soit mis en oeuvre pour en assurer la pérennité et la viabilité financière. C'est pourquoi la CES se félicite des initiatives prises dans ce sens par plusieurs Etats-membres. Ainsi certains Etats-membres ont adapté leurs systèmes de pensions, d'autres ont mis en place des «fonds de réserves démographiques»...Lors de la mise en place de ces «fonds», il convient toutefois que les mesures soient prises, impliquant les partenaires sociaux, pour qu'une fois constitués, ces fonds restent bien affectés à leur objet initial et ne soient pas utilisés par les Gouvernements à d'autres fins.
De même, la CES est particulièrement vigilante à ce que les ressources financières de la protection sociale, et des pensions en particulier, non seulement ne soient pas diminuées, y compris aux motifs du respect du pacte de stabilité, mais soient développées par la recherche d'autres sources de financement.
1.2. L'attachement de la CES aux systèmes publics de pension est également fondé sur le fait que ces systèmes reposent sur le principe de la solidarité, aujourd'hui trop souvent remis en cause au nom de l'économie de marché. C'est occulter le fait que ces systèmes de retraite au travers des mécanismes de solidarité qu'ils mettent en œuvre tissent des liens inter et intra-générationnels qui contribuent à assurer la cohésion sociale.. Ils permettent, en outre, d'assurer des droits à pension pendant les périodes de chômage et d'interruption de carrière pour cause de maladies et pour des motifs familiaux.
1.3. La CES est également convaincue que, en ce qui concerne le devenir des systèmes de pensions, quel que soit leur mode de financement (par « répartition » ou par « capitalisation »), si la démographie est un facteur à prendre en compte, il n'est pas le seul: le développement de l'emploi et de la croissance (et de la productivité) sont essentiels. Quel que soit, en effet, le mode de financement, il n'y a de distribution à un moment donné que de la richesse existante à cet instant.
D'où la revendication de la CES, qui s'inscrit dans les objectifs du récent Sommet de Lisbonne, de développer le «plein emploi».
2.1. En complément à ces régimes publics de pension se sont développés, notamment cette dernière décennie - même si dans certains Etats-membres ils relèvent d'une tradition plus ancienne - des régimes de retraite professionnelle. Pour la CES, s'ils font partie du « paysage européen de la protection sociale » , ils ne sauraient être, ni une solution alternative au problème de la viabilité des systèmes publics de pension, ni, surtout, les remettre en cause. Il convient avant tout de pérenniser les systèmes de retraites publics et d'assurer leur mode de financement.
En revanche, dans les Etats membres où, pour des raisons historiques, le régime public des pensions est particulièrement faible, ils peuvent offrir un complément utile de ressources aux pensionnés et, à ce titre, ils doivent être généralisés à l'ensemble des salariés .
2.2 Il existe plusieurs techniques pour la mise en oeuvre de régimes de retraite professionnelle. Celle qui se rapproche le plus des principes de la technique habituellement utilisée pour les régimes publics, c'est-à-dire la répartition concrétisant les principes de solidarité et d'assurance est véhiculée par les systèmes à prestations définies . Néanmoins, les contextes nationaux et les contraintes de la négociation, et plus concrètement le rapport de forces vis-à-vis des employeurs et de l'Etat national, ne permettent pas toujours son adoption et d'autres techniques peuvent être mises en œuvre.
2.3. Pour la CES, le développement et la mise en place de ces régimes de retraite professionnelle doivent répondre, dans l'intérêt des cotisants et des retraités, à un certain nombre d'exigences, dont certaines doivent s'inscrire dans un cadre régulateur européen et être transposées au niveau national, dans la législation et/ou à travers des conventions collectives.
2.4. Sans prétendre à l'exhaustivité, les exigences de la CES - dont certaines se trouvent déjà formulées dans la Résolution du Congrès d'Helsinki - dans la mise en place des régimes de retraite professionnelle sont au nombre de cinq.
2.4.1. Ainsi, le cadre régulateur européen définira-t-il les conditions de leur mise en œuvre. Autrement dit, des fonds de pensions seront mis en place, après accord entre partenaires sociaux au niveau approprié(national, secteur, entreprise) .
2.4.2. Les régimes de retraite professionnelle mis en place ne doivent pas être seulement des fonds d'investissements aux fins de garantir une retraite personnelle mais ils doivent pouvoir aussi couvrir les risques «biométriques» , c'est-à-dire, couvrir le risque viager et garantir un revenu en cas d'invalidité ainsi qu'au veuf ou à la veuve, et le cas échéant, aux orphelins, en cas de décès du cotisant, ceci en attendant la mise en oeuvre d'une véritable individualisation des droits.
2.4.3. Les entreprises devront contribuer pour l'ensemble de leurs salariés, dès lors que des régimes de retraite professionnelle seront instaurés, et ceci, indépendamment du choix de la technique. L'accès à ces régimes de retraite professionnelle devra être garanti à tous les travailleurs du secteur ou de l'entreprise, et de la multinationale lorsqu'il y a affiliation transfrontalière , quel que soit leur âge ou qu'ils travaillent à temps plein ou à temps partiel ou encore qu'ils soient en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée.
2.4.4 Le principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes doit être appliqué.
2.4.5. Une fois les techniques de retraites professionnelles définies dans un accord entre partenaires sociaux(au niveau sectoriel et/ou au niveau de l'entreprise), les organisations de la CES, doivent être impliquées dans les choix stratégiques et le contrôle des régimes de retraite professionnelle, y compris dans le choix du ou des organismes gestionnaires. Elles devront peser sur les stratégies d'investissement de manière à promouvoir l'emploi, c'est-à-dire favoriser, en matière d'investissement, les entreprises qui sont soucieuses de développer l'emploi, celles que l'on qualifie généralement d'entreprises « socialement responsables », et donc à éviter les placements purement spéculatifs.
3.1. Au niveau européen, le cadre régulateur que revendique la CES, ne doit pas seulement se limiter à traiter les aspects financiers liés à la mise en oeuvre des régimes de retraite professionnelle , mais il doit accorder la même priorité à régler les aspects sociaux et fiscaux.
3.2. En ce qui concerne les aspects dénommés 'sociaux', la CES y inclut et la participation des partenaires sociaux dans la mise en oeuvre des régimes de retraite professionnelle (telle que mentionnée dans les paragraphes précédents) et les questions liées aux entraves à la mobilité des travailleurs.
Quant à ce dernier point, la CES veut éviter que l'on pénalise les travailleur(se)s se déplaçant dans l'Union, lorsque qu'ils(elles) veulent acquérir, voire maintenir leurs droits. Pour cette raison, le cadre régulateur doit garantir l'acquisition, le maintien et la transférabilité des droits des travailleurs concernés , la possibilité de l'affiliation « transfrontalière », l'abolition des périodes de stages requises avant l'acquisition définitive des droits à pension dans ces types de retraite professionnelle (les « vesting periods »), la revalorisation des pensions versées et des rentes viagères.
De même, la revendication de la CES que les partenaires sociaux soient associés aux choix stratégiques, et au contrôle, de ces régimes de retraite professionnelle, doit être un droit clairement spécifié, puisqu'il s'agit en fait de salaires différés.
Ceci implique également que dans ce cadre soit indiqué que, la « propriété » des fonds recueillis dans ces régimes de retraite professionnelle, reste, en dernier ressort, aux cotisants et aux retraités et ne doit pas être ou devenir celle de l'organisme gestionnaire, quelle que soit sa nature : organisme spécialisé, banque, mutuelle ou assurance.
3.3. Le cadre régulateur européen doit régler, en urgence également, la question fiscale liée à la mise en place de ces régimes de retraite professionnelle, afin d'éviter pour les travailleurs et les retraités concernés, soit la double imposition (sur les cotisations et sur les prestations), soit la non-imposition, avec ce que cette dernière solution peut représenter comme manque à gagner pour le financement général de la protection sociale. Cela nécessite l'obligation d'un minimum de coordination fiscale entre les Etats membres.
3.4. Pour ce qui est des aspects financiers, et sans pour autant entraver la liberté de manœuvre des gestionnaires ou la liberté de circulation des capitaux, mais parce qu'il est essentiel de préserver les droits des cotisants et des retraités et de promouvoir l'emploi, il est indispensable qu'un minimum de règles soient établies. Elles porteraient, notamment, sur la nécessité de développer une gestion « prudente », et donc sur la proscription des placements purement spéculatifs ou sur le montant des provisions nécessaires à constituer, en fonction de la technique choisie, pour garantir les droits des retraités et futurs retraités.
4. Enfin, il est important pour la CES que puissent être encouragés les échanges d'expériences et de bonnes pratiques, entre les organisations afin d'identifier les obstacles à la réalisation de ces objectifs et, en profitant de l'expérience des uns des autres, de trouver ensemble les solutions les meilleures susceptibles de les faire aboutir.