Participation syndicale au Semestre européen et au renforcement des capacités en matière de dialogue social et de relations du travail

 

Introduction

La CES regrette que le rôle des partenaires sociaux et du dialogue social ne soit pas suffisamment et effectivement abordé dans la communication de la Commission « relative aux mesures à prendre pour compléter l'Union économique et monétaire », ni dans le programme de travail de la Commission européen 2016. En outre, aucune référence n’est faite au Programme de travail du dialogue social 2015-2017 récemment adopté, malgré le fait que la Commission ait annoncé « un nouveau départ » pour le dialogue social.   

La Commission a tenu compte de certaines de nos suggestions concernant l’implication des partenaires sociaux dans l’élaboration des programmes nationaux de réforme (PNR) et la révision du format et du champ d’application du Sommet social tripartite et du dialogue macroéconomique. L’approche reste toutefois fragmentée. Elle n’assure pas la pleine implication à toutes les étapes du Semestre que ce soit au niveau de l’UE ou national et, au niveau national en particulier, sa mise en œuvre reste très limitée. Toute la phase 1 de l’achèvement de l’union monétaire devrait encourager l’implication des syndicats et des employeurs.

Ceci est également conforme au processus actuel « un nouveau départ pour le dialogue social » lancé par la Commission européenne en mars 2015. Deux groupes de travail parallèles constitués de représentants de la Commission européenne, des partenaires sociaux et des États membres ont abordé les questions suivantes :

Groupe thématique 1 : dialogue social, gouvernance économique et renforcement des capacités ;

Groupe thématique 2 : dialogue social, élaboration de la législation et élaboration des politiques.

Les résultats de cet exercice seront connus en février 2016.

Les partenaires sociaux ont en outre signé une déclaration sur leur « implication dans la gouvernance économique européenne » le 24 octobre 2013 présentant plusieurs propositions pour renforcer l’implication des syndicats et des employeurs à tous les niveaux du processus du Semestre européen. Bien que certaines de ces propositions aient été suivies au niveau de l’UE, de nombreuses autres n’ont pas été mises en œuvre et l’implication et l’influence des partenaires sociaux n’ont pas progressé, singulièrement au niveau national. De plus, le processus du Semestre européen a légèrement changé depuis la signature de la déclaration, tant en termes de calendrier que de contenu.

Dans ce contexte, la CES fait plusieurs propositions :

Renforcer le dialogue social à tous les niveaux

Les partenaires sociaux sont particulièrement bien placés pour aborder les questions relatives au travail à travers le processus de dialogue et de négociation qui caractérise leurs relations. Grâce à leur connaissance et leur expérience de la situation de l’emploi et des conditions sociales, les partenaires sociaux peuvent contribuer à améliorer la gouvernance et l’élaboration des politiques. Les partenaires sociaux devraient dès lors être systématiquement impliqués dans la réglementation des questions ayant un impact direct et indirect sur les matières économiques et sociales, y compris dans la fixation des règlements et dans les initiatives législatives liées à ces matières.

Dans le cadre du Semestre européen, le dialogue social peut être un moteur pour des réformes réussies, durables et inclusives dans les domaines économiques, de l’emploi et social. Les partenaires sociaux à tous niveaux devraient s’accorder avec les autorités publiques concernées sur une implication réelle, opportune et significative dans le Semestre européen (rédaction de l’EAC, discussion des rapports par pays, préparation des PNR ainsi que l’évaluation, la conception, la mise en œuvre et le contrôle des mesures de réforme pertinentes découlant des recommandations par pays. L’échange de pratiques peut être utilisé pour identifier les critères pour une implication effective des partenaires sociaux dans le Semestre européen. Ce processus est déjà en place en Autriche, Belgique, Suède et Slovénie.

Réorganiser le dialogue macroéconomique et considérer la zone euro dans son ensemble

Dans une union monétaire et un marché aussi intégrés que le marché intérieur européen, le risque est de voir des « économies nationales flexibles » faire pression sur les salaires et augmenter la flexibilité du marché du travail au détriment des travailleurs. Si une majorité d’États membres décident de se concurrencer au niveau des politiques salariales et en pratiquant un dumping social, le résultat sera désastreux pour tous.

Afin de considérer la zone euro et le marché intérieur comme un tout, la CES propose de transformer le dialogue macroéconomique en un forum où une discussion approfondie peut avoir lieu sur l’euro et les conséquences à l’échelle de l’Europe de la gouvernance économique européenne et des politiques économiques des États membres individuels.

Cela impliquerait de passer d’une discussion générale sur la situation macroéconomique de l’Europe et les « réformes structurelles du marché du travail » à un agenda plus ciblé évaluant l’impact des réformes entreprises dans le cadre de la gouvernance économique dans la zone euro, assurant une participation plus large des représentants des partenaires sociaux nationaux (pour contrebalancer la participation des États membres) et, avant toute chose, renforçant la pertinence et l’impact des discussions au sein du dialogue macroéconomique en les liant systématiquement aux étapes concernées du Semestre européen et aux réunions des organes décisionnels.

Cette dernière modalité pourrait être remplie en organisant des auditions au plus niveau des partenaires sociaux avec l’Eurogroupe et le Conseil européen des ministres des finances, en particulier dans le contexte de la proposition de la Commission de renforcer la dimension sociale du Semestre.

Rendre le Sommet social tripartite vraiment efficace

Pour rendre le Sommet social tripartite (SST) plus efficace en liant le dialogue tripartite entre partenaires sociaux, institutions de l’UE et États membres au processus décisionnel aux niveaux européen et national, le SST doit être réorganisé suivant la discussion qui a eu lieu lors de sa dernière réunion le 15 octobre 2015.

Les améliorations et les changements à considérer doivent inclure :

a)Des réunions préparatoires entre partenaires sociaux et institutions concernées au niveau politique et technique au cours des jours/semaines précédant le SST et le Conseil ;

b)Un document d’information à remettre aux partenaires sociaux en lien avec certains points de l’agenda du Conseil afin de permettre des réactions constructives et d’influencer le projet de conclusions du Conseil ;

c)La rédaction de déclarations conjointes (bipartites et/ou tripartites) sur des sujets pertinents d’intérêt commun pour adoption par le SST et présentation au Conseil ;

d)Avancer les réunions du SST à la veille des réunions du Conseil tout en maintenant la conférence de presse conjointe le jour du Conseil ;

e)L’organisation de réunions bilatérales entre partenaires sociaux et responsables concernés avant et pendant les réunions du Conseil ;

f)L’organisation d’auditions des partenaires sociaux au début de la séance plénière du Conseil pour présenter les déclarations conjointes mentionnées plus haut et/ou discuter de sujets spécifiques d’intérêt commun.

 

Installer des organes nationaux de dialogue tripartite ou renforcer le dialogue tripartite là où il existe

Le Semestre européen a un urgent besoin de rééquilibrer ses piliers économique et social. Ceci figure dans le rapport des cinq Présidents mais aucune recommandation ou décision concrète à ce sujet n’a jusqu’à présent été avancée par la Commission européenne.

La CES rejette la proposition de la Commission d’établir des conseils nationaux de la compétitivité car ils produiraient des interférences indésirables et inacceptables avec les prérogatives autonomes des partenaires sociaux portant sur la négociation collective et la fixation des salaires ou des salaires minimums légaux.

Position de la CES sur les conseils nationaux de la compétitivité, 28-29/10/2015 :

https://www.etuc.org/fr/documents/position-de-la-ces-sur-les-conseils-nationaux-de-la-comp%C3%A9titivit%C3%A9#.VmaW0b-0JMg

La CES propose plutôt de mettre en place des organes nationaux de dialogue tripartite avec la pleine implication des partenaires sociaux. Ces organes nationaux de dialogue tripartite devraient évaluer l’impact a priori tout comme l’impact a posteriori des PNR et des recommandations par pays sur toute question sociale ainsi qu’analyser la situation actuelle d’un socle de normes et de droits sociaux.

Les organes nationaux de dialogue tripartite devraient également encourager le renforcement des capacités des partenaires sociaux en matière de dialogue social et de relations du travail, assurer une implication adéquate des partenaires sociaux dans la gouvernance économique et à toutes les étapes du Semestre européen et soutenir la contribution des partenaires sociaux à l’investissement, à la demande interne, à la compétitivité et à la productivité comme facteurs pour stimuler la croissance économique.

L’installation de tels organes devrait être recommandée aux pays où ils n’existent pas ou dans lesquels le dialogue social, le dialogue tripartite et l’implication des partenaires sociaux dans la gouvernance économique et le processus du Semestre ne sont pas effectivement pratiqués. Ces recommandations ne sont pas nécessaires dans les pays où existent des organes tripartites ayant le même rôle et des prérogatives équivalentes ou pratiquant déjà un dialogue tripartite correct.

 

Dans tous les cas, de tels organes doivent être installés dans le plein respect de l’autonomie et des souhaits des partenaires sociaux et des pratiques et traditions nationales conformément à l’article 153 du traité.

Renforcer la coordination syndicale pour une participation plus efficace à la gouvernance économique et au Semestre européen

Pour faire face aux défis mentionnés ci-dessus et assurer une mise en œuvre effective des propositions, la CES et ses affiliés sont déterminés à renforcer et approfondir leur coordination interne aux niveaux européen, national et sectoriel.

La boîte à outils lancée en 2012 pour la coordination dans le domaine de la négociation collective et des salaires doit être utilisée de façon cohérente par tous les secteurs et les comités de la CES impliqués dans la gouvernance économique et le processus du Semestre.

Cet objectif sera poursuivi à travers un projet spécifique financé par l’UE visant à renforcer l’influence syndicale dans le Semestre européen (octobre 2015 – mars 2017). Ce projet a pour but de renforcer la capacité des syndicats à peser sur les consultations, tant préalables qu’a posteriori, relatives aux documents stratégiques au cours des principales étapes du Semestre européen.

La CES et ses affiliés doivent avoir la possibilité d’exposer leurs priorités en matière de politique et de réformes, qu’elles soient techniques ou politiques, tant au niveau européen que national. Des consultations précoces doivent au moins avoir lieu sur l’EAC, les rapports par pays et les PNR.

Cela demande :

a)Un travail coordonné des comités permanents de la CES, particulièrement pour la préparation de la consultation sur l’EAC en septembre ;

b)Un échange plus intensif entre partenaires sociaux européens pour préparer le SST et le dialogue macroéconomique ;

c)Un travail coordonné entre la CES et ses organisations affiliées, particulièrement pour la préparation des consultations sur les rapports par pays ;

d)L’installation des organes nationaux de dialogue tripartite mentionnés plus haut, ou le renforcement d’organes équivalents, pour assurer une consultation opportune et sérieuse des partenaires sociaux, à savoir pour la préparation des PNR et la mise en œuvre des recommandations par pays au niveau national.

 

L’évaluation a posteriori sera assurée par le Secrétariat et les comités permanents de la CES. L’évaluation de l’EAC sera présentée à l’EMCO, au CPS et lors des sessions d’information informelles avec l’EPSCO.

Pour assurer la cohérence entre les niveaux européen et national, l’évaluation a posteriori des rapports par pays doit être mise à disposition des affiliés nationaux de la CES pour préparer les consultations nationales sur les PNR.

Une fois que les recommandations par pays ont été publiées, la seule manière d’influencer le processus est de proposer des amendements. Les amendements des affiliés de la CES seront réunis dans un document unique et soumis à l’EMCO et au CPS (réunion en mai).

L’évaluation des rapports par pays devra être remise au SST durant sa réunion de printemps avant publication du projet de recommandations par pays.

La méthodologie de la CES établira les normes relatives aux documents/rapports de la CES émis pendant les étapes clés du Semestre afin d’assurer une plus grande cohérence tant au niveau technique que politique des consultations.

Les comités permanents de la CES doivent se coordonner pour créer une plateforme identifiant les priorités syndicales à présenter durant le Semestre, en commençant par la définition de principes directeurs économiques et sociaux étendus (et actualisés chaque année au mois de juillet).

Les affiliés nationaux de la CES devront identifier une personne ou un bureau responsable de la coordination du Semestre européen. Les FSE devront s’assurer qu’une dimension sectorielle soit toujours présente dans les positions de la CES.

Le Secrétariat de la CES créera une page web 2.0 de la CES sur le Semestre. Afin de favoriser le renforcement des capacités des membres syndicaux, des formations seront organisées chaque année.