Résolution de la CES sur la coordination de la négociation collective en 2010

Bruxelles, 01-02/12/2009

NON AU GEL ET AUX RÉDUCTIONS DE SALAIRES !

La négociation collective et la dynamique des salaires en 2009

1. L’année 2009 est la première année de la crise sévère de l’emploi à laquelle l’Europe est confrontée. Malgré la récession la plus brutale connue depuis la fondation de l’Union européenne, la situation de la négociation collective des salaires en Europe est demeurée stable en 2009. Avec des résultats situés entre 2 % et 3 % et un taux d’inflation au plus bas, à 0,5 %, la négociation collective dans la plupart des pays européens a permis d’accroître le pouvoir d’achat des salaires en 2009.

2. Deux facteurs peuvent expliquer la résistance de la négociation collective au cours de l’année 2009. D’une part, les syndicats ont préparé les négociations salariales de 2009 dans l’objectif de combler en partie la perte de pouvoir d’achat résultant de la hausse des prix du pétrole et de l’inflation en 2008. D’autre part, la gravité de la crise et ses conséquences sur l’emploi n’ont été admises qu’après la signature de la plupart des conventions.

3. Ceci ne veut pas dire pour autant que la récession a été sans incidences sur la négociation collective et la dynamique des salaires en 2009. La croissance des salaires négociés collectivement affiche déjà un ralentissement. Située entre 3 % et 4 % ou plus en 2008, elle s’établit entre 2 % et 3 % en 2009. En outre, les clauses d’ouverture adoptées au niveau de l’entreprise et la suppression des éléments flexibles du salaire (ex. : les régimes de participation aux bénéfices) ont pour conséquence d’abaisser la croissance des salaires réels par rapport à la croissance des salaires négociés collectivement. Le niveau et l’extension de la réduction des salaires nominaux dans les pays baltes et en Irlande sont particulièrement préoccupants. Dans de nombreux cas, les salaires du secteur public sont devenus la cible privilégiée des gouvernements pour réduire le déficit public global et « servir d’exemple » pour les négociations salariales dans le secteur privé.

4. Enfin, l’augmentation des salaires réels en 2009 ne doit pas faire oublier que des restructurations massives commencent à être entreprises et que de nombreux emplois sont maintenus grâce à la réduction du temps de travail. Ce dernier point explique l’effondrement de la dynamique des salaires par tête, qui a en réalité été réduite de moitié, passant de 3,3 % en 2008 à 1,7 % en 2009 pour l’Europe dans son ensemble. En résumé, le revenu salarial réel de l’ensemble des travailleurs en Europe a chuté de 0,5 % en 2009 (prévisions d’automne de la Commission).

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La négociation collective en 2010 et au-delà : les temps difficiles sont à venir}}

5. La reprise apparente est beaucoup trop faible pour remédier à la perte d'emplois persistante qui résulte de l'effondrement de l'activité économique en 2009. Le taux de chômage devrait atteindre 10 % (UE-27), voire 11 % (zone euro) en 2011, sans perspectives de baisse significative dans l’immédiat. La persistance de ce taux de chômage élevé et la crainte des travailleurs de perdre leur emploi affaibliront inévitablement la position de négociation des syndicats et des travailleurs dans toute l’Europe.

6. Comme l’indique clairement le rapport relatif au questionnaire sur les négociations collectives réalisé par la CES en 2009, les employeurs ont déjà lancé une offensive destinée à affaiblir la croissance salariale. Le rapport de la CES révèle également que les employeurs, dans plusieurs États membres, y compris les plus importants, ne cherchent pas simplement à imposer une certaine modération salariale. Ils préconisent en réalité une généralisation du gel des salaires, voire une réduction des salaires nominaux, sur la base d’une renégociation des salaires au niveau de l’entreprise.

7. À cette pression exercée par les employeurs du secteur privé s’ajoute la hausse des déficits publics entraînée par la crise. La pression des marchés financiers, le pacte de stabilité, les banques centrales et les inquiétudes quant à la pérennité des finances publiques pousseront les gouvernements à réduire la masse salariale du secteur public et des secteurs associés (santé, enseignement).

8. Et cette offensive ne se limitera pas aux salaires. Les conditions de travail en général (temps de travail, flexibilité, protection de l’emploi, allocations de chômage, etc.) risquent également d’être entraînées dans cette spirale à la baisse. La négociation collective sera soumise à des pressions qui viseront à contraindre les travailleurs à renoncer à certains de leurs avantages prévus par le droit du travail, voire à réduire purement et simplement la portée du droit du travail. Les taux de chômage élevés et en progression de certains groupes particuliers sur le marché du travail, comme les jeunes, les travailleurs moins qualifiés, les femmes et les migrants serviront de prétexte pour tracer une ligne de démarcation entre le « noyau dur » des travailleurs et les « exclus » et imposer une dégradation générale des conditions de travail de l’ensemble des travailleurs.

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Les principes fondamentaux de la CES pour la coordination de la négociation collective en 2010}}

9. Les travailleurs en Europe ne vont pas payer le prix d’une crise dont ils ne sont pas responsables. Cette crise n’est pas la conséquence d’une inflation salariale ou de droits trop étendus des travailleurs. Ce sont au contraire la déréglementation des droits des travailleurs et la déréglementation des marchés financiers qui, au cours des décennies, ont formé un « mélange explosif » responsable de la croissance et de l'importance des inégalités de revenus et de l’accumulation de la dette spéculative et des bulles sur la valeur des actifs. Et c’est ce « mélange explosif » qui a fini par déclencher la récession la plus sévère depuis des décennies. Préparer un nouveau « cocktail » semblable en laissant les travailleurs payer le prix de la crise de l’emploi est particulièrement cynique, car cela consiste aussi à préparer l’éclatement de la prochaine bulle spéculative et, par conséquent, la prochaine récession.

10. « Non au gel et aux réductions de salaires ». Les syndicats européens refusent d’être divisés. Il est essentiel que les syndicats résistent fermement aux pressions qui visent à les diviser. D’un point de vue individuel ou au plan local, il est compréhensible que les travailleurs, soumis à la pression de leur employeur, soient disposés à faire d'importantes concessions en termes de salaires et de temps de travail pour conserver leur emploi. Néanmoins, une politique générale du « chacun pour soi » ne fera qu’aggraver la situation. La généralisation du gel et des réductions de salaires dans toute l’Europe affaiblira la dynamique de la demande du marché intérieur, réduira à néant une reprise encore fragile, plongera l’économie dans la déflation et mènera au désastre les économies caractérisées par un endettement excessif des ménages.

11. « Non à l’instabilité des salaires causée par des mécanismes automatiques ». La crise a entraîné une baisse de la productivité du travail de 2 % en 2009. Ceci servira de prétexte pour défendre la position selon laquelle les salaires devraient être réduits, en raison de cette baisse de la productivité.

La CES ne partage pas ce point de vue. La baisse de la productivité du travail est un phénomène cyclique, et non pas structurel. Elle résulte avant tout d’une contraction de la demande. C’est pourquoi la réduction des salaires, au lieu de résoudre ce problème, ne ferait que l’aggraver.

La baisse de la productivité est par ailleurs un phénomène temporaire lié à la stratégie des employeurs qui consiste à conserver les travailleurs qualifiés pour le moment. Mais la main-d’œuvre n’est pas une marchandise. Les salaires ne reflètent pas simplement le prix d'un service fourni. Ils doivent permettre aux travailleurs et aux ménages de vivre décemment. Les salaires ne sont pas des « prix de marché » déterminés par les variations à court terme de l'économie ; ils doivent au contraire correspondre aux tendances à moyen terme de la productivité et de l'inflation.

Enfin, grâce au retard systématique des salaires sur l’inflation et la productivité au cours des dix dernières années, les entreprises disposent de marges bénéficiaires suffisantes pour résister à la baisse de la productivité, pour autant que cet effort de modération salariale n’ait pas été absorbé par les primes faramineuses octroyées aux membres des directions, les dividendes excessifs versés aux actionnaires et les rachats d’actions.

12. « Oui à la négociation collective en faveur des salaires, de la reprise et des emplois de qualité». Les syndicats dans l’ensemble de l’Europe doivent impérativement respecter une « règle d’or » : refuser de négocier des conventions qui ont pour effet de détourner des emplois d’autres pays, régions et entreprises. C’est-à-dire :

a. Soutenir une dynamique des salaires positive, tant en termes nominaux que réels, pour éviter que l’économie ne sombre dans la déflation et/ou une récession prolongée ;

b. Garantir que l’évolution des coûts salariaux corresponde à la tendance de la productivité et à l’inflation à moyen terme.

13. « Renforcer le rôle de la négociation collective ». Il est nécessaire de renforcer les institutions de négociation collective afin de résister aux pressions à la baisse qui s'exercent en période de crise. Une attention particulière doit être portée aux travailleurs qui se trouvent déjà dans une position de négociation faible par rapport à leur employeur et occupent l’échelon le plus bas du marché du travail.

La CES exhorte ses affiliés à prendre des initiatives, à formuler des propositions et à lancer des campagnes avec pour objectif de défendre et d’étendre à un nombre de travailleurs maximal les taux de salaires actuels et les augmentations de salaires prévues par les conventions collectives . [[ Plusieurs instruments pour agir en ce sens existent et peuvent être utilisés en fonction de la tradition nationale des relations de travail : extension légale de la négociation collective, taux de couverture élevés via l’affiliation à des syndicats puissants, affiliation à un syndicat afin de pouvoir percevoir des allocations de chômage dans le cadre des « systèmes de Ghent », etc.]] Afin d’éviter la concurrence salariale et la justification des « salaires de misère », la CES encourage par ailleurs ses affiliés à adopter des pratiques de négociation collective ou à promouvoir des stratégies visées à renforcer l’initiative sur le bas salaires..

14. En tout cas nous sommes convaincu que l’initiative salariale n’est pas incompatible avec la négociation de l’emploi dans les entreprises et les secteurs en crise. La défense de l’emploi, dans ces occasions représente une priorité que se peut réaliser avec des accords partants à la réduction du temps de travail, et des soutiens publique visés à la compensation salariale.

15. Plus en général nous demandons que la négociation collective pendant la crise, doit être capable de renforcer la participation des travailleurs et de leur représentants en utilisant tous les instruments législatives existants au niveau européen et national, la valorisation du droit de participation devient la condition essentielle pour pouvoir anticiper et gérer les processus de restructuration et de reconversion industrielle

Les initiatives de la CES pour soutenir les syndicats

16. Pour sa part, la CES cherchera à améliorer l’échange d’informations entre les acteurs de la négociation collective. L’objectif est d’empêcher les employeurs et les gouvernements de renforcer artificiellement leur position de négociation en désinformant les résultats des négociations collectives obtenus dans d’autres pays.

17. De plus, la CES tentera de contribuer à renforcer les positions de négociation des syndicats, à mobiliser régulièrement l'opinion publique et à mettre en évidence l’unité de tous les syndicats européens, qui défendent les mêmes principes de négociation. Les exemples positifs de conventions collectives négociées dans un pays seront par ailleurs utilisés comme point de référence à l’intention d’autres pays.

18. Enfin la CES propose d’explorer la possibilité de crées, ou sein du comité de coordination de la négociation collective, un groupe de monitorage, nommé par les membres du comité. Ce groupe de pilotage visera à échanger des points de vue et à aider le secrétariat pour un meilleur monitorage de l’évolution de la négociation collective, à fin de soutenir les lignes d’orientation approuvées par le comité exécutive. Ce groupe de monitorage se réunira à la vielle du la réunion du comité de coordination de la négociation collective.

Résolution de la CES pour téléchargement

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