Résolution de la CES sur le futur partenariat entre le Royaume-Uni et l'UE

 

Résolution de la CES sur le futur partenariat entre le Royaume-Uni et l’UE

Adoptée lors de la réunion du Comité exécutif de 13 et 14 décembre 2017

 

Situation actuelle

Les dirigeants de l’UE se sont réunis à Bruxelles les 14 et 15 décembre pour le Conseil européen. Ce sommet (dans sa configuration « article 50 », c.-à-d. l’UE 27 uniquement) a notamment conclu que suffisamment de progrès avaient été faits sur les trois points suivants : règlement financier, droits des citoyens et Irlande du Nord. Les négociations sur le Brexit vont maintenant aborder tant les arrangements transitoires que l’accord sur le futur partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni. Les conclusions du sommet précisent que le Conseil européen devrait adopter des directives de négociation sur les arrangements transitoires en janvier 2018. D’autre part, on s’attend à ce que le Conseil adopte, en mars 2018, des lignes directrices supplémentaires concernant le cadre des relations futures.

La CES reste inquiète de la situation des travailleurs européens au Royaume-Uni et des travailleurs britanniques dans l’UE qui est loin d’être claire et du manque de précisions sur la manière dont une frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord pourra être évitée.

Cette résolution expose les exigences de la CES concernant le futur accord de partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni en matière de protection des citoyens, de leur emploi, de leurs droits et de leur niveau de vie.

Un arrangement transitoire juste

Un arrangement transitoire est nécessaire pour combler le fossé qui sépare la sortie du Royaume-Uni de l’UE d’un futur accord de partenariat entre les parties. La CES plaide pour un arrangement qui évite toute situation hasardeuse qui ne profiterait aux travailleurs ni au Royaume-Uni, ni dans l’UE. Quoiqu’à des degrés différents, les bouleversements dans le marché intérieur qu’entraînerait le rétablissement de barrières commerciales affecteraient l’économie, l’emploi, les droits et le niveau de vie de l’UE 27 et du Royaume-Uni. L’incertitude n’est bonne pour personne.

Ne pas parvenir à s’entendre sur un arrangement transitoire rapprocherait dangereusement l’UE et le Royaume-Uni d’un Brexit dur le 29 mars 2019 lorsque les traités européens ne seront plus d’application. Ce serait d’autant plus imprudent qu’il faut du temps pour mettre en place les plans d’action nécessaires. Une période transitoire donnera aux négociateurs plus d’espace pour définir les relations futures tout en évitant des effets immédiats sur l’économie européenne dans son ensemble.

Le but d’un arrangement transitoire est de faire le lien entre l’accord de retrait (art. 50 TUE) et la mise en œuvre du futur accord de partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni. La CES est d’avis que la durée de la période de transition doit dépendre de la réalisation des résultats prévus et être clairement définie dans l’accord de retrait. Dans tous les cas, on ne peut indûment tarder à donner la sécurité juridique aux citoyens, aux gouvernements ainsi qu’aux opérateurs de marché.

Fondamentalement, l’accord de transition devrait être une extension de l’adhésion à l’UE aux mêmes conditions, c.-à-d. que, durant la période de transition, le Royaume-Uni reste dans le marché unique et dans l’union douanière, que le droit européen continue à être d’application et que les contributions financières sont maintenues conformément à la déclaration adoptée par la CES en mars 2017.

Cela signifie que les droits des travailleurs seront respectés de part et d’autre et que le commerce de biens et de services continuera sans heurt, sans entraves et sans droits de douane, assurant ainsi la protection de l’emploi dans l’UE et au Royaume-Uni. Cela permettra également le maintien des dispositions actuelles entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord et d’une zone de libre-échange.

Conditions du futur accord de partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni

La CES pense que les tests suivants devraient être appliqués à toute proposition sur les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni après l’arrangement transitoire. Nous demandons que ces tests soient inclus dans les nouvelles directives de négociation.

Premièrement, les droits des travailleurs existants doivent être protégés et des règles du jeu équitables assurées à l’avenir pour faire en sorte que le Royaume-Uni respecte les normes de travail et sociales européennes (voir Annexe II). La CES demande également que des droits au regroupement familial soient accordés et que des garanties procédurales claires soient définies à ce sujet. Le regroupement familial contribue à la stabilité socio-culturelle et favorise la cohésion économique et sociale – un objectif fondamental de l’UE. Il faut également garantir aux travailleurs que les droits à pension qu’ils se sont constitués ne seront pas remis en question en raison du Brexit. La CES estime que le Royaume-Uni est trop important et trop proche pour être traité comme n’importe quel autre pays tiers avec lequel l’UE négocie des accords commerciaux et qu’une série de normes plus strictes doit donc être maintenue indépendamment du fait que ces normes soient ou non actuellement imposées à d’autres partenaires commerciaux dans le monde. Une clause de non-régression sera nécessaire pour protéger l’acquis existant[1]. Prévenir un nivellement par le bas est fondamental pour éviter de réduire les normes et les droits des travailleurs de l’UE 27. Des règles du jeu équitables garantiront que les droits des travailleurs britanniques ne seront pas inférieurs à ceux de leurs collègues dans le reste de l’Europe. Le Royaume-Uni a en outre souscrit au Socle européen des droits sociaux (SEDS). Nous comptons bien que le futur accord de partenariat respecte les principes du SEDS et nous veillerons à ce qu’ils soient effectivement appliqués au Royaume-Uni après sa sortie de l’UE. Une clause contraignante sur les droits des travailleurs et les normes de travail doit également être incluse dans le futur accord de partenariat.

Deuxièmement, le futur accord de partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni doit préserver l’emploi et le niveau de vie des travailleurs dans toute l’Europe en veillant à ce que l’accès au marché unique ne soit possible pour le Royaume-Uni qu’à condition qu’il continue de respecter les quatre libertés (libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes). Cela assurera aussi un commerce des biens et services sans heurts, sans droits de douane et sans entraves tel qu’il se pratique aujourd’hui et permettra aux travailleurs de circuler entre le Royaume-Uni et le reste de l’Europe tout en maintenant les normes existantes en matière de consommation, d’environnement et de travail. De plus, la CES réclame un protocole de progrès social et une convergence salariale à la hausse entre l’est et l’ouest de l’UE afin de corriger les déséquilibres dans l’application des quatre libertés.

Il est aussi important que, parallèlement, l’UE procède à un examen de ses relations avec les dépendances de la Couronne britannique. Cet examen doit mettre l’accent sur la transparence fiscale et la mise en œuvre de systèmes de partage d’information. Indépendamment de la nature du futur partenariat, l’UE devra faire en sorte de faire obstacle aux schémas de fraude fiscale proposés par ces territoires. La récente affaire des « Paradise papers » montre que le Royaume-Uni a encore beaucoup à faire pour mettre fin au secret fiscal.

  1. Troisièmement, il faut définir une méthode de règlement des litiges et de contrôle des droits et protections. La CES estime que seule la CJUE est à même de garantir une interprétation uniforme du droit de l’Union et l’accès à la justice pour les travailleurs. Ce qui importe, c’est que les travailleurs et leurs syndicats puissent déposer plainte si leurs droits garantis par l’accord ne sont pas respectés.
  2. Quatrièmement, bien que la CES soutienne la liberté de circulation et rejetterait tout « tri sélectif » de la part du Royaume-Uni, nous réclamons une meilleure gestion de la migration qui protège les travailleurs – quelle que soit leur origine – de l’exploitation, des traitements inéquitables et des salaires bradés. Nous soutenons le principe de non-discrimination à l’encontre de tous les travailleurs : un salaire égal pour un travail de même valeur sur le même lieu de travail. La CES appelle le Royaume-Uni à adopter des mesures en ce sens comme d’autres pays l’ont fait au fil du temps et continuera également à faire pression à ce sujet au niveau européen, notamment pour la révision de la directive sur le détachement des travailleurs.

La CES réitère en outre son exigence que soit garanti à tous les citoyens de l’UE vivant et travaillant au Royaume-Uni – ainsi qu’aux citoyens britanniques dans l’UE 27 – le droit de rester tout en maintenant leurs droits existants et acquis. Il faut aussi veiller à la protection des travailleurs à Gibraltar : le futur partenariat entre le Royaume-Uni et l’UE doit préserver le statu quo.

Et, cinquièmement, la CES insiste pour que les relations futures entre le Royaume-Uni et l’UE respectent l’accord du Vendredi Saint et le processus de paix en général et protègent l’emploi, les droits et le niveau de vie des travailleurs en République d’Irlande et en Irlande du Nord. A cet effet, les futures relations doivent inclure le maintien de la libre circulation des personnes et une économie intégrant les deux parties afin de garantir qu’il n’y ait pas de frontière sur l’île irlandaise. Il faut exiger du Royaume-Uni qu’il reste signataire de la Convention européenne des droits de l’homme qui est l’une des pierres angulaires de l’accord du Vendredi Saint.

Tenant compte de ce qui précède, la CES soutient le principe d’une nouvelle relation entre le Royaume-Uni et le marché unique à travers une adhésion future du Royaume-Uni à l’Association européenne de libre-échange (AELE) et à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE). Bien qu’aucun modèle hormis la pleine adhésion à l’UE, au marché unique et à l’union douanière ne reproduise exactement les mêmes avantages, l’Accord EEE répond assez largement aux cinq tests de la CES et permettra au Royaume-Uni de participer au marché unique mais pas à l’union douanière. Ce modèle autorise un commerce sans entraves ni droits de douane et repose sur le principe que les membres de l’EEE respectent les mêmes normes techniques, de sécurité et de travail que celles de l’UE. Ceci sera important pour l’Irlande : l’accord EEE, s’il incluait l’union douanière, pourrait éviter l’établissement d’une frontière douanière permettant ainsi de respecter l’accord du Vendredi Saint[2].

L’avantage de l’Accord sur l’EEE est d’être dynamique de telle sorte que tout changement du droit de l’UE est automatiquement appliqué aux pays de l’EEE. Ceci assurera qu’à l’avenir les travailleurs au Royaume-Uni ne seront pas à la traîne de ceux dans le reste de l’UE, réduisant ainsi le risque d’un nivellement par le bas. Le fait que la Cour de justice de l’AELE soit habilitée à recevoir les plaintes est aussi important pour le Royaume-Uni puisque le pays ne sera plus sous la juridiction directe de la CJUE bien que les travailleurs continueront à bénéficier de la jurisprudence de la CJUE qui influence les arrêts de la Cour de l’AELE.

L’UE a, à maintes reprises, indiqué qu’il ne sera pas possible pour le Royaume-Uni de jouir des mêmes avantages que ceux de la pleine adhésion lorsqu’il deviendra un pays tiers. En particulier, l’UE n’admettra pas que le Royaume-Uni choisisse ce qui lui convient dans le marché intérieur sans se conformer à toutes ses règles, y compris la juridiction de la CJUE.

Prochaines étapes

La CES appelle les ministres de l’emploi de l’UE 27 à adopter une position commune au Conseil emploi et affaires sociales exigeant que les droits du travail soient explicitement inclus dans le mandat de négociation portant sur les futures relations entre l’UE et le Royaume-Uni.

La CES appelle le Conseil européen à présenter des lignes directrices afin d’établir une feuille de route précise pour la seconde phase des négociations garantissant l’implication des syndicats à chaque étape du processus, y compris la préparation et la conduite des négociations. Ces lignes directrices doivent à cet égard imposer le degré d’ouverture le plus élevé possible et la présomption de transparence à moins qu’un cas sérieux justifiant la confidentialité ne soit présenté.

Les travailleurs ont besoin d’une protection juridique renforcée pour assurer qu’ils ne seront pas discriminés ou désavantagés durant la phase de transition. La CES demande des analyses d’impact pour établir les conséquences probables sur l’emploi, le niveau de vie et les droits des travailleurs en Europe et au Royaume-Uni. Enfin, reconnaissant que les emplois et les travailleurs sont déjà négativement affectés, la CES réclame la mise en place immédiate de moyens de financement pour contribuer à lutter contre toute conséquence néfaste pour l’emploi et la population.

La CES s’oppose à tout engagement sur un futur accord de partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni qui mettrait par trop l’accent sur le commerce sans une forte dimension sociale. Le nouvel accord doit veiller au renforcement des droits du travail et de la protection des citoyens européens. Bien que le marché unique européen ne soit pas parfait, et que la CES critique ses excès néolibéraux et continuera à réclamer des réformes (surtout un protocole de progrès social), c’est à ce jour le meilleur instrument pour créer et protéger l’emploi, améliorer les moyens d’existence et garantir des règles du jeu équitables en matière de droits des travailleurs.

Annexe I : Tester les options d’un futur partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni

Sur base des cinq tests définis par la CES, les modèles suivants sont examinés.

  1. Le modèle de l’OMC : il n’impose aux membres de cette organisation aucune obligation de se conformer aux normes internationales du travail fixées par l’OIT (voir annexe) et certainement pas aux normes européennes. Ce modèle serait également plus coûteux car des barrières tarifaires et non tarifaires perturberaient immédiatement le commerce, et le commerce des services en particulier.
  2. Le modèle de l’union douanière, comme celle avec la Turquie, est aussi peu souhaitable. Les unions douanières avec des pays tiers ne contiennent aucune clause portant sur le respect des normes de l’OIT et de celles de l’UE encore moins. En outre, des droits de douane seraient imposés sur les produits agricoles ce qui augmenterait fortement le prix des aliments et perturberait le secteur agro-alimentaire irlandais qui représente une part importante de l’économie locale du pays[3]. De plus, des barrières tarifaires s’appliqueraient au commerce des services qui constitue 80% de l’économie britannique.
  3. Par le passé, le gouvernement britannique a cité le CETA comme modèle d’accord de libre-échange. La CES le rejette car seules les conventions fondamentales de l’OIT y sont mentionnées et celles-ci sont loin d’inclure les protections de l’UE relatives à l’emploi. Cet accord ne prévoit pas non plus de système efficace pour imposer ces normes : les syndicats peuvent seulement contrôler si les droits du travail sont respectés et faire part de leurs inquiétudes à ce sujet aux gouvernements sans aucune garantie de suivi systématique et de mesures correctives. Le système repose entièrement sur le pouvoir politique discrétionnaire des gouvernements de désigner un groupe d’experts sans qu’aucune sanction effective ne soit d’application. De plus, des droits de douane seraient maintenus sur les produits agricoles, tous les services ne sont pas couverts et il y a de graves inquiétudes quant aux menaces sur les services publics. La CES ne croit pas que même un CETA révisé pourrait être un modèle à suivre adéquat.
  4. Ce que le gouvernement britannique souhaiterait négocier, c’est un accord de libre-échange sur mesure. L’UE a plusieurs fois déclaré qu’il ne serait pas possible pour le Royaume-Uni de bénéficier des mêmes avantages que ceux liés à l’adhésion à l’UE lorsqu’il deviendra un pays tiers. En particulier, l’UE n’acceptera pas que le Royaume-Uni choisisse ce qui lui convient dans le marché intérieur sans se conformer à toutes ses règles, y compris la juridiction de la CJUE. La CES est également d’avis que le Royaume-Uni ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. En outre, il n’est pas réaliste de négocier, conclure et ratifier un ALE taillé sur mesure dans le temps qui reste sauf à s’accorder sur une période de transition adéquate.
  5. L’UE a dit ne pas vouloir répéter l’expérience des accords bilatéraux semblables à celui qu’elle a avec la Suisse : ils sont trop compliqués et un nouvel accord devrait être négocié pour tout nouveau problème qui se présenterait puisque l’accord avec la Suisse est figé. La CES rejoint aussi cet avis parce que la Suisse n’est pas tenue de se conformer ou d’inclure le droit européen du travail. Toutefois, certains éléments de l’accord suisse permettraient d’élargir la protection du marché local du travail que la CES soutiendrait car ils sont conformes au principe de la liberté de circulation.
  6. On a sans doute un peu oublié l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec l’Ukraine qui a l’avantage de définir en termes juridiques très précis toute la portée des relations avec l’UE, secteur par secteur, pour pratiquement tous les domaines de compétence de l’UE. L’accord inclut des dispositions juridiquement contraignantes et la conformité avec l’acquis de l’UE. C’est d’ailleurs un accord asymétrique qui privilégie le droit de l’Union (tandis que le CETA place le droit européen et le droit canadien sur un pied d’égalité). Le mécanisme de contrôle repose toutefois sur un groupe consultatif et sur un système de règlement des litiges similaire à celui de l’OMC. Ces deux éléments devront être renforcés s’ils étaient d’application pour le partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni. L’ALECA assure un niveau d’accès très élevé au marché unique européen pour les biens mais pas pour la libre circulation des personnes ou des services (ceux-ci étant limités aux secteurs financiers, des télécommunications, de la poste, du courrier et maritime), ce qui dans tous les cas serait peu satisfaisant.
  7. A ce jour, seul le négociateur du Parlement européen a évoqué l’ALECA comme modèle possible mais l’UE refuse de confirmer, attendant que le Royaume-Uni fasse part de ses exigences. L’OCDE a estimé qu’un ALECA de cette sorte résulterait en une perte de 5,1% du PIB pour le Royaume-Uni et à 0,05% pour l’UE 27, ce qui pourrait inciter cette dernière à considérer un ALECA comme étant une solution souhaitable. De plus, le fait que l’accord prévoie un alignement réglementaire en matière de concurrence, de marchés publics et de douanes serait de nature à rassurer l’UE 27 quant au respect de ces normes par le Royaume-Uni. La CES insistera toutefois pour que la formulation concernant la protection de l’emploi soit renforcée pour atteindre le même niveau de convergence réglementaire voire un alignement complet.
  8. Enfin, l’option EEE permet aux pays membres[4] de participer au marché unique mais pas à l’union douanière. Ce modèle autorise un commerce sans entraves ni droits de douane sauf pour l’agriculture et la pêche et se base sur le principe que les membres de l’EEE respectent les mêmes normes techniques, de sécurité et de travail que celles de l’UE. Afin d’accéder à l’Accord sur l’EEE, le Royaume-Uni devrait évidemment soumettre sa candidature pour adhérer à l’AELE, ce qui implique l’approbation des membres existants de l’AELE.
  9. Les membres de l’EEE commercent librement au sein du marché unique mais ils ne sont pas membres de l’union douanière. Selon les règles d’origine de l’UE, tout produit qui n’est pas entièrement obtenu ou qui n’a pas subi une dernière transformation substantielle dans un État membre de l’EEE peut être soumis à des droits de douane lorsqu’il est commercialisé au sein du marché unique. Pour les entreprises engagées dans un commerce transfrontalier, les règles d’origine pourraient se révéler problématiques.
  10. Bien que les pays de l’EEE n’aient pas formellement cédé leur souveraineté à l’UE (un aspect important de la « reprise de contrôle » par le Royaume-Uni), leur accès au marché unique dépend de leur degré d’adhésion au droit de l’UE qui ne laisse que très peu de marge sauf à s’y conformer. L’avantage de cet accord est d’être dynamique, contrairement à celui avec la Suisse, de telle sorte que tout changement du droit de l’UE est automatiquement appliqué aux pays de l’EEE. Ceci assurera qu’à l’avenir les travailleurs au Royaume-Uni ne seront pas à la traîne de ceux dans le reste de l’UE, réduisant ainsi le risque d’un nivellement par le bas – ce qui constitue une garantie plus sérieuse que l’engagement actuel du gouvernement britannique (déjà enfreint à plusieurs occasions) de « protéger et renforcer » les droits des travailleurs. Le fait que la Cour de l’AELE soit responsable de son exécution est aussi important pour le Royaume-Uni puisque cela signifie en effet que le pays ne sera plus sous la juridiction directe de la CJUE bien que les travailleurs continueront à bénéficier de la jurisprudence de la CJUE qui influence les arrêts de la Cour de l’AELE.

 

Annexe II: Normes pour la protection des droits des travailleurs

Le gouvernement britannique a mentionné les normes de l’OIT comme le cadre de référence qu’il est prêt à continuer à respecter après le Brexit si le Royaume-Uni devait reprendre ses échanges commerciaux avec l’UE aux conditions de l’OMC. Le négociateur en chef de l’UE a quant à lui indiqué ne pas être convaincu qu’il serait possible d’aller plus loin sur cette question que ce que l’UE a déjà accepté dans d’autres accords commerciaux bilatéraux. Cette position est source de graves inquiétudes : premièrement, elle ignore le fait qu’en soi l’adhésion à l’OMC n’impose pas le respect des normes de l’OIT ; deuxièmement, les recommandations des organes de contrôle de l’OIT ont été ignorées à maintes reprises par le gouvernement britannique lorsqu’il s’agissait de restrictions indues de la liberté d’association et de négocier collectivement ; troisièmement, par rapport à l’acquis social européen, les normes de l’OIT ne suffisent pas à répondre à ce qui serait attendu de la part du Royaume-Uni afin de maintenir des règles du jeu équitables et de prévenir tout risque de concurrence déloyale.

Il est à noter qu’une partie importante du code du travail britannique est dérivée de directives couvrant, par exemple, la législation en matière de santé et de sécurité, les travailleurs intérimaires, le droit anti-discrimination, l’égalité de rémunération, les droits liés à la maternité/paternité, les congés parentaux, les comités d’entreprise européens (directive TICE en matière d’information et de consultation transnationale des travailleurs) et les licenciements collectifs. Ce sont toutefois les changements ou l’abolition de la directive sur le détachement des travailleurs, de la directive relative au travail intérimaire et de la directive sur les droits acquis (directive TUPE sur les transferts d’entreprises et la protection de l’emploi) qui présentent le plus grand risque à court terme pour les travailleurs parce que ces changements entraîneraient des coûts d’emploi moins élevés.

Il est évident qu’un futur partenariat devra respecter le Charte européenne des droits fondamentaux, la Convention européenne des droits de l’homme et soutenir et promouvoir la Charte social européenne révisée, y compris le Protocole de réclamations collectives.

Pour rappel, les huit Conventions fondamentales de l’OIT sont :

            1.  
  • Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (nº 87).
  • Convention sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949 (nº 98).
  • Convention sur le travail forcé, 1930 (nº 29).
  • Convention sur l’abolition du travail forcé, 1957 (nº 105).
  • Convention sur l’âge minimum, 1973 (nº 138).
  • Convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999 (nº 182).
  • Convention sur l’égalité de rémunération, 1951 (nº 100).
  • Convention concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 (nº 111).

[1] Si la loi de retrait de l’UE est adoptée sans modification par le Parlement britannique, le Royaume-Uni n’offrirait à l’évidence pas suffisamment de garanties de conditions de concurrence équitables qui seront également un élément essentiel des relations futures.

[2] Voir Article 121 de l'Accord sur l'EEE et Protocole 41.

[3] Un rapport interne de l’EFFAT sur le Brexit montre que l’industrie alimentaire et des boissons en Irlande dépend fortement d’une chaîne d’approvisionnement transfrontalière. Le secteur tout entier de l’agriculture et de l’alimentation en République d’Irlande emploie environ 170.000 personnes (soit 8% de l’emploi total) et représente de 7 à 10% de l’économie du pays.

[4] Les pays de l’EEE-AELE sont la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein.