Résolution relative au soutien de la CES aux affiliés en matière juridique, de droits humains et de litiges stratégiques : ETUCLEX

ETUC Secretariat 2019

Résolution relative au soutien de la CES aux affiliés en matière juridique, de droits humains et de litiges stratégiques : ETUCLEX

Adoptée par le Comité exécutif des 28-29 octobre 2020

Promouvoir et défendre les droits humains, y compris les droits des travailleurs et des syndicats, a toujours été au centre des priorités et des actions de la CES. La liberté d’association, le droit d’organiser, de négocier collectivement et de mener des actions collectives, le droit à l’information et à la consultation, la liberté d’expression, l’élimination des discriminations, le droit à l’égalité de rémunération et à un emploi décent sont des valeurs qui, toutes, sont au cœur du travail de la CES. Tous ces droits fondamentaux des travailleurs sont garantis par des instruments des droits humains internationaux (ONU, OIT) et européens (Conseil de l’Europe, Union européenne) ainsi que par la plupart des États membres de l’UE et leurs traditions constitutionnelles nationales. 

Dans son Programme d'action 2019-2023 adopté en mai 2019 lors de son 14ème Congrès statutaire à Vienne, la CES, en tant que défenseur des droits humains, a réaffirmé son engagement de longue date en faveur de la promotion et de la protection des droits humains fondamentaux, des droits des travailleurs et des syndicats et des droits sociaux, y compris, entre autres, le droit à la santé et à l’aide sociale, à l’eau et à l’assainissement, à l’énergie et à l’éducation. Elle s’est notamment engagée à (§§ 229-230) :

  • développer une stratégie commune audacieuse contre les restrictions structurelles, politiques et juridiques des droits humains et syndicaux, en particulier la liberté d’association, le droit d’organisation, le droit de négociation collective et le droit de grève ;
  • améliorer le travail réalisé au sein et par le groupe consultatif de la CES sur les droits fondamentaux et les litiges, en particulier en veillant, si nécessaire en coopération avec la Confédération syndicale internationale (CSI), à utiliser davantage ou, le cas échéant, à améliorer tous les mécanismes existants de contrôle (quasi- ou extra-) judiciaire et d’application disponibles au niveau de l’ONU, de l’OIT et du Conseil de l’Europe ainsi qu’à l’échelon de l’UE et en faisant la promotion des bonnes pratiques ; et
  • continuer à demander aux institutions de l’UE, et en particulier à la Commission européenne, de veiller à ce que, dans la conception, l’interprétation et la mise en œuvre de la législation et des politiques européennes, notamment lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre du Socle européen des droits sociaux, ces instruments internationaux de l’ONU, de l’OIT et du Conseil de l’Europe soient dûment pris en compte pour éviter que le droit (et la jurisprudence) et les politiques de l’UE contredisent, restreignent ou affectent négativement les droits et principes reconnus par les instruments auxquels l’UE et/ou les États membres ont souscrit.

En outre, la CES a réaffirmé la nécessité et l’engagement de :

  • soutenir les affiliés dans leur travail d’aide aux travailleurs victimes de fraudes et d’abus transnationaux, facilitant l’échange d’informations, l’accès aux tribunaux et d’autres formes de coopération transnationale (§ 177) ;
  • élaborer une stratégie en matière de contentieux pour les cas d’absence d’application des règles de santé et de sécurité au travail (§ 216) ;
  • intenter une action en justice par l’intermédiaire de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ou du Conseil de l’Europe et de son Comité européen des droits sociaux pour violation des droits fondamentaux des travailleurs de l’UE occupant des emplois atypiques (§ 403) ;
  • (…) renforcer et coordonner les réseaux syndicaux fournissant information et assistance aux travailleurs mobiles et aux citoyens, y compris par le biais d’actions juridiques portant sur la mobilité équitable, la libre circulation et le détachement de travailleurs (…) (§ 464l) ;
  • encourager grandement la création d’une chambre pour le droit du travail et le droit social auprès de la Cour européenne de justice et de la Cour européenne. La création de telles chambres spécialisées est déjà prévue dans les règles de droit de la Cour. Les confédérations syndicales européennes seront en mesure d’envoyer dans ces chambres des représentants qui siégeront en tant que juges non professionnels et apporteront leur expertise du monde du travail (§ 178).

La capacité de la CES à fournir à ses affiliés une expertise et un soutien dans les matières juridiques et de droits humains s’est construite au fil du temps et a gagné en reconnaissance et en valeur ajoutée pour le mouvement syndical en Europe. La CES a aussi depuis longtemps fait ses preuves en intervenant – souvent avec succès –, avec ou en soutien à ces affiliés, dans des procédures et des mécanismes (quasi- ou extra-) judiciaires et dans différents fora (OIT, Conseil de l’Europe et UE) et dans une gamme étendue de domaines tels que droits syndicaux, mesures d’austérité, protection contre les licenciements, santé et sécurité au travail, protection de la vie privée et des données[1].

Afin de consolider, réaffirmer et renouveler cette collaboration fructueuse avec ses affiliés, la CES souhaite renforcer le réseau d’experts juridiques syndicaux NETLEX et le groupe consultatif Droits fondamentaux et litiges (FRLIT AG) en vue de développer un support amélioré en matière juridique, de droits humains et de litiges stratégiques qui sera identifiée sous l’acronyme « ETUCLEX ». La CES en assurera la coordination politique en s’appuyant sur les ressources existantes, notamment :

  • l’équipe juridique de la CES ;
  • la coordination des activités des comités et réseaux pertinents de la CES tels que le comité permanent Droit du travail et du marché intérieur (LIML), NETLEX et le FRLIT AG ;
  • la coopération avec l’ETUI et d’autres organisations et réseaux (juridiques) syndicaux apparentés ou pertinents.

Les principaux objectifs d’ETUCLEX sont entre autres de :

  • améliorer et donner plus de visibilité au travail de la CES et à son expertise en matière juridique et de droits humains, y compris en facilitant l’échange d’information et l’accès à l’expertise juridique existante (par ex. à travers un site web ETUCLEX dédicacé – voir ci-dessous) ;
  • fournir des conseils juridiques et un apport d’expertise aux affiliés de la CES là où c’est possible, pertinent et souhaité ;
  • consolider l’expertise, les compétences et la capacité de la CES et de ses affiliés en matière juridique et de droits humains dans le cadre de leurs activités juridiques et de contentieux afin que travailleurs et syndicats soient reconnus comme acteurs clés dans l’élaboration de la législation (sociale) et la défense de la justice sociale ; favoriser un recours plus ciblé à la législation et à la jurisprudence européenne et internationale pour promouvoir et défendre les droits des syndicats et des travailleurs ;
  • encourager une approche coordonnée des litiges stratégiques parmi la CES et ses affiliés afin d’améliorer l’accès à la justice et les stratégies de contentieux dans le but d’influencer la législation et la jurisprudence européenne et internationale ainsi que l’accès au recours collectif pour les travailleurs et les syndicats dans les fora pertinents ;
  • offrir là où c’est possible un soutien aux stratégies en matière de contentieux aux niveaux international, européen et national aux affiliés engagés dans des litiges visant à défendre et à promouvoir les droits des syndicats et des travailleurs ;
  • renforcer, là où cela s’avère pertinent et nécessaire, la présence et les interventions de la CES dans différents domaines et fora, y compris les tribunaux et organes juridictionnels, principalement au niveau européen (UE et Conseil de l’Europe) mais aussi, et si nécessaire, au niveau international (ONU, OIT) ;
  • soutenir et stimuler le renforcement des capacités et les opportunités de formation pour les experts juridiques des affiliés de la CES.

Les objectifs et les fonctions d’ETUCLEX seront davantage détaillés dans une note conceptuelle et une feuille de route qui seront régulièrement réexaminées en consultation avec le comité LIML et le FRLIT AG.

Le site web ETUCLEX servira de forum interactif (avec restriction d’accès) pour faciliter les échanges d’information et l’accès à des documents et discussions relatifs à des développements juridiques pertinents ainsi que pour améliorer la coordination de contributions et de stratégies concernant des affaires pendantes. Une base de données présentera des cas pertinents de jurisprudence européenne et internationale dans lesquels la CES et/ou ses affiliés ont joué un rôle actif. Les sections thématiques du site web donneront accès à des informations pertinentes de nature juridique et/ou syndicale ainsi qu’à des liens vers des ressources externes utiles visant à offrir une meilleure vue d’ensemble des ressources existantes, des normes en matière de droits humains et des fora juridiques disponibles. Le site web sera géré par la CES et sera enrichi au fil du temps par les contributions interactives des affiliés.

ETUCLEX vise aussi à rassembler l’expertise juridique collective en droits humains déjà présente au sein du mouvement syndical européen. Les affiliés de la CES et leurs experts juridiques pourront ainsi jouer un rôle actif dans ETUCLEX, tant en qualité de contributeurs que de bénéficiaires, qu’il s’agisse de la dissémination d’informations, du partage de bonnes pratiques, d’enseignements tirés ou de conseils juridiques. Les affiliés pourront contribuer à ETUCLEX par ex. en identifiant de façon précoce et en communiquant à propos d’affaires pendantes importantes, en analysant et en assurant le suivi de cas et de développements juridiques importants, en ayant recours aux experts juridiques pertinents des différents réseaux et/ou en participant à des groupes de travail ad hoc ou à des discussions thématiques.

Le savoir-faire collectif en matière juridique du mouvement syndical européen s’est déjà révélé être un atout et ses efforts communs au niveau européen devraient progressivement être consolidés sous forme d’une vision à long terme commune. Outre l’engagement envers le travail politique de la CES, ETUCLEX constituera un nouvel effort visant à améliorer la coordination politique, les conseils, la coopération et le soutien aux affiliés afin de stimuler et de renforcer l’appropriation, les interactions, les synergies et la mobilisation des activités juridiques et de contentieux parmi les affiliés. La CES est consciente du fait qu’il faudra du temps pour développer ETUCLEX. Elle définira donc un calendrier réaliste avec le comité permanent LIML et le FRLIT AG. 

Annexe: Résolution relative au soutien de la CES aux affiliés en matière juridique, de droits humains et de litiges stratégiques : ETUCLEX 


[1] Par ex., au cours de la période 1999-2020, la CES a présenté des interventions écrites de tiers (appelées « observations ») concernant environ 47 réclamations collectives (sur un total de 196 réclamations présentées/admises jusqu’à présent) dont plusieurs ont été introduites par des affiliés de la CES (ou par leurs membres). La CES a également introduit deux réclamations collectives en son nom et avec les affiliés concernés en Belgique et en Bulgarie. Entre 2012 et 2020, la CES a présenté 13 interventions de tiers devant la Cour européenne des droits de l’homme.