Bruxelles, les 9-10 juin 2004
1 - Le parcours commencé par la Commission Européenne avec le Livre Vert sur la RSE, en juillet 2001, afin d'ouvrir un débat sur la manière de bâtir un partenariat destiné à ériger un nouveau cadre favorisant la Responsabilité Sociale des Entreprises et des diverses parties prenantes, sera marqué par une étape importante, le 29 juin prochain, avec la conclusion du Forum Multistakeholders et la présentation des lignes d'orientation du rapport final.
2 - Cet agenda chargé nous conduit naturellement à refixer nos priorités.
3 - Dans le contexte actuel de mondialisation, le Comité Exécutif confirme son exigence d'avoir un comportement toujours plus responsable des entreprises européennes, en cohérence avec le contenu de la stratégie de Lisbonne d'une part, à savoir la valorisation de la qualité du travail et de l'emploi, du développement durable et du modèle social européen partout dans le monde, et d'autre part la communication de la Commission de juillet 2001 sur la promotion des normes fondamentales du travail.
4 - Le Comité Exécutif confirme que la RSE doit être complémentaire et d'aucune manière substitutive à la législation concernant les droits sociaux et environnementaux et aux normes fixées par les négociations collectives, ce qui implique que toute entreprise ne respectant pas les conventions, la législation ou le dialogue social ne pourrait être définie comme socialement responsable. De plus, la CES revendique la dimension sociale dans le commerce mondial.
5 - Dans toutes les occasions publiques et au forum, la CES a essayé de clarifier les éléments d'ambiguïté ou de confusion liés à la nature et à l'activité des entreprises en matière de RSE. Quelques avancées ont été obtenues en matière de participation des travailleurs et sur le respect de la législation et de la négociation. Cependant, des points clefs doivent être explicités :
- l'illusion que les rapports de pouvoir n'existeraient plus avec la RSE, avec une dilution des responsabilités de l'employeur
- l'illusion que toutes les parties prenantes sont à égalité dans cette politique3. l'illusion que la méthode « volontaire » ou autres « meilleures pratiques » seraient suffisantes pour affirmer la RSE.
6 - Le Comité Exécutif souligne que la RSE ne doit pas représenter des actes additionnels aux activités de l'entreprise, mais doit signer la nature même de celle-ci, sa gouvernance, ainsi que l'activité constante et continue de sa production, avec l'intégration des thèmes sociaux et environnementaux dans sa gestion quotidienne.
7 - Par conséquent, la CES refuse une approche philanthropique ou de « public-relation » de la RSE et soutient que la RSE doit représenter un enjeu, pas seulement d'une perspective globale et pour des pays en voie de développement, mais aussi pour une Europe élargie et intégrée à 25.
8 - Dans ce cas, la précondition étant le respect des négociations collectives et des lois, cela signifie que les entreprises doivent agir :
• pour promouvoir la négociation collective où elle est absente ou trop faible
• pour valoriser la participation des syndicats, des travailleurs et de leurs représentantsainsi que le respect et la défense de leurs droits
9 - La CES affirmedonc qu'un des éléments essentiels de la RSE est la qualité des relations industrielles à l'intérieur de l'entreprise.En fait, il serait paradoxal d'estimer comme étant « socialement responsable» une entreprise qui n'applique pas une convention collective ou ne respecte pas un contrat de travail.Ainsi, l'entreprise ne peut être responsable à l'extérieur que si elle l'est à l'intérieur.Pour le Comité Exécutif de la CES, cela signifie :
- le respect des relations industrielles
- la promotion de structures solides de participation à travers des modalités d'information et de consultation continues, particulièrement dans le cadre des Comités d'Entreprise Européens
- le développement des compétences professionnelles et de la formation tout au long de la vie pour les travailleurs
- le respect des normes en matière de santé et sécurité au travail et l'adoption de politiques de prévention
- la promotion de l'égalité entre hommes et femmes• une méthode de relation entre les partenaires sociaux capable d'anticiper les changements et de gérer les restructurations
- la promotion des droits sociaux et fondamentaux des travailleurs
- la valorisation de la qualité du travail
- la défense et l'intégration des groupes les plus vulnérables comme les jeunes, les personnes handicapées ou les personnes issues de l'immigration.
10 - Le Comité Exécutif convient que la RSE doit procéder d'une démarche volontaire, et réaffirme que cette volonté doit être encadrée selon des lignes d'orientation à fixer au niveau européen. Sans cadre, la démarche volontaire n'est pas acceptable. Lorsqu'une entreprise choisit d'être socialement responsable, elle doit le faire selon des règles précises et définies avec la participation et l'avis des syndicats.
11 - Certes, les normes de référence internationales existent déjà et sont fixées, entre autres, par les conventions fondamentales de l'OIT, les principes directeurs de l'OCDE et par l'ONU.Mais, le modèle de RSE de l'UE doit, en outre, être basé sur des valeurs européennes, des valeurs cohérentes par rapport à la stratégie de Lisbonne,au modèle social européen et à la Charte des droits fondamentaux.Aussi, nous demandons à la Commission Européenne de fixer des standards de comportement afin d'avoir un cadre homogène des critères à respecter par les entreprises, ayant fait le choix d'être socialement responsables, de manière à éviter que ces mêmes entreprises ne fixent elle-mêmes unilatéralement leurs propres critères. La nécessité pour la RSE d'aller au delà de la loi, des normes existantes, ne signifie pas que les entreprises puissent adopter une approche « à la carte » de la RSE, centrée sur certains éléments sociaux et environnementaux, en ignorant les autres aspects.
12 - Le contexte de la mondialisation, particulièrement après Cancun, demande un renforcement nécessaire pour imposer des règles de responsabilité qui permettent d'étendre des droits partout dans le monde afin de combattre l'exportation de « mauvaises pratiques » ou de dumping social et pour encadrer des entreprises qui exploitent des régions où la protection est faible voire inexistante.
13 - La CES demande à la Commission Européenne:
1) de fixer des standards et des critères précis et d'engager en particulier les grandes entreprises à fournir un rapport annuel sur l'activité écoulée en terme d'impacts sociaux et environnementaux, devant être soumis au Comité d'entreprise européen concerné
2) la promotion de standards concernant toute la gouvernance de l'entreprise et donc, pas uniquement la certification du produit final, mais aussi la transparence et la qualité de toute la chaîne de production, y compris la traçabilité des produits, la sous-traitance, la fourniture et les délocalisations
3) l'adoption d'une politique cohérente de promotion de la RSE, avec des critères d'accès pour l'utilisation des fonds communautaires et aider ainsi à une sélection positive.
La CES demande à ce que ces critères regardent en particulier les fonds structurels, les crédits à l'exportation et les offres du marché public.
4) la promotion d'un centre de ressources avec la réelle et active participation des partenaires sociaux et des autres stakeholders, pour soutenir des politiques d'information, de formation et d'échanges de connaissance et de pratiques positives
5) que les codes de conduite et/ou les labels ou des actes similaires soient élaborés dans le cadre de procédures et de contrôles clairement établis et encadrés par la Commissionet avec des instruments et/ou des agences de certification, sur base des apports et avis des syndicats et des ONGs,. Ceux-ci doivent correspondre à des critères vérifiés afin d'en mesurer le caractère légitime et représentatif.
6) La CES demande enfin que la Commission Européenne constitue un lieu de monitoring permanent visé à vérifier le respect des standards européens et qu'elle présente un rapport annuel pour mesurer les avancées de la RSE et le soumettre aux partenaires sociaux au sein du forum.
14 - La CES réaffirme être favorable à un partenariat avec des ONG, indépendantes, légitimes et représentatives, parties prenantes à l'extérieur de l'entreprise, qui partagent nos valeurs et qui peuvent jouer un rôle complémentaire indispensable dans l'articulation de la responsabilité sociale interne et externe des entreprises dans le cadre des sujets les concernant.
15 - Les priorités et les points soulignés dans cette résolution ne représentent pas seulement notre position, qui sera exposée à notre conférence finale mentionnée ci-avant, mais suggèrent des éléments de contenu à intégrer au rapport du forum et à prendre en compte pour les futures activités et initiatives de la Commission Européenne.