Bruxelles, 1 juillet 2016
- Aux membres du Comité Mobilité, migration et inclusion
- Aux membres du Comité Exécutif de la CES
Stratégie à moyen terme de la CES sur la migration, l’asile et l’inclusion
Adopté au Comité Exécutif du 8 et 9 juin 2016
Résumé
L’UE est la destination de 2 millions de migrants de longue durée par an. Ces afflux sont plus hétérogènes que dans le passé, et les politiques d’asile et de migration doivent être davantage intégrées afin de s’adapter à cette nouvelle réalité. L’UE a besoin de politiques sociales fondées sur la solidarité, l’intégration et l’inclusion au bénéfice de tous. Afin d’intégrer avec succès les migrants au marché du travail et à la société, et de prévenir l’exploitation, le dumping et la concurrence déloyale sur le marché du travail, les travailleurs migrants et locaux doivent avoir accès à des emplois qui correspondent à leurs niveaux de compétences, à l’égalité des droits au travail et à l’égalité d’accès aux systèmes de sécurité sociale. Les préoccupations légitimes des personnes, qui observent l’incapacité de leurs gouvernements à apporter des solutions humanitaires durables aux réfugiés, exigent des réponses immédiates. Le mouvement syndical doit influer davantage sur la prise de décisions de l’UE, relevant le défi de l’inclusion des réfugiés dans le marché du travail et débloquant le processus politique au sein des institutions européennes. Les syndicats défendent la tolérance et le respect de la dignité humaine et encourageront le recrutement des migrants dans les organisations syndicales comme facteur d’intégration. La CES coopérera avec la CSI pour le développement socio-économique et la consolidation des institutions démocratiques dans les régions d’origine et de transit des flux migratoires.
Le réseau UnionMigrantNet sera développé afin de renforcer la capacité des syndicats de regrouper les migrants au sein de leurs organisations et de les soutenir dans la revendication de leurs droits au travail.
L’UE - une destination pour 2 millions de personnes par an - principes fondamentaux d’une politique migratoire européenne
L’UE est la destination d’un nombre croissant de migrants, dont un plus grand nombre que par le passé demande une protection internationale. Plus d’un million de réfugiés sont arrivés dans l’UE en 2015, ce qui représente une augmentation considérable. Cependant, les pays du Moyen-Orient ont accueilli une proportion nettement plus importante de réfugiés, 4,5 millions d’entre eux se trouvant actuellement en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Irak et en Égypte. Les politiques européennes doivent refléter cette nouvelle réalité.
L’Europe doit ouvrir des voies légales et sûres pour la migration économique, le regroupement familial, les étudiants et les personnes demandant une protection internationale, afin d’éviter d’autres morts en mer et aux points de passage frontaliers, et de mettre fin à la traite des êtres humains et à la migration illégale. Une stratégie globale sur la migration et l’asile, et une plus grande cohérence entre l’ordre du jour intérieur et extérieur en matière de migration et d’asile, permettront aux 28 États membres de recevoir, de protéger et d’accueillir au moins 2 millions de personnes par an, comme l’UE l’a fait avec succès dans le passé. Les enjeux liés à la démographie peuvent entraîner une plus grande ouverture, grâce à des flux bien maîtrisés et à une approche de l’intégration fondée sur l’égalité de traitement et de droits.
Les normes internationales visent à protéger tous les migrants dans le monde entier mais, comme c’est le cas en Europe, elles n’ont pas été ratifiées ou sont mal appliquées. Les conventions internationales qui fixent les normes de protection des migrants doivent être transposées et appliquées, y compris la convention 97 de l’OIT (travailleurs migrants, révisée, 1949), la convention 143 de l’OIT (travailleurs migrants, dispositions complémentaires, 1975) et la Convention 144 du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local. La Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille doit encore être ratifiée par tous les États membres de l’UE. Les pays doivent également respecter leur engagement en vertu de la Convention de Genève de 1951 à protéger et à apporter une aide humanitaire aux réfugiés.
La stratégie européenne sur la migration, fondée sur la sélectivité et la circularité, a échoué parce qu’elle était manifestement incompatible avec la véritable composition des flux migratoires à travers le monde. En outre, les déficiences dans la gestion de la crise des réfugiés et des politiques migratoires se traduiront par un nombre croissant de personnes et de travailleurs au statut incertain ou dépourvus d’un statut de résidence approprié.
Des politiques sont nécessaires afin de répondre à la nouvelle réalité des flux migratoires
La CES demande à l’UE et aux États membres de suivre une approche globale des politiques migratoires, comme proposé par le Parlement européen. La future stratégie européenne doit accorder plus d’attention à la situation de la population migrante qui réside déjà dans l’UE, privilégiant une approche fondée sur les droits garantissant le droit de séjour à tous les travailleurs contraints par leurs employeurs à une situation irrégulière et l’égalité complète de traitement avec les travailleurs locaux.
La CES est convaincue que l’immigration bien gérée peut contribuer à relever les défis auxquels la société sera confrontée dans les années à venir. Maintenir un solde migratoire positif net doit être un objectif à moyen terme de l’UE. Mais les arrivants doivent pouvoir être en mesure de contribuer rapidement et pleinement au développement socioéconomique des sociétés d’accueil, en commun avec les autres membres des communautés d’accueil.
Le mouvement ouvrier lutte pour la protection de tous les travailleurs, pour des systèmes de protection sociale universelle et de qualité, et pour la solidarité et l’égalité au sein de sociétés hautement performantes. Le modèle social européen a fait l’objet de nombreuses attaques, et l’on observe un retour en force de la rhétorique xénophobe qui met en cause les migrants plutôt que les décisions politiques et économiques erronées, qui entraînent des niveaux élevés de chômage et d’exclusion sociale. Les dirigeants européens exploitent de plus en plus les peurs de certains travailleurs, y compris les membres des syndicats, affirmant qu’accepter davantage de migrants aura pour conséquence une réduction des normes de protection sociale, du nombre d’emplois, et la détérioration des conditions de travail.
Nous devons répondre à ces peurs par des faits, et offrir des solutions. Les syndicats sont au premier plan de la lutte contre l’exploitation, la traite et le travail non déclaré. Les cas d’emploi irrégulier de ressortissants de pays tiers soulevés par les syndicats doivent faciliter la régularisation de la situation de ces travailleurs. La législation de l’UE, à commencer par la directive sur les sanctions à l’encontre des employeurs, doit être révisée, afin de créer des conditions plus favorables et que les migrants soient en mesure de sortir de situations d'irrégularité et d’exploitation contraintes
Les syndicats s’insurgent contre l’exploitation et la concurrence déloyale entre travailleurs migrants et locaux, et luttent pour une égalité complète de traitement sur le marché du travail, sur le lieu de travail et dans l’accès aux systèmes et prestations de protection sociale. À cet égard, des mesures spécifiques doivent être entrepris pour éliminer toutes les formes de discrimination liée à l’immigration. Les syndicats sont résolus à formuler un discours différent sur la migration et les réfugiés, par la pression et la négociation, mais aussi au moyen de stratégies de communication et d’éducation.
Une politique migratoire fondée sur la solidarité, l’intégration et l’inclusion au bénéfice de tous
Les données disponibles montrent que, dans les pays où les politiques d’intégration sont plus efficaces, les migrants sont des contributeurs nets à la solidarité globale car ils paient davantage d’impôts et de cotisations qu’ils ne reçoivent d’aide ou de services.
En revanche, un contexte migratoire peut entraîner de mauvais résultats économiques et sociaux lorsque les migrants sont exposés à de nombreux types de discriminations. L’égalité de traitement est le ciment qui maintient la cohésion de la société, et l’égalité des chances est l’élément moteur d’une société dynamique. L’ensemble des politiques de l’UE doit systématiquement promouvoir les investissements dans des produits et services publics de qualité. Il relève de la politique migratoire d’inscrire les migrants dans un cercle de solidarité et de préserver la cohésion sociale.
À cette fin, il est nécessaire que les travailleurs migrants et les travailleurs locaux aient accès à l’emploi et bénéficient de l’égalité des chances sur le marché du travail et de l’égalité de traitement sur le lieu de travail.
Les syndicats en Europe sont préoccupés par le développement des conditions d’emplois précaires et l’utilisation des migrants - et d’autres travailleurs vulnérables - par de mauvais employeurs afin d’affaiblir les travailleurs locaux. Ces conditions de travail précaires et abusives, associées aux réductions des services publics pratiquées par un certain nombre de gouvernements poursuivant des politiques d’austérité mal inspirées, ont alimenté les craintes liées à la migration et aux réfugiés parmi les communautés et les travailleurs locaux.
Les formes d’emploi précaires répandues affaiblissent la position des travailleurs sur le marché du travail. Les migrants, et les femmes migrantes en particulier, sont davantage susceptibles de se trouver dans des situations précaires et au chômage. Des contrats de travail plus stables et fiables pour tous restent une revendication essentielle du mouvement syndical. Il s’agit là de la seule façon d’éliminer les inégalités sur le marché du travail et de mettre un terme à la spirale descendante de la protection et des droits du travail qui frappe l’ensemble des travailleurs dans l’UE.
Tous les travailleurs doivent avoir des droits en matière d’emploi, dont le respect soit effectivement assuré, et les employeurs doivent négocier avec les syndicats afin de garantir que tous les travailleurs disposent d’un contrat de travail stable et reçoivent un salaire équitable. Établir un seuil pour les droits des travailleurs est également essentiel afin de mettre un terme à la concurrence déloyale sur le marché du travail. Entre-temps, les gouvernements doivent suivre l’évolution de la population et réaliser les investissements nécessaires pour répondre à l’évolution des besoins.
Se prononcer en faveur d’une position plus influente des syndicats dans les cadres décisionnel et juridique de l’UE
La CES veillera à faire valoir les revendications des syndicats relatives à l’intégration et aux conditions de travail des migrants dans l’ensemble des principaux processus décisionnels de l’UE, y compris le Semestre européen et le pilier social, le cas échéant. Les droits sociaux sont universels et doivent s’appliquer à l’ensemble de la population, indépendamment de la nationalité ou du statut d'immigration. Les exceptions basées sur la nationalité ou le statut d’immigrant sont inacceptables. Les différences entre les travailleurs selon le statut d’emploi ou d’immigration doivent être supprimées.
La CES continuera de suivre l’évolution de la législation communautaire afin de garantir l’application correcte de la directive concernant le statut de résident de longue durée et de la directive relative au regroupement familial, et de superviser la mise en œuvre correcte de la directive relative aux travailleurs saisonniers. Elle s’efforcera de remédier aux déficiences dans le principe de l’égalité de traitement dans la directive relative aux transferts intra-entreprises.
La CES soutiendra la révision de la directive sur la carte bleue si cette révision permet d’ouvrir des voies légales et d’étendre l’accès à la carte bleue à un plus grand nombre de migrants, sans porter atteinte aux normes de protection. La CES continuera de plaider en faveur d’une directive cadre établissant une norme unique d’égalité de traitement pour les ressortissants de pays tiers travaillant en Europe.
La CES s’opposera à toute forme de libéralisation des visas et à toute autre disposition issue de la conclusion d’accords commerciaux qui visent à ouvrir les marchés des services aux entreprises de pays tiers, qui nuisent au principe selon lequel s’applique la législation du pays dans lequel le travail est effectivement réalisé.
Relever le défi de l’intégration et de l’accueil des réfugiés sur le lieu de travail
L'Union européenne et ses États membres ont des obligations internationales d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile et des personnes en besoin de protection humanitaire. Actuellement, il nous faut reconnaître que l’UE, malgré les efforts déployés par la Commission européenne et quelques gouvernements, ne respecte pas ces obligations. Pourtant, une politique plus responsable et partagée à l’égard des réfugiés permettrait à l’Europe de tirer le meilleur parti d’une contribution potentiellement positive des réfugiés à l’économie, à la société et au marché du travail en Europe.
L’inclusion des réfugiés dans le marché du travail représente un défi que les sociétés d’accueil peuvent transformer en opportunité. Il est estimé qu’une intégration rapide des réfugiés peut avoir des effets positifs immédiats sur le PIB, de sorte que la croissance des dépenses publiques finance de nouvelles infrastructures et de nouveaux emplois.
Des effets encore plus notables sont susceptibles de se produire à long terme en raison du dynamisme que les réfugiés peuvent apporter aux communautés d’accueil.
Il s’agit là d’une raison pour créer une politique active qui inclue les réfugiés dans le marché du travail. Seuls quelques pays se sont montrés confiants dans leur propre potentiel et ont décidé de relever le défi. Il est évident que cela n’est possible que si les réfugiés sont réinstallés de manière appropriée dans l’ensemble des États membres de l’UE, en fonction des besoins et des capacités de chaque économie et marché du travail de les inclure. Faire reposer la charge d’une politique européenne de l’asile sur quelques pays seulement, comme c’est le cas ces dernières années et ces derniers mois, provoque des crises politiques et une agitation sociale, ainsi que des sentiments hostiles au sein des populations locales, détruisant la solidarité européenne et sa capacité à faire face correctement à cette situation d’urgence.
L’impact que pourrait avoir une augmentation brusque et exceptionnelle du nombre de réfugiés sur les marchés du travail locaux ne doit pas être sous‑estimée. La capacité de travail des réfugiés peut être affectée par les conditions difficiles de leur périple, leurs souffrances physiques et psychologiques et, notamment, le stress lié au paiement des trafiquants d’êtres humains. Beaucoup de femmes ont été confrontées à de la violence et du harcèlement durant leur périple. Ils ont besoin d’une attention particulière et d’un programme de soutien crée sur mesure.
Une intégration réussie des réfugiés dépend de la satisfaction des besoins et des droits fondamentaux, comme le traitement équitable et efficace des demandes d’asile (y compris les procédures d’appel), le logement, la santé, l’alimentation, l’éducation des enfants, l’accès aux services publics et des ressources financières suffisantes pour couvrir les besoins fondamentaux. L’accès à l’emploi requiert davantage d’investissements dans l’évaluation, la mise à niveau et la reconnaissance et l’adéquation des compétences et des qualifications. En outre, seul un réfugié sur trois peut raisonnablement espérer s’installer de façon permanente. Cela peut décourager les personnes à investir dans leur permanence et les inciter à préférer des revenus inférieurs mais immédiats, et compliquer la planification, par les acteurs privés et publics, de la meilleure utilisation des ressources disponibles. Les « compétences garanties » introduites dans l’agenda de compétences doit être une opportunité pour tous les migrants et les réfugiés, si nécessaire avec des programmes spécifiques adaptée à leurs besoins individuels spécifiques.
La CES souhaite souligner que les pays ayant accueilli des réfugiés en 2015 ont déjà enregistré des bénéfices en termes de croissance du PIB (entre + 0,3 % et 0,5 %), essentiellement en raison des dépenses publiques supplémentaires dans des infrastructures et de nouveaux emplois pour des médecins, des fonctionnaires, des psychologues, des enseignants, des formateurs, etc. Les effets sur l’emploi et la croissance resteront positifs au cours des années à venir si nous prenons les décisions appropriées aujourd’hui.
Les réfugiés dont le potentiel est le plus grand sont les enfants. Les enfants doivent pouvoir accéder immédiatement à l’école et aux possibilités d’établir des relations avec la population d’accueil.
Pour les réfugiés adultes, les partenaires sociaux européens ont identifié des priorités claires. Plus tôt les réfugiés sont employés, plus importants sont les bénéfices pour les sociétés d’accueil. Pour que tel soit le cas, les pouvoirs publics doivent investir dans l’évaluation, la mise à niveau et l’adéquation des compétences. Les partenaires sociaux peuvent contribuer à atténuer l’impact d’une arrivée soudaine de réfugiés sur les marchés du travail locaux.
Le dialogue social est une réponse au besoin de mobiliser l’ensemble des acteurs économiques et sociaux afin de créer un environnement favorable aux politiques du marché du travail. La déclaration conjointe des partenaires économiques et sociaux européens sur la crise des réfugiés, signée en mars 2016, doit encourager les partenaires sociaux nationaux, conjointement avec les institutions, à conjuguer leurs efforts afin de mettre en œuvre des mesures concrètes d’intégration des migrants et des réfugiés, en fonction des contextes nationaux. Le récent accord tripartite conclu au Danemark est un exemple de coopération véritable et clairvoyante pour une inclusion rapide et équitable des réfugiés dans le marché du travail. Des conventions tripartites et programmes multipartites ont déjà été conclus dans d’autres pays européens. Ces bonnes pratiques doivent être diffusés et multipliés.
La CES continuera de soutenir le Dialogue sur les compétences et les migrations, lancé par le DG Migration et Affaires intérieures de la Commission européenne en janvier 2016. La participation des entreprises et des syndicats doit être mieux exploitée afin d’identifier les lacunes sur le marché du travail et de créer les conditions de l’ouverture de voies légales. Dans le cadre de la coordination de la participation syndicale au Dialogue, la CES demande une approche fondée sur l’égalité de traitement et sur les droits, pour l’intégration professionnelle des migrants et des réfugiés.
Débloquer le processus politique au sein des institutions européennes
Afin de libérer le potentiel de la migration, l’Europe a besoin d’une politique commune en matière d’asile et une nouvelle politique migratoire. Le processus politique au sein des institutions européennes doit être débloqué. La CES a déjà dénoncé l’absence de mise en œuvre de décisions communes, notamment concernant les mécanismes de transfert et de réinstallation. Elle a critiqué les décisions récentes du Conseil et, en particulier, a incité à mettre fin à l’accord entre la Turquie et l’UE.
L’heure est venue pour les gouvernements nationaux de s’engager en faveur d’un régime d’asile européen commun, tout en acceptant également des normes européennes communes et contraignantes concernant l’accueil et la réinstallation des demandeurs d’asile. Dans le respect de la lettre et de l’esprit des obligations internationales pour la protection des réfugiés, le régime d’asile commun doit privilégier les intérêts des demandeurs de protection internationale. Les États membres sont invités à respecter leurs obligations de solidarité et de responsabilité au sein d’un régime d’asile commun et à accroître par conséquent les capacités d’accueil de l’UE. Ceci donnerait l’exemple au monde entier.
Le régime d’asile commun contribuera au fonctionnement harmonieux de l’espace Schengen, qui constitue l’une des principales réalisations de l’UE et un symbole de liberté pour 500 millions de citoyens européens.
Le 4 avril 2016, la Commission européenne a publié une communication intitulée : « Vers une réforme du régime d’asile européen commun et le développement de voies sûres et légales d’entrée en Europe ». La Commission a enchaîné avec le lancement d’un premier train de mesures législatives qui comprennent une proposition de refonte du règlement Dublin III. Un deuxième train de mesures sera proposé en juin, et un plan sur l’intégration et la migration régulière est prévu pour juillet.
Dans ce contexte, la CES se mobilisera pour :
a) Démonter les mensonges sur les migrants et les réfugiés, tout en faisant mieux connaître les obligations internationales envers les demandeurs de protection internationale.
b) Demander instamment la mise en place de mécanismes européens pour la réinstallation des demandeurs de protection internationale et s’opposer à toute forme de monétisation du droit fondamental des réfugiés à la protection.
c) Soutenir les propositions visant à instaurer des normes plus contraignantes pour les structures d’accueil et d’aide aux réfugiés afin de faire de l’ensemble du territoire de l’UE un lieu sûr pour les demandeurs de protection internationale.
d) Demander l’ouverture de voies légales et sûres pour les demandeurs de protection internationale et les migrants économiques afin de lutter plus efficacement contre la traite des êtres humains.
Les syndicats pour la tolérance et la dignité humaine
Il existe une méfiance croissante quant à la capacité de l’UE et des institutions nationales de gérer les politiques en matière d’asile et de migration. À défaut de réponse à cette situation, les mensonges peuvent conduire à l’adoption d’attitudes d’intolérance. Les individus sont enclins à des réactions excessives car nombre d’autres facteurs, y compris la crise économique et le chômage, ont ébranlé la cohésion sociale en Europe. Afin de lutter contre le populisme et la xénophobie, le mouvement syndical doit faire échec à ces mensonges et formuler son propre discours. Les syndicats s’adresseront à leurs membres et à l’ensemble de la population, ainsi qu’aux pouvoirs publics à tous les niveaux, au moyen de messages fondés sur des valeurs, qui ne perdent pas de vue les difficultés qu’implique la migration, mais expliquent, sur la base de faits et de preuves, les avantages que peuvent apporter pour tous des flux migratoires bien gérés.
La CES dénonce les restrictions imposées à la liberté de la presse. Les journalistes ne sont pas toujours autorisés à témoigner et rapporter de la situation vécue par les réfugiés dans les camps de réception et des centres de détention. Dans le même temps la CES invite les médias et la presse à respecter leurs valeurs éthiques, à s’engager à dire la vérité et à s’abstenir de se nourrir de fausses représentations de la réalité qui peuvent générer des sentiments mal placés dans l’opinion publique en Europe et dans le monde entier et d’inciter à la haine.
Le mouvement syndical est convaincu que l’Europe prospère grâce à ses sociétés ouvertes et aux relations humaines fondées sur des rapports de confiance. La xénophobie et l’intolérance ferment les esprits et entravent le développement culturel dans les sociétés européennes. Des forces politiques irresponsables se servent de la peur, répandent des mensonges et des mythes non seulement sur les migrants mais aussi sur toutes les personnes qui représentent la diversité. La réalité montre que les sociétés enracinées dans leurs peurs connaissent une croissance économique plus lente et un moindre progrès social pour tous.
La CES continuera de proposer des politiques en matière de migration et d’asile sur la base de faits et de preuves, fondant son message sur le respect des droits et l’égalité des chances.
Les syndicats eux-mêmes sont un facteur d’intégration. Dans la mesure où 7 % de l’affiliation syndicale à l’échelle européenne est composée de migrants, il n’y a pas de place pour le racisme, la xénophobie ou toute autre forme d’intolérance au sein du mouvement syndical. Le mouvement syndical défend les droits des travailleurs. Les membres de la CES sont engagés dans la lutte contre toute influence xénophobe parmi leurs soutiens.
Le réseau UnionMigrantNet montre que le mouvement syndical représente les migrants et leur apporte un soutien concret, gratuitement et indépendamment de leur statut. Il montre aussi que les syndicats ne sont pas disposés à permettre à quiconque d’exploiter les travailleurs pour interrompre le progrès social en Europe. L’heure est venue de formuler des propositions qui font entendre en permanence la voix des travailleurs issus de l’immigration dans le cadre de l’élaboration des politiques syndicales.
La CES travaillera en faveur d’une intégration à double sens, investissant dans l’affiliation syndicale des migrants et renforçant leur visibilité dans les organes de la CES. La CES encouragera ses affiliés à faire de même.
UnionMigrantNet montre le travail que réalisent les affiliés de la CES pour aider les migrants à revendiquer leurs droits au travail et à être traités sur un pied d’égalité avec les autres travailleurs. UnionMigrantNet fait également office d’exemple de coopération syndicale transfrontalière de soutien et d’organisation des travailleurs. Le mouvement syndical européen est disposé à partager ses compétences acquises dans le domaine de l’aide aux migrants et de leur intégration, au service des espaces de libre circulation. UnionMigrantNet rassemble, dans un réseau transfrontalier unique, les meilleures expériences à l’échelle européenne, et est le mieux placé pour réaliser des activités de projet afin de renforcer la coopération avec les syndicats, notamment dans les pays d’origine et de transit.
La CES développera UnionMigrantNet afin de renforcer l’attrait et la visibilité de l’aide des syndicats aux migrants. Un groupe ad hoc sera constitué afin de recenser les projets pilotes de coopération transfrontalière et de reconnaissance mutuelle des membres au sein d’UnionMigrantNet.
La migration dans les politiques de coopération au développement
La stratégie à moyen terme de la CES comprend un engagement renouvelé afin de renforcer le lien étroit entre migration et coopération au développement, dans le cadre de la coordination des membres européens du Réseau syndical de coopération au développement.
À la suite de la déclaration conjointe de la CSI-CES adressée à l’occasion du sommet UE-Afrique en 2015, la CES étudiera l’interdépendance des dimensions interne et mondiale de la migration, en faisant mieux connaître les effets positifs et négatifs que peut exercer la mobilité sur les pays et les régions les moins développés. La CES soutiendra les stratégies de coopération internationale en faveur du développement socio-économique et de la consolidation des institutions démocratiques. La CES renforcera sa coopération avec la CSI et les syndicats sur d’autres continents dans les domaines de la migration, de l’asile et, de façon générale, dans la lutte contre le populisme et la xénophobie.
Il sera particulièrement important de suivre la mise en œuvre des objectifs de développement durable et du programme des Nations Unies pour le développement durable à l’horizon 2030, en Europe et dans le monde entier, y compris la protection des travailleurs migrants dans le cadre des objectifs de travail décent dans les secteurs public et privé.
Une attention particulière sera accordée au recrutement éthique de travailleurs bien informés et aux risques liés à la fuite des cerveaux. Le code de conduite FSESP-HOSPEEM concernant le recrutement et la rétention transfrontaliers éthiques reste une bonne pratique.
Le dialogue social doit être intégré au modèle de coopération de l’UE, afin de faire participer les entreprises multinationales au soutien du programme pour le travail décent dans les pays d’origine d’émigration de masse.
À cette fin, la politique commerciale de l’UE doit imposer aux entreprises de défendre les Principes directeurs des Nations Unies dans les chaînes d’approvisionnement. La politique européenne de développement doit également refléter les objectifs liés à la justice climatique, la promotion de l’égalité hommes-femmes et l’égalité des chances pour tous, la lutte contre l’esclavage moderne et le travail forcé, et le développement de l’éducation à l’école.
La CES demande aux États membres de financer adéquatement les politiques de développement en faveur de ces objectifs et de collaborer avec la CES et la CSI comme partenaires dans ce travail. La CES soutiendra la CSI dans sa lutte pour maintenir les ressources allouées aux fonds de coopération au développement dans le cadre de l’aide publique au développement (APD).