Une « carte de services européenne » (précédemment appelée « passeport de services ») sera-t-elle inclue dans un « paquet marché intérieur » qui doit être présenté la semaine prochaine par la Commission européenne ?
L’idée est censée rendre plus facile la fourniture de services transfrontaliers par les entreprises mais les syndicats et les employeurs s’y opposent.
Les syndicats y voient :
- un programme de soutien au travail non déclaré, aux sociétés boîtes aux lettres et une manière d’éviter les normes de travail, la juste rémunération et les conventions collectives et d’encourager le dumping social ;
- une négation des efforts du Président Juncker visant à assurer une rémunération égale pour un travail de valeur égale par une révision de la directive sur le détachement des travailleurs.
« La carte de services européenne dispensera les employeurs de l’obligation de prouver que les salaires et les cotisations des travailleurs détachés sont correctement payés, affaiblissant ainsi la législation qui les protège. », a déclaré Thiébaut Weber, Secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats (CES).
« Les syndicats ont apporté leur plein soutien au Président Juncker pour son rejet du « carton jaune » contre la révision de la directive sur le détachement des travailleurs et, pour les mêmes raisons, nous pensons que cette proposition mérite de recevoir un carton rouge immédiat. »
« La carte de services européenne limitera les inspections du travail et va à l’encontre de tous nos efforts pour améliorer les conditions de travail », explique Oliver Roethig, Secrétaire régional du syndicat du secteur des services UNI Europa. « Il s’agit d’une tentative d’introduire par voie détournée une mini-directive Bolkenstein (sur les services). La proposition a échoué en 2006 et elle échouera à nouveau. Nous avons besoin d’un marché intérieur équitable pour les services, pas de plus de dumping social. »
En plus d’une opposition générale à la proposition, des inquiétudes très particulières sont exprimées par l’industrie du bâtiment qui est un secteur prioritairement ciblé par le système de « carte de services européenne ».
La Fédération de l'industrie européenne de la construction (FIEC) et la Fédération européenne des travailleurs du bois et du bâtiment (FETBB) reconnaissent que « la carte de services européenne proposée ne répond pas aux besoins du secteur de la construction » et qu’elle « créera probablement d’autres problèmes, favorisera les abus transfrontaliers et perturbera l’efficacité du travail journalier de l’inspection du travail ». Elles ont écrit au Président Juncker pour lui notifier leur opposition et insister fortement pour qu’il « s’abstienne » de la leur imposer.
« Le secteur de la construction connaît un énorme problème avec des entreprises frauduleuses qui méprisent les règlements », confirme Dietmar Schäfers, Président de la FETBB. Et Sam Hägglund, Secrétaire général de la FETBB d’ajouter : « L’industrie du bâtiment est déjà extrêmement compétitive. Les employeurs honnêtes sont victimes d’une concurrence déloyale de la part d’intermédiaires voyous qui ne paient pas leurs travailleurs correctement et lésinent sur leur santé et leur sécurité ».
De leur côté, UNI Europa et les organisations patronales du secteur de l’assurance, Insurance Europe, l’Association des assureurs mutuels et des coopératives d’assurance en Europe (AMICE) et le Bureau international des producteurs d'assurances et de réassurances (BIPAR), ont également écrit au Président Juncker pour contester la carte de services et demander avec insistance à la Commission d’exclure leur secteur du champ d’application de la directive.