Défendre l'Europe, c'est défendre le droit du travail et de l'environnement

La Confédération européenne des syndicats (CES) et industriAll Europe s'opposent fermement aux propositions de la Commission européenne visant à exempter le secteur de la défense du droit du travail et de l'environnement, ainsi que de la législation sur les produits chimiques dans le cadre du dernier paquet législatif Omnibus. En particulier, nous nous opposons à la tentative de réinterprétation et de modification potentielle de la directive sur le temps de travail (DTT). Cette tentative d'affaiblir les pierres angulaires de la politique sociale de l'UE sous couvert de "préparation à la défense" est inacceptable et doit être retirée immédiatement.

La directive sur le temps de travail est un acquis essentiel qui protège la santé, la sécurité et l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des travailleurs en garantissant des normes minimales en matière d'heures de travail, de périodes de repos et de congés payés. La législation telle que REACH est essentielle pour protéger la santé et la sécurité des personnes. Des mesures spécifiques sont nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs qui manipulent des substances dangereuses. Il faut mettre davantage l'accent sur la recherche de substances alternatives.

Toute tentative de dilution de ces protections, en particulier sans consultation et accord appropriés des partenaires sociaux, constitue un précédent dangereux qui sape à la fois le dialogue social et les droits fondamentaux des travailleurs.

Cette proposition n'est pas seulement malavisée, elle est totalement inutile. La directive existante comprend déjà des dispositions relatives aux cas de force majeure et des dérogations qui permettent une certaine flexibilité dans des circonstances véritablement exceptionnelles, et les conventions collectives comprennent également des dispositions telles que les heures supplémentaires convenues et rémunérées. Le cadre juridique actuel offre une marge de manœuvre suffisante pour répondre aux situations d'urgence sans qu'il soit nécessaire de réécrire les règles ou d'étendre les exemptions sous des justifications ambiguës telles que "l'état de préparation à la défense".

La suggestion de la Commission d'interpréter la directive sur le temps de travail de manière plus souple pour le secteur de la défense, y compris la production industrielle et le personnel militaire, ouvre la porte à des dérogations larges et vagues. Une telle démarche risque de normaliser les heures de travail excessives, de détériorer les normes de santé et de sécurité et d'éroder des protections du travail établies de longue date sous le faux prétexte d'une nécessité géopolitique.

Exempter la défense du programme de transition propre de l'UE serait un pas dans la mauvaise direction et une occasion manquée, car les programmes de défense et de transition propre n'ont pas besoin d'entrer en collision. Par exemple, Bruegel a récemment publié une analyse mettant en évidence sept points pour un programme commun de l'UE en matière de défense et de climat.

En outre, il est très dangereux d'encourager le développement de l'IA à haut risque à des fins militaires et de défense. La loi européenne sur l'IA vise à protéger les personnes contre l'IA nuisible et il y a une grande menace que les entreprises abusent de l'exemption pour la défense.

Enfin, nous sommes extrêmement préoccupés par l'appel explicite lancé aux États membres pour qu'ils utilisent l'argent public du Fonds de cohésion et du reste du Fonds de relance et de résilience pour la défense. Ces deux fonds avaient pour objectif de contribuer à la convergence vers le haut dans l'UE, en réduisant les inégalités entre les différents pays et régions. Les récents résultats des élections ont montré qu'il était essentiel de s'attaquer à ce problème. Détourner vers la défense des fonds destinés aux objectifs sociaux, écologiques et numériques de l'UE ne fera que mettre en péril notre force intérieure qui repose sur la sécurité économique et la stabilité sociale.

Permettre un approvisionnement plus rapide en produits de défense est compréhensible dans le contexte actuel, mais nous devons également garantir un approvisionnement équitable. C'est pourquoi il doit y avoir un retour pour le contribuable sous la forme de fonds publics liés à des conditionnalités sociales qui garantissent des emplois de qualité couverts par des conventions collectives et des droits de formation. La conditionnalité sociale est également rentable pour les entreprises car elle leur permet de disposer d'une main-d'œuvre qualifiée.

Esther Lynch, secrétaire générale de la CES, a déclaré :

"Il s'agit d'une tentative flagrante de contourner le dialogue social et de saper des décennies de progrès en matière de droits des travailleurs en Europe. La directive sur le temps de travail n'a pas été conçue pour servir des agendas politiques mais pour protéger les personnes. Nous demandons à la Commission de retirer immédiatement cette proposition imprudente et d'engager une véritable consultation avec les syndicats et les autres partenaires sociaux.

"Soyons clairs : la sécurité ne vient pas en affaiblissant les droits du travail. Au contraire, une main-d'œuvre sûre et résiliente est le fondement d'une Europe sûre et démocratique".

La secrétaire générale adjointe d'IndustriAll Europe, Isabelle Barthès, a déclaré :

"Nous sommes très préoccupés par l'approche adoptée par la Commission européenne dans l'Omnibus sur la défense, qui semble donner carte blanche aux entreprises de défense pour toutes les normes visant à protéger les personnes et l'environnement dans l'UE, en plus du chèque en blanc sur le financement. Nous avons souvent dit que l'Europe ne peut être forte à l'extérieur que si elle est forte à l'intérieur, mais les propositions de l'Omnibus menacent la protection sociale collective de l'Europe.

Nous appelons tous les législateurs européens à adopter une approche plus équilibrée et à s'abstenir de sacrifier nos normes sociales, environnementales et de travail européennes sous prétexte de stimuler la défense".

La CES et industriAll Europe demandent instamment au Parlement européen et aux États membres de rejeter toute réinterprétation ou modification de la directive sur le temps de travail qui affaiblirait ses protections ou étendrait les exemptions au-delà de leur champ d'application prévu.

Nous restons fermes : pas d'érosion des droits en matière de temps de travail sous le faux drapeau de la défense.

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Publié le18.06.2025
Communiqué de presse