Des entreprises européennes majeures ont été dénoncées et blâmées aujourd’hui pour avoir violé les droits humains dans d’autres parties du monde, ce qui souligne la nécessité d’une action forte de l’UE en matière de responsabilité d’entreprise.
Nestlé, AB InBev et H&M sont parmi les entreprises ayant leur siège en Europe dont le comportement dans le reste du monde est mis sous les projecteurs dans le rapport sur l’Indice CSI des droits dans le monde 2022 récemment publié.
« Les entreprises ne sont pas tenues de rendre des comptes et ont, dans de trop nombreux cas, perdu leur sens moral », selon la Confédération syndicale internationale à l’origine du rapport.
Malgré sa promesse d’œuvrer à renforcer la responsabilité d’entreprise, la Commission européenne n’a jusqu’à présent fait que le strict minimum à cet égard en présentant un indigent projet de directive qui devra être profondément remanié pour être efficace.
Entreprises européennes qui violent les droits des travailleurs dans le monde :
- Nestlé, Brésil : Nestlé continue à utiliser la pandémie comme prétexte pour drastiquement réduire salaires et allocations. A sa chocolaterie de Vila Velha dans l’état d’Espirito Santo, l’entreprise a unilatéralement décidé de réduire de moitié les chèques-repas, qui passent de 680 à 350 réaux, après avoir déjà diminué la part des bénéfices allouée aux travailleurs. La réduction des chèques-repas a commencé à São Paulo où la moitié de la main-d’œuvre de l’entreprise est employée. En 2019, Nestlé a licencié plus de 200 travailleurs mais a dû les réintégrer suite à une décision de justice. Toutefois, les syndicats ont été forcés d’accepter un accord réduisant les avantages sociaux, dont les chèques-repas.
- AB InBev, Pérou : AB InBev a mis en place des processus de restructuration de son personnel sans avoir consulté les organisations syndicales. Au cours de ces processus, l’entreprise a licencié trois secrétaires généraux syndicaux ainsi que quinze travailleurs de son usine nord de Motupe, qui tous étaient des membres grévistes du syndicat national Backus.
- Heinz-Glas, Pérou : Heinz-Glas a poursuivi sa politique antisyndicale en démantelant le syndicat et en empêchant la négociation collective. L’entreprise a offert une aide pour la désaffiliation des membres en leur envoyant un modèle de lettre de désaffiliation, allant même jusqu’à se rendre chez eux ou en les appelant un par un pour les encourager à se désaffilier et en offrant un poste mieux rémunéré à ceux qui faisaient le choix d’accepter.
- H&M, Nouvelle-Zélande : La chaîne de vêtements H&M a suspendu quatorze travailleurs le 24 avril 2021 durant la négociation d’une nouvelle convention collective sur les salaires dans ce qui s’apparente à une manœuvre pour les punir d’avoir essayé d’obtenir le salaire minimum vital. En 2019 déjà, les travailleurs syndiqués de H&M avaient été interdits d’accès pour avoir exhibé des autocollants réclamant de justes salaires.
- Santander, Brésil : L’entreprise a réduit de 55% la rémunération de 40 leaders syndicaux après qu’ils aient introduit un recours juridique pour réclamer le paiement d’heures supplémentaires.
Ces cas illustrent la manière dont des entreprises européennes continueront à agir impunément partout dans le monde sans une directive sur le devoir de vigilance.
Pourtant, comme il se présente actuellement, le projet de directive échoue non seulement à assurer aux victimes de violations de droits un accès effectif à la justice ou à imposer des sanctions qui auraient un effet dissuasif pour les entreprises mais il sape également l’exercice des droits syndicaux consacrés dans les instruments internationaux et européens en matière de droits humains tels que les conventions de l’OIT et la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe.
Suite à la publication du rapport, la Secrétaire confédérale de la CES Isabelle Schömann a réagi :
« Les entreprises devraient se comporter à l’étranger comme elles le font en Europe. Pourtant, dans de trop nombreux cas, ces grandes enseignes croient qu’elles ne sont pas tenues de respecter les droits des travailleurs et des syndicats en dehors de l’Europe. »
« Plusieurs entreprises européennes parmi les plus riches piétinent ainsi les droits des travailleurs parmi les plus pauvres au monde en faisant passer leurs bénéfices avant la vie des travailleurs et la planète. Les dirigeants des entreprises dénoncées aujourd’hui dans ce rapport devraient avoir honte d'eux-mêmes. »
« La CES réclame une législation européenne forte pour forcer ces entreprises à se conformer aux règles. Jusqu’à présent, la Commission européenne a cédé au lobbying des entreprises et n’a fait que le strict minimum. Une directive européenne sur la responsabilité d’entreprise devrait inclure la participation des travailleurs dans tout le processus lié au devoir de vigilance ainsi qu’une stratégie de tolérance zéro à l’égard des violations des droits humains permettant aux victimes de demander justice et d’imposer des sanctions aux entreprises ayant enfreint la loi. »
Notes
Indice CSI des droits dans le monde 2022
Plus d'informations sur le projet de législation européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité