Communiqué conjoint relatif au processus de négociation d'un accord d'association bi-régional entre l'Union Européenne et le Mercosur

Brussels 25/06/2019

COORDINATION DES CENTRALES DU CÔNE SUD (CCSCS)

CONFÉDÉRATION EUROPÉENNE DES SYNDICATS (CES)

COMMUNIQUÉ CONJOINT RELATIF AU PROCESSUS DE NÉGOCIATION D'UN ACCORD D'ASSOCIATION BI-RÉGIONAL ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LE MERCOSUR

 

En prévision du nouveau cycle de négociations prévu à la fin du mois de juin 2019 à Bruxelles afin d'avancer sur les questions en suspens en vue de la signature d'un accord d'association entre le Mercosur et l'Union européenne, nous voulons, en notre qualité de représentants du mouvement syndical bi-régional, vous faire de nouveau part de nos revendications et de nos inquiétudes face à la manière dont les négociations sont menées et à la nature de cet accord, qui s'avère être un accord de libre-échange.

Nous sommes dans l'obligation de réitérer notre inquiétude quant au manque de transparence et à l'opacité du processus de négociation, en particulier au sein des pays membres du Mercosur.

Nous déplorons le fait que trois ans après l'échange de propositions entre les parties négociatrices, les représentants des travailleurs du Mercosur et de l'Union européenne ne puissent toujours pas avoir officiellement accès ni aux documents faisant l'objet des négociations ni aux principaux contenus des propositions, alors même que nous savons que divers chapitres ont récemment été clos.

Nous exprimons une fois de plus l'inquiétude légitime que suscite un accord qui ne tient pas compte des intérêts des deux parties en matière d'emploi et ne contribue pas au développement symétrique et équilibré qui s'impose dans les deux régions. Les points suivants - entre autres - font plus particulièrement l'objet de préoccupations, dans le sens où nous les considérons extrêmement importants pour l'intérêt de la société dans son ensemble et des travailleurs et travailleuses en particulier : le large champ d'application et le rythme accéléré de la détaxation des échanges de biens ; la souplesse excessive des règles relatives à l'origine qui sont en cours de négociation ; la libéralisation de plusieurs services que nous jugeons stratégiques pour le développement des nations ; l'érosion du pouvoir d'achat de l'État prévue dans le chapitre relatif aux dépenses publiques ; la proposition de prolongation de la durée des brevets et la protection des données résultant d'essais pour ce qui est des produits pharmaceutiques ; l'absence de mécanismes efficaces de promotion des petites et moyennes entreprises, tel qu'un appui financier et un mécanisme de transfert de technologie ; et l'absence totale d'études relatives aux répercussions de l'accord sur l'économie, la société, l'emploi et l'environnement des pays du Mercosur, qui sont déjà en proie à une situation économique et sociale difficile, en particulier le Brésil et l'Argentine.

  • Au Brésil, un gouvernement pseudo-démocratique a été élu à la suite d’un processus entamé par un coup parlementaire à l'issue duquel la Présidente légitimement élue a été destituée pour des raisons peu crédibles, et le principal chef de file de l'opposition, Luis Ignacio da Silva, a été incarcéré et s'est vu refuser le droit de présenter sa candidature aux élections. L'affaire est aujourd'hui en appel et il apparaît au grand jour qu'il s'agissait d'un montage échafaudé par le juge, le procureur et d'autres acteurs du pouvoir. Il est encore impossible de savoir quand cette affaire sera classée et quelle en sera l'issue.
  • L'Argentine vit actuellement une période électorale, dont l'issue pourrait bien entraîner un profond bouleversement du paysage politique imposé par le gouvernement actuel, qui a plongé le pays dans l'une des crises économiques les plus graves de son histoire et dans un scandale judiciaire sans pareil.
  • Des élections auront lieu en Uruguay et en Bolivie le même jour qu'en Argentine.
  • L'Union européenne vient de connaître des élections et les nouveaux élus ne sont pas encore entrés en fonction.

Un tel contexte politique peut influencer et affecter l'application de l'accord. Les accords de cette nature ne sauraient être signés de manière précipitée, car ils relèvent des politiques d'État. Ils doivent faire l'objet d'un consensus de la part des grands secteurs de la société et ne peuvent être instrumentalisés à des fins de propagande par un gouvernement ou dans le cadre d'élection.

Pour ce qui est des normes internationales de travail, nous réitérons notre inquiétude face à la non-ratification de nombreuses conventions fondamentales de l'OIT par des membres de la région. Le Brésil, en particulier, n'a pas ratifié la convention 87 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical. À l'occasion de la conférence internationale du travail de 2019, le cas du Brésil a été évoqué lors d'une réunion de la commission d'application des normes de l'OIT en raison de violations de la convention 98 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical dont le pays s'est rendu coupable.

Le mouvement syndical bi-régional a exprimé à maintes reprises aux parties prenantes des deux blocs ses principales inquiétudes et exigences, dans l'espoir que la négociation aboutisse à un véritable Accord d'association, permettant de renforcer les relations politiques, sociales, économiques et culturelles entre les deux régions. À l'origine, l'esprit de la négociation consistait à rapprocher deux réalités ayant des valeurs et des principes démocratiques communs sur un échiquier international complexe d'un point de vue économique et commercial. C'est sur la base de ce postulat que nous, les syndicats, avons demandé que soient placés au cœur des négociations les citoyens et leurs droits fondamentaux ainsi que le droit à un travail décent, la solidarité envers les plus démunis et le respect de l'environnement.

Les organisations syndicales d'Europe et du Mercosur exhortent les négociateurs à rectifier les points litigieux soulevés dans la présente déclaration. Aux yeux des syndicats d'Europe et du Mercosur, il est fondamental d'amender ces points.

La CES et la CCSCS continueront de défendre les revendications des travailleurs ainsi que le principe voulant que les relations entre l'Union européenne et le Mercosur participent à la construction d'un modèle de développement qui soit plus équilibré d'un point de vue économique, garant d'une plus grande cohésion et justice sociale et respectueux de l'environnement.

La CES et la CCSCS s'engagent à promouvoir des formes de collaboration toujours plus structurées, à suivre l'évolution des relations entre les deux régions et à représenter devant toute instance institutionnelle les intérêts des travailleurs et des travailleuses en Europe et au sein du Mercosur.

À Genève, Suisse, le 14 juin 2019.