Congrès de la CFDT (Confédération française démocratique du travail - France)

Grenoble, 15/06/2006

To be checked against delivery

Un an après les votes négatifs aux référendums français et néerlandais, l'Europe se trouve à la croisée des chemins.

Nous assistons aujourd'hui à toute une série de replis nationaux illustrés par le patriotisme économique ou le racisme.

La conjoncture économique et sociale en Europe reste fragile. Le chômage est élevé dans certains pays, notamment en France. La précarité se répand, en particulier chez les jeunes, avec comme conséquence une augmentation des inégalités et de la discrimination.

Et une mauvaise conjoncture au niveau national alimente le sentiment anti-européen.

L'Europe est prise - à gauche comme à droite - pour cible des problèmes. Mais il ne peut y avoir de réponse nationale à des problèmes globaux.

Pour trouver une solution, certains décideurs politiques ne trouvent rien d'autre que de proposer de déréglementer le social pour soi-disant faciliter l'emploi et la croissance. Les citoyens le voient, le vivent, d'où un sentiment d'inquiétude qui se répercute sur le politique, que ce soit au niveau national ou européen.

Face à ces défis, un choix s'impose à nous et il en va du futur du projet européen. Devons nous accepter que l'Europe ne devienne qu'une zone d'économie de libre échange, où voulons nous une Europe politique avec une dimension sociale forte ?

Pour la CES, le choix est fait depuis longtemps. Et notre choix est votre choix, chers amis de la CFDT.

La construction de l'Europe sociale est une priorité pour le mouvement syndical européen. L'Europe sociale est la solution aux défis auxquels nous faisons face. Elle est une réponse aux préoccupations des travailleurs européens.

A un an de son congrès, la CES entend montrer que nous avons une réponse appropriée, à la mesure des défis. Nous avons déjà prouvé que nous étions capables d'avoir ces réponses.

La question des travailleurs migrants venant des nouveaux pays de l'Union est sensible, je le reconnais. Nous nous inquiétons de la montée du racisme souvent liée à l'immigration et à la libre circulation des travailleurs. L'arrivée d'une main d'œuvre prête à travailler pour des salaires très bas inquiète aussi les travailleurs que nous représentons.

Mais nous n'avons pas fait l'impasse sur cette problématique. En effet, la CES est passée à l'attaque contre les mesures transitoires visant à discriminer les travailleurs circulant en Europe. Cela fait partie de notre combat pour l'application des droits fondamentaux. Ces mesures transitoires créent et maintiennent une citoyenneté de seconde classe pour les travailleurs des nouveaux Etats membres en ne leur permettant pas une admission légale en matière d'emploi. Ceci entraîne des situations d'exploitation.

La CES se réjouit que certains pays comme l'Espagne, le Portugal, la Finlande et les Pays-bas aient levé leurs mesures transitoires le 1er mai dernier. Et je remercie la CFDT, et les autres syndicats français, qui on soutenu nos positions dans les discussions dans votre pays.

Nous avons montré notre capacité d'intervention avec la directive « Services ». Par notre forte mobilisation, nous avons réussi à stopper la proposition initiale de la Commission.

En février dernier, notre euro-manifestation à Strasbourg a confirmé le rôle du syndicalisme et de la CES en Europe. Le Parlement a par la suite éliminé les menaces les plus sérieuses, notamment la disposition centrale du texte « le principe de pays d'origine » qui aurait crée des tensions graves entre les Etats membres.

La Commission et dernièrement le Conseil, ont respecté dans les grandes lignes le compromis du Parlement. Nous restons vigilants sur l'évolution de cette directive.

J'en profite pour dire que, par son engagement, le Parlement européen a montré qu'un processus démocratique transparent permet une meilleure écoute des citoyens et des travailleurs européens. La démocratie, ça marche !

La CES continue de se mobiliser également sur une des pierres angulaires de l'Europe sociale : la directive sur le temps de travail. Là encore, tous les travailleurs sont affectés, puisque cela concerne leur sécurité et leur santé au travail. Le Conseil n'a pas trouvé d'accord lors de sa réunion du premier (1er) juin. Nous maintenons la pression pour qu'un accord valable pour les travailleurs soit trouvé sous la prochaine présidence finlandaise.

Nous avons obtenu un net succès dans la négociation sur REACH, qui est, je vous le rappelle, une nouvelle mesure stricte et respectueuse de l'environnement et des travailleurs concernant les produits chimiques.

Reach est actuellement menacé par le gouvernement américain. C'est pourquoi nous devons poursuivre nos efforts pour défendre cette mesure.

Un autre gros dossier concerne la protection des services d'intérêt général. Nous sommes en cours de dialogue avec l'organisation patronale européenne du secteur public pour élaborer conjointement un projet de directive cadre. Nous avons de grands espoirs d'arriver à une solution acceptable qui va droit au cœur du modèle social européen. Ceci serait un exemple magnifique du potentiel que le dialogue social peut apporter.

Nous avons amené les employeurs du secteur privé, l'UNICE, à conclure, entre autres, un nouveau programme de dialogue social qui inclut des sujets aussi brûlants que l'immigration, les délocalisations, la gouvernance d'entreprise et l'égalité.

Nous n'insisterons jamais assez sur la nécessité de renforcer le dialogue social et la capacité de négociations à tous les niveaux et d'éviter les décisions gouvernementales unilatérales.

Vous avez vécu ceci en France avec le CPE. Le développement de la précarité est une de nos grandes préoccupations. C'est pour cela que je suis venu vous soutenir à Paris lors de votre dernière manifestation contre le CPE. Je suis venu pour marquer ma solidarité aux jeunes et aux syndicats français mais aussi pour montrer l'inquiétude des syndicats européens face au développement de la précarité en Europe.

La mobilisation autour du CPE a eu un retentissement énorme, pas seulement en France. Vous avez démontré qu'il existe d'autres solutions que de payer les gens au rabais. Nous voulons plus d'investissements dans la recherche, la formation, dans le capital humain.

Et nous voulons aussi plus de concertation avec les partenaires sociaux. L'amélioration du dialogue social et de la capacité de négociations est une garantie de la cohésion sociale. Le dialogue social, c'est le moteur du modèle social européen. Pas un gadget.

Nous nous déclarons prêts à négocier sur tous les problèmes que rencontrent les travailleurs mais aussi les chômeurs en Europe. Ne suivons pas l'exemple de ce qui se passe de l'autre côté de la Manche. Inspirons-nous plutôt des pays nordiques. Grâce à d'importantes négociations collectives, dirigées par des syndicats puissants, ces pays connaissent une croissance économique élevée, un endettement faible, un taux de chômage faible et une excellente protection sociale.

Autre grande question d'actualité : qu'en est-il de la Constitution ? Il y a beaucoup de discussions autour du Traité constitutionnel. Elles n'ont pas mené très loin dans la réflexion jusqu'à présent. La Commission devrait assurer le leadership sur cette question, or elle ne le fait pas. On peut toujours espérer que le Conseil européen réuni aujourd'hui donnera une impulsion à ce texte. Qui sait ?

Nous avons soutenu la Constitution et nous resterons cohérents avec notre position. Je suis fier de ma participation dans la campagne en France.

En introduisant la Charte des droits fondamentaux et en renforçant le rôle des syndicats, elle est un véritable point d'appui pour construire l'Europe sociale.

Notre dernier comité exécutif a décidé de lancer une campagne à l'automne mettant en avant une dimension sociale forte pour la Constitution. Revendication que nous avons toujours eue.

Nous revenons au combat. Pendant que certains réfléchissent, il faut qu'on agisse.

En particulier, nous voulons développer des possibilités d'action collective au niveau européen, prévues par la Charte qui, comme vous le savez, constitue la deuxième partie du Traité Constitutionnel.

Chers amis,

L'Europe est critiquée mais elle existe. C'est une réalité plus économique que politique, certes. Nous devons contribuer à ce qu'elle soit plus politique et bien sûr plus sociale. L'Europe est la seule entité dans le monde qui n'est pas juste une zone de libre échange. Elle est notre seul atout pour pouvoir gérer la globalisation. Et l'implication des syndicats est essentielle.

Le syndicalisme européen doit avoir une forte visibilité. Nous avons acquis plus de crédibilité avec notre mobilisation et nos actions communes sur la directive « Services ». Nous allons continuer.

A notre prochain congrès, en mai 2007, nous aborderons le devenir du syndicalisme européen à travers, notamment, une discussion sur le recrutement et l'organisation. Ces aspects sont cruciaux si l'on veut rester sur le terrain politique, avoir une certaine influence pour pouvoir affronter les défis de demain.

Notre rôle est de renforcer nos activités communes afin de donner un véritable cadre européen de négociations et de droits sociaux, étape indispensable dans l'organisation de la mondialisation.

C'est ce que nous faisons et continuerons de faire. La CFDT est engagée de longue date dans ce combat et nous savons que nous pouvons compter sur elle.

Je vous remercie de votre participation à notre dernière euro-manifestation de Strasbourg. Je vous remercie une nouvelle fois pour le soutien que vous apportez à la CES depuis le début.

Je vous donne rendez-vous pour d'autres batailles.

Bonne continuation et bon congrès à vous tous.

15.06.2006
Discours