Bruxelles, 19-20/10/2011
Une situation extrêmement dangereuse
La situation économique de la zone euro s’est fortement dégradée ces derniers temps et a atteint des niveaux extrêmement dangereux au cours des dernières semaines et des derniers jours.
En même temps, la situation sociale s’est détériorée de façon spectaculaire : les inégalités et la pauvreté sont en hausse ; le chômage, le chômage des jeunes en particulier, a atteint des niveaux intolérables, plus de 20% dans la plupart des pays et au-delà de 40% en Espagne et en Grèce.
Cette situation est aujourd’hui aggravée par une nouvelle crise bancaire rappelant celle de 2008. Des gouvernements ont dû intervenir pour soutenir la banque Dexia proche de l’effondrement alors même que, voici quelques mois, Dexia avait passé les tests de résistance avec succès. D’autres banques européennes sont également vulnérables de par la nature de leurs actifs.
Depuis la dernière crise bancaire, les banques ont engrangé des bénéfices considérables et, au lieu de réduire leur exposition aux risques, elles ont distribué ces bénéfices aux actionnaires et des bonus aux dirigeants des banques. Une fois encore, elles demandent un sauvetage par l’État, ce qui entraîne davantage de dette et davantage d’austérité. Une fois encore, les travailleurs et leurs familles sont priés de payer pour les banques. Il est temps de mettre fin à un système dysfonctionnel dans lequel les travailleurs sont prisonniers d’un capitalisme de casino.
La situation se détériore aussi en Grèce. Pressée par d’autres membres de la zone euro, par la BCE et par le FMI de mettre en place un programme de coupes et de privatisations sans précédent, l’économie grecque a sombré dans la dépression. Il est difficile dans ces conditions d’imaginer comment le pays pourra rembourser ses dettes. Un défaut de la Grèce, comme le recommandent certains politiciens, entraînerait une crise plus grave encore.
Le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie sont dans une situation instable et très problématique. Des agences de notation ont averti la Belgique et la France que leur note triple A est sous surveillance. Cette annonce a déjà entraîné un relèvement des taux d’intérêt et fait du retour à l’équilibre budgétaire une perspective plus lointaine encore.
Si la crise persiste, l’effet domino touchera les économies actuellement plus fortes. Cela provoquerait une spirale de défauts de dettes souveraines, de faillites bancaires, de chômage, de salaires en baisse, d’austérité budgétaire et de pauvreté généralisée, non seulement dans la zone euro mais dans tous les pays de l’UE. L’avenir de la zone euro et de l’Union européenne serait alors en jeu.
La solidarité économique est nécessaire pour surmonter la crise
Il est très difficile de voir comment la crise pourrait être surmontée sans que les pays financièrement plus forts soutiennent les plus faibles. Même si elle paraît extrêmement exigeante, cela semble être la seule issue. Pour y parvenir, un dialogue constructif avec les syndicats quant à une répartition équitable du fardeau est indispensable.
Depuis le début de la crise, la CES a plaidé pour une solidarité économique sous forme d’euro-obligations pour faciliter les investissements pour des emplois durables et d’une taxe sur les transactions financières pour contribuer, au moins en partie, à la réparation des dégâts causés par la spéculation, pour une utilisation sans contrainte bureaucratique des réserves des fonds structurels avec la participation active des partenaires sociaux, pour l’équité de l’impôt, pour la fin des paradis fiscaux, de la fraude et de l’évasion fiscales et l’arrêt de la concurrence fiscale.
La CES est ouverte à d’autres formes acceptables de solidarité économique telles que l’émission d’obligations ou la garantie d’emprunts par le FESF.
Les décisions prises le 21 juillet 2011 par la zone euro étaient un pas dans la bonne direction mais le processus démocratique pour les mettre en œuvre est forcément lent. De sérieux doutes doivent être levés pour convaincre les États membres de prêter davantage d’argent à la Grèce. Depuis le 21 juillet, la situation s’est considérablement détériorée et les réponses données alors sont plus que probablement insuffisantes aujourd’hui.
Une gouvernance économique et sociale est nécessaire
Une monnaie commune demande des règles communes. Elle ne peut fonctionner si les États membres font ce que bon leur semble et poursuivent des politiques économiques divergentes sans penser à l’impact que celles-ci peuvent avoir sur les autres membres. Mais une monnaie commune a également besoin des bonnes règles. Une coordination européenne plus forte des politiques économiques nationales doit tendre à favoriser la relance économique, à créer davantage et de meilleurs emplois et à garantir une convergence vers le haut des conditions de travail et de vie.
Les règles définies par le Parlement européen, le Conseil et la Commission dans le « six-pack » font passer le fardeau de la crise sur les travailleurs et leurs familles. Si, lors de la récession de 2009, les gouvernements avaient été forcés de suivre les règles que le paquet sur la gouvernance économique cherche maintenant à imposer, l’économie aurait été précipitée dans une dépression généralisée.
Les déséquilibres dans la zone euro étaient exacerbés par la concurrence à la baisse en termes de salaires et de conditions de travail précaire allant de pair avec une flambée irrationnelle de la dette et du prix des actifs. Les augmentations salariales prétendument « irresponsables » n’y étaient que pour peu, voire rien.
Le danger est réel de voir ces règles utilisées pour faire passer une austérité budgétaire brutale, pour imposer des objectifs de réduction du déficit excessivement exigeants et rapides et pour systématiquement réduire les allocations sociales, les services et investissements publics. Les négociations décentralisées et non coordonnées ainsi qu’une flexibilité salariale à la baisse seraient encouragées afin de diminuer la position de négociation des travailleurs et des syndicats. Une concurrence salariale à la baisse pourrait s’ensuivre tant au sein d’un même pays qu’entre pays différents, ce qui entraînerait une nouvelle augmentation du travail précaire et des inégalités.
Pour répondre à ce danger, la CES aura systématiquement recours à la clause de garantie salariale de l’article 1 du règlement sur les déséquilibres excessifs. Cette clause dispose que « La mise en œuvre du présent règlement respectera pleinement l'article 152 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’UE) et les recommandations formulées au titre du présent règlement respecteront les pratiques nationales et les systèmes de formation des salaires. Le présent règlement tiendra compte de l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et, dès lors, n’affectera pas le droit de négocier, de conclure et de mettre en œuvre des conventions collectives ainsi que de recourir à des actions collectives, conformément aux législations et aux pratiques nationales ».
Toute tentative de la part de la Direction générale des affaires économiques et financières ou du Conseil des ministres des finances d’utiliser la nouvelle procédure concernant les déséquilibres excessifs pour affaiblir les systèmes de formation des salaires, pour faire pression sur les résultats des négociations salariales et collectives ou pour imposer des réformes du marché du travail sera combattue par la CES comme étant en contravention avec l’article 1 du règlement et les principes de l’article 152 du Traité quant au respect des partenaires sociaux et des systèmes nationaux de formation des salaires.
La CES insiste pour que tous les processus de la politique européenne (recommandations UE 2020 par pays ou Pacte euro plus), même s’ils ne sont pas légalement contraignants, respectent l’autonomie des partenaires sociaux et les objectifs sociaux fondamentaux de l’Union européenne comprenant le progrès social, la justice sociale, un haut niveau d’emploi et la convergence vers le haut des conditions de travail et de vie.
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Contre l’austérité et une intervention dans les systèmes de fixation des salaires}}
Plutôt que de se consacrer à la recherche de solutions à long terme pour une croissance durable et la solidarité économique, les autorités ont concentré leurs efforts sur l’imposition de mesures d’austérité dans tous les pays en difficulté sans qu’on voie le moindre des résultats escomptés. Les interventions de la Troïka et/ou de la BCE dans les négociations collectives et les systèmes de fixation des salaires en Grèce, en Italie et dans d’autres pays sont inacceptables.
Contre les attaques sur les droits sociaux et syndicaux fondamentaux
La CES estime que la situation actuelle est malheureusement mise à profit par les néolibéraux qui veulent que nos économies soient entièrement aux mains des marchés pour attaquer le modèle social européen.
La Commission, la BCE, le FMI et les gouvernements nationaux ont fait le choix de lier leur soutien économique à des initiatives qui mettent à mal le dialogue social, des systèmes de relations sociales corrects, l’autonomie des partenaires sociaux et la portée des négociations collectives.
La CES n’acceptera jamais de telles attaques qui vont à l’encontre des droits fondamentaux, y compris les droits syndicaux, que garantissent la Charte des droits fondamentaux et les constitutions nationales.
Remarques finales
Notre approche était et reste la bonne. La CES milite et continuera à militer pour une croissance économique durable, contre la gouvernance de l’austérité et de la stagnation économique, pour la solidarité économique et un ensemble approprié de règles de gouvernance économique. Au lieu d’attaquer le modèle social et les syndicats, les responsables politiques européens doivent prendre les décisions nécessaires pour endiguer une dépression européenne et mondiale généralisée.
Les droits sociaux et syndicaux fondamentaux ainsi que l’autonomie des partenaires sociaux font partie de nos systèmes démocratiques. Ils doivent être défendus et soutenus par l’UE. C’est sur cette base que la CES est prête à prendre part à un dialogue pour une sortie de crise constructive et équitable.
Déclaration de la CES pour téléchargement
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